« Retard inhabituel », « niveau de tension extrême », « moral au plus bas » : à dix jours de la clôture des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs agroalimentaires, l'ensemble des parties prenantes a reconnu mardi des difficultés accrues cette année. (Article mis à jour le 19/02/25 à 9h38)
Chaque année entre début décembre et le 1er mars, la grande distribution négocie avec ses fournisseurs de l'industrie agroalimentaire, des PME aux géants du secteur, les conditions (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) auxquelles elle va lui acheter une large partie des denrées commercialisées dans ses rayons pour le reste de l'année.
Le comité de suivi qui s'est tenu mardi matin sous l'égide des ministres de l'Agriculture et du Commerce a été « aussi tendu que le sont les négociations », affirme Dominique Chargé, président de La Coopération agricole.
L'Association nationale des industries alimentaires (Ania), principal lobby du secteur, a fait part d'un retard inhabituel dans la signature d'accords commerciaux et s'est félicitée que la ministre de l'Agriculture Annie Genevard ait « tapé du poing sur la table » face à une grande distribution qui demande des baisses de prix « insoutenables » aux fabricants agroalimentaires.
« Pression déraisonnable sur les prix »
Sollicité, le ministère de l'agriculture s'est refusé à commenter mais la ministre avait déclaré à La Tribune dimanche vouloir « corriger certains dysfonctionnements relationnels » avec la grande distribution qui exerce « une pression déraisonnable sur les prix ».
Layla Rahhou, déléguée générale de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), pointe elle « la responsabilité de l'Etat dans la dégradation des relations pendant les négociations commerciales ».
« C'est particulièrement dur, parce que le moral des entreprises est au plus bas, donc forcément cela tend les choses », ajoute-t-elle, accusant les géants de l'agroalimentaire de repousser les signatures jusqu'à la dernière minute pour faire « pression » sur les distributeurs.
Elle affirme que près de 90 % des contrats avec les PME ont été signés,
contre 40 % avec les grands groupes. Lundi, l'organisme représentant PME et entreprises de taille intermédiaire de l'alimentation, Pact'Alim, avait alerté sur des « négociations très dégradées » et un doublement des « menaces de déréférencement » de la grande distribution.
« Déflation » impossible
« Les négociations cette année semblent plus tendues », a reconnu le ministère du Commerce à l'issue du comité. Selon le ministère, les distributeurs « ont déploré que les industriels demandent des hausses de tarifs qui ne leur semblent pas corrélées à l'augmentation des cours des matières premières qu'ils constatent ».
La hausse des prix s'est apaisée ces derniers mois mais le budget des consommateurs reste globalement sous tension et les supermarchés se livrent une concurrence féroce pour les attirer. Les industriels agroalimentaires mettent en avant des hausses de coûts liées d'une part à la matière première agricole et d'autre part à leur masse salariale, à l'énergie ou aux emballages.
« La grande distribution regarde le prix de l'énergie à un instant T et oublie que certains contrats de fourniture sont conclus sur plusieurs années », affirme l'Ania. « On a joué le jeu l'année dernière en baissant les prix, mais en 2025, on ne peut pas assumer de déflation. »
La ministre de l'agriculture a annoncé dimanche vouloir « ajuster » la loi Égalim, censée garantir une meilleure rémunération des agriculteurs en encadrant davantage les négociations commerciales, et « protéger en partie aussi la matière première industrielle ».
« Impossible de faire respecter la loi Égalim »
Dominique Chargé constate lui « une impossibilité à faire respecter la loi » Égalim sur la matière première agricole, qui prévoit par exemple que, si le coût de production du lait augmente, l'industriel le paye plus cher et les supermarchés aussi. Selon lui, la grande distribution tente de contourner la loi en délocalisant les négociations à l'écart du droit français grâce à ses centrales d'achat européennes.
Côté FCD, Layla Rahhou affirme que le problème réside dans le « décrochage » de la filière alimentaire française par rapport à ses voisins européens, « plus compétitifs ».
Aucun patron de la grande distribution n'était présent au comité de mardi mais plusieurs ont annoncé une conférence commune au Salon de l'agriculture la semaine prochaine, à l'invitation de l'animatrice Karine Le Marchand. « L'amour est peut-être dans le pré, mais pas dans les salles de négociations », avait ironisé François-Xavier Huard, président de la Fédération nationale de l'industrie laitière, en référence à l'émission présentée par l'animatrice sur M6.
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