L’herbe n’est pas toujours si bonne !

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Vigilance. Les rations à base d’herbe, pâturées ou affouragées, exigent un suivi pointu.

E n mai de cette année, un éleveur en filière lait AOC époisses appelle car deux vaches de son troupeau ont brutalement chuté en lait en vingt-quatre heures. Elles présentent de la diarrhée lui faisant penser à un problème de grippe intestinale. L’une d’entre elles a perdu l’appétit et n’a quasi plus de lait alors qu’elle produisait plus de 20 litres la veille. L’autre mange toujours, mais est passée de 40 litres environ à tout juste 30 litres de lait/jour. Au-delà de ces deux cas critiques, la baisse de production et de taux protéique est générale dans le troupeau.

Tous les symptômes d’un corps étranger, mais...

L’examen de la première vache pouvait faire penser à la présence d’un corps étranger tant elle avait mal au ventre. Le signe du garrot (c’est-à-dire une pression exercée sur le garrot) a couché la vache de douleur. Par contre, elle n’avait pas de fièvre et le rumen « tournait » plus vite que la moyenne.

Impossible à ce stade de connaître l’origine du problème. Des examens sont engagés. Une prise de sang et un test complémentaire excluent la présence d’une péritonite par corps étranger. L’examen clinique du ­deuxième animal est similaire. L’abdomen est cependant un peu moins douloureux : le signe du garrot est nettement moins positif, mais la vache a quand même mal quand on appuie sur son rumen.

Par ailleurs, les pH urinaires des deux vaches apparaissent normaux (8,1). En revanche, les glycémies sont basses (0,35 et 0,38 g/l) alors qu’il s’agit d’un troupeau à haut niveau de production, qui avait été contrôlé dans les normes (0,5 à 0,63 g/l) au cours d’une précédente visite.

L’origine infectieuse du problème écartée

Les glycémies de plusieurs vaches en bonne santé apparente sont contrôlées : toutes basses, entre 0,35 et 0,4.

L’urémie (urée dans le sang) des deux vaches malades est analysée bien que l’urée du tank soit à 340 g/l, rien d’inquiétant. Surprise : alors que la norme supérieure est établie à 0,35 g/l, les deux malades sont à 0,5 g/l.

L’ensemble de ces données m’oriente alors davantage vers un problème alimentaire et ruminal plutôt qu’une origine infectieuse. La ration est la suivante : ensilage de maïs, ray-grass dactyle en affouragement en vert à l’auge, tourteau et VL au Dac, pâturage. Le tourteau au Dac avait été baissé à la suite de la montée de l’urée au tank à la mise à l’herbe, puis remonté à cause d’une chute de lait.

La douleur aiguë au niveau du rumen pourrait certainement être due à un pic d’ammoniac (NH3) dans le rumen après une ingestion de ray-grass riche en azote soluble mais insuffisamment en sucre soluble. L’ensilage de maïs distribué à l’auge a une digestion de ses sucres (principalement amidon) assez lente, rendant nécessaire le maintien du mélange de tourteau au Dac. Par contre, la ration manque d’un sucre rapide pour permettre l’utilisation de l’azote soluble par la flore ruminale.

L’évolution du ray-grass affouragé en vert était en cause

Nous décidons ensemble d’apporter 500 g d’orge dans la ration et de faire avaler de la vitamine B12, des levures et des probiotiques aux deux vaches malades sans rien tenter d’autre. Le lendemain, les deux vaches vont mieux et deux jours plus tard, tout le troupeau remonte en lait.

En fait, le ray-grass affourragé en vert avait très vite évolué, perdant une bonne partie de son sucre à cause de sa croissance rapide, des pluies fréquentes au printemps cette année et du manque de soleil… Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Bien que les vaches soient conçues pour manger de l’herbe, les rations à base d’herbe, pâturées ou affouragées, ne sont pas les plus faciles à suivre et à équilibrer. Elles ne sont pas non plus toujours les plus sécurisantes et exigent un suivi très pointu.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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