En Normandie, il fait bon produire

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Vaches laitières au paturage en Normandie
En Normandie, la collecte de lait est en progression depuis 2006, particulièrement dans la Manche et dans l'Orne. (©)

Encouragés par les industriels, les producteurs des trois départements de l’ancienne Basse-Normandie attendaient la fin des quotas pour appuyer sur l’accélérateur. Ils commencent à lever le pied.

La Normandie détonne dans le paysage laitier français. Si elle reste le deuxième bassin devant les Pays de la Loire, la croissance de sa collecte est proche de celle de l’Europe du Nord. Les producteurs normands ne sont pas rassasiés de lait, et plus spécifiquement ceux de la Manche et de l’Orne. L’Institut de l’élevage (Idele), en partenariat avec le Cniel et FranceAgriMer, montre qu’ils concentrent les évolutions normandes majeures de la dernière décennie : + 12 % dans la Manche entre 2015 et 2023, à 1,75 milliard de litres, + 3 % dans l’Orne, à 721 Ml.

Un eldorado vert aux confins de quatre départements

Si l’on remonte à 2006, la collecte a même progressé de respectivement 36 % et 17 %. Le triangle vert qu’est l’ouest de l’Orne et du Calvados (de Domfront à Vire), le sud de la Manche avec le nord de l’Ille-et-Vilaine (de Mortain à Fougères) et le nord de la Mayenne, constitue la zone de collecte la plus dense de l’Hexagone. Certains l’appellent même l’eldorado vert, tant le potentiel pédoclimatique y est élevé. Les éleveurs ne s’y trompent pas. Selon le service économie de l’Idele, le taux d’arrêt des exploitations y est plus faible grâce à un taux de remplacement des départs plus élevé que dans les autres zones de plaine. Dans le sud de la Manche, la concurrence sur le foncier se traduit par un prix de vente entre 8 000 € et 10 000 €/ha en 2023, juste derrière la Seine-Maritime à 10 000 € et bien plus. Pendant longtemps, la Manche a été le premier département laitier français en nombre de vaches laitières. Il l’est désormais pour les livraisons, « reléguant » l’Ille-et-Vilaine en deuxième position. Il faut remonter aux années 1980 et l’instauration des quotas laitiers pour comprendre son cheminement. Sur de petites structures, les éleveurs manchois ont commencé dans cette nouvelle organisation du marché avec 23 500 litres de moins que leurs voisins d’Ille-et-Vilaine : 78 400 l livrés par exploitation en 1985, contre 101 900 l. La faible réserve départementale de quotas n’a pas permis d’encourager les projets. La reprise de foncier, sur lequel étaient attachés les volumes réglementés, était la principale voie pour développer l’activité laitière.

Les industriels investissent

La régionalisation des quotas après 2010 a été le premier vrai coup de pouce. Les volumes ont migré de l’Eure et de la Seine-Maritime – dont les structures en polyculture-élevage laissent de la latitude – vers la Manche mais aussi l’Orne et le Calvados, davantage spécialisés en lait. « Les attributions d’environ 80 000 litres, contre 10 000 à 20 000 litres avant, ont conforté les exploitations bas-normandes. 

Elles ont encouragé les installations à cette époque », note Mélanie Jugé, chargée d’études de l’Atelier des études de CERFrance Normandie Maine. Rajeunies, un bon nombre des exploitations étaient prêtes à produire plus lors de la suppression des quotas laitiers, soutenues par les transformateurs présents dans ces trois départements. Coopératives moyennes et grands groupes ont quasi tous réalisé d’importants investissements durant la dernière décennie : Maîtres laitiers du Cotentin dans un site flambant neuf (même s’il ne tourne pas à plein actuellement), Isigny Sainte-Mère dans les poudres de lait infantile, Lactalis à Domfront (Orne) pour le camembert et Agrial qui a pris de l’ampleur en 2016 grâce à sa fusion avec Eurial. Il fait bon fabriquer des produits laitiers en Normandie, région à forte notoriété en France et à l’étranger. Les quatre appellations d’origine fromagères, dont le camembert de Normandie, et les deux appellations beurre et crème l’entretiennent. Elles participent également à maintenir une ambiance laitière dans les campagnes, en particulier dans l’Orne.

Robotisation des exploitations

« Avec +13 %, l’augmentation de la productivité entre 2017 et 2020 dans la Manche traduit le coup d’accélérateur des éleveurs après 2015. La production par UTH est passée de 263 000 à 297 000 litres », reprend Mélanie Jugé. Cette courbe ascendante se ralentit : + 3,7 %, à 308 000 litres, en 2023. Les éleveurs activent quatre leviers d’augmentation : le nombre de vaches, la productivité, la surface fourragère et le salariat (voir encadré). Les aides publiques à l’investissement accompagnent cette dynamique. Le dispositif Normandie Agriculture Investissement de la Région remporte un tel succès qu’elle vient de revoir les règles d’éligibilité aux fonds régionaux et européens. « Les trois quarts des dossiers normands sont laitiers pour un montant d’aides moyen de 90 000 € à 100 000 €, confirme Baptiste Fos, de CERFrance Normandie Ouest. Dans 40 % des cas, il s’agit d’une robotisation de la traite et l’aménagement ou l’agrandissement du bâtiment qui va avec. »

L’augmentation de la taille des exploitations laitières et leur automatisation accroissent leur valeur, ce qui complexifiera très probablement leur reprise. En attendant, elles ont quelques marges de manœuvre pour gagner encore en productivité, à commencer par la poursuite de l’intensification animale qui est moins poussée qu’ailleurs, soit 7 500 l par vache en 2023-2024, selon CERFrance Normandie Ouest.

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Vaches, charolaises, R= France 7,11 €/kg net +0,05
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