
Si la plupart des éleveurs isolent les veaux durant les premières semaines de vie, la prise en compte du bien-être animal pousse vers un élevage collectif précoce. Dans la perspective d’une évolution réglementaire, des travaux sont en cours pour étudier ce modèle sous tous les angles.
Une enquête réalisée en 2024 révèle que la majorité des éleveurs laitiers participant (227 exploitations situées dans le Grand Ouest et le Jura) placent les veaux en cases collectives à l’âge de 3 à 4 semaines. Avant, ils préfèrent les logements individuels essentiellement pour des raisons sanitaires. Cependant, ils sont 15 % à mettre les veaux en lots dès la première semaine. Ils y trouvent des avantages en matière d’organisation du travail et de bien-être animal. Il est à noter que cette pratique n’a pas d’influence sur les taux de mortalité.
Cette enquête s’inscrit dans le projet Colocavo qui vise à mettre au point des itinéraires d’évolution vers un logement collectif des veaux laitiers. Piloté par l’Idele, ce projet a commencé en 2024 pour trois ans. Il est justifié par le fait que des données scientifiques récentes conduiront probablement à l’obligation du logement collectif dès les premiers jours de vie des animaux. Il s’agit donc d’aider les éleveurs à se préparer. Aujourd’hui, une directive européenne impose l’élevage en groupe à partir de 8 semaines d’âge.
Ces données scientifiques ont été présentées lors d’un webinaire organisé dans le cadre du projet européen Care4Dairy (1), le 25 mars 2024. Pour rappel, en conditions naturelles, une vache s’éloigne du troupeau pour mettre bas pendant un jour ou deux. Dès l’âge de 2 semaines, le jeune veau interagit avec ses congénères du même âge et des liens sociaux forts se créent entre eux. Le lien entre la mère et le veau s’atténue avec le temps, mais ne disparaît jamais.
Privilégier les lots homogènes et stables
L’observation de ces comportements donne des repères pour la conduite des veaux en élevage, notamment en groupe. Des études ont également été réalisées à ce sujet. Sur le plan sanitaire, leurs résultats sont contradictoires. Seule certitude, l’hygiène de la buvée – propreté des mains et du matériel – est essentielle pour préserver la santé des veaux en groupe. De même, l’hygiène des locaux et une ventilation adaptée permettent de réduire les risques de maladies. Les résultats sont meilleurs avec des lots de petite taille, voire des paires. Mais, quand les animaux ont des âges hétérogènes, les plus jeunes sont pénalisés. Les groupes stables sont donc à privilégier. Les changements nuisent à la santé et engendrent des pertes de poids. Les comportements sociaux peuvent être plus agressifs dans les groupes instables. À l’inverse, dans les lots stables, les veaux se comportent mieux face aux changements ou au stress (sevrage, par exemple). Ils développent des interactions sociales et consomment davantage d’aliments solides, avant et après le sevrage, ce qui favorise la croissance.
Éviter que les veaux se tètent
Le bon fonctionnement du groupe est en outre lié à une alimentation lactée suffisante de manière à limiter les succions croisées et à un espace assez grand afin d’éviter la compétition. Plusieurs signes trahissent une consommation de lait insuffisante : une croissance ralentie, un poil terne, voire sale, une posture voussée et des comportements anormaux. Il existe des solutions pour éviter que les veaux se tètent. Ce besoin de succion est normal et s’atténue avec l’âge. Il est possible de mettre à disposition des tétines sèches, notamment au moment des repas. De plus, on sait qu’un faible débit dans les seaux à tétines allonge la durée de la buvée et réduit les succions non nutritives.
La mise à disposition d’eau et le sevrage graduel réduisent aussi les succions croisées. Les expérimentations conduites à la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère), dans le cadre de Colocavo, ont concerné, en 2023 et 2024, le comportement des jeunes veaux issus des troupeaux bio et conventionnel. Les premiers, des holsteins, vivent en cases collectives de quatre à six animaux dès la première semaine. Les seconds, croisés holstein x normand x jersiais, sont élevés en plein air d’avril à octobre. Ils disposent d’un abri de type igloo.
Moins de repos et plus de jeux en extérieur
Les observations montrent que le temps de repos, important durant les dix premiers jours, diminue ensuite jusqu’au sevrage. À l’intérieur, les veaux passent en moyenne 69 % du temps à se reposer, contre 51 % dehors. Le temps consacré à l’alimentation suit une tendance inverse, 29 % en plein air, contre 10 % à l’intérieur. Les interactions sociales (jeu, toilettage) occupent davantage les veaux en paddock. Quant aux tétées croisées, elles n’ont été observées qu’en bâtiment. Ainsi, il semble que l’espace disponible influence les activités des veaux.
La ferme de Trévarez travaille aussi sur la conduite de ces jeunes animaux. Elle teste l’élevage sous la mère ou l’adoption par des vaches nourrices. Les premiers résultats montrent des croissances très élevées jusqu’au sevrage (1 100 à plus de 1 200 g par jour). Les bienfaits de ces techniques pour les croissances et le bien-être des veaux ont déjà été documentés. Elles permettent en outre de réduire l’astreinte, même si l’adoption peut être chronophage. Elles présentent néanmoins quelques inconvénients. La séparation peut être douloureuse au sevrage et le volume de lait à vendre est réduit. Les travaux vont se poursuivre afin d’évaluer l’impact sur la croissance des veaux après le sevrage ou encore, pour définir l’écart d’âge acceptable entre deux veaux mis sous une même nourrice.
(1) Care4Dairy est un consortium composé de cinq partenaires européens, dont l’Inrae et l’Idele, qui travaillent sur le bien-être des bovins laitiers. Il diffuse des guides pratiques pour les différentes catégories d’animaux, dont les veaux.
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