
Trois phases avec au moins deux rations distinctes s'imposent. C'est contraignant mais tellement important. Cela s'accompagne d'une minéralisation spécifique et contrôlée.
L'ALIMENTATION DE LA VACHE TARIE EST DIFFICILEMENT dissociable du début de lactation. « Ces 120 jours autour du vêlage sont une période cruciale pour la production et la santé de la vache laitière. Nous y attachons énormément d'importance dans notre mission de conseils car trop d'erreurs perdurent », insiste Dominique Landais, nutritionniste à Clasel (organisme de conseil en élevage de la Sarthe et de la Mayenne). Le tarissement (long) de huit semaines est plutôt la norme dans les élevages de l'Ouest. Toutefois, une multipare en bon état corporel et avec une bonne santé mamelle pourra être tarie six semaines. Ces huit semaines imposent trois phases bien distinctes, avec trois régimes alimentaires : le début de tarissement (pendant une semaine) où la limitation des apports (énergie et azote) permet de couper la production laitière ; la phase de plein tarissement qui s'étale de la deuxième semaine à trois semaines avant le vêlage. C'est une période de repos et de régénération de la mamelle (l'involution) ; la préparation au vêlage destinée, pendant trois semaines, à entraîner le rumen à recevoir la ration des vaches en lactation.
« Cela impose au moins deux espaces distincts dans le bâtiment pour isoler les lots et c'est souvent là que le bât blesse », remarque Dominique Landais.
LE DÉBUT DE LA PÉRIODE SÈCHE
« Pendant la phase que j'appelle de repos, quasiment tous les fourrages sont utilisables. On évitera quand même ceux très riches en azote, calcium ou potassium, comme l'herbe jeune du printemps ou les légumineuses. »
À la belle saison, cette phase peut se dérouler à la pâture. C'est un environnement confortable pour les vaches taries et l'exercice physique réduit les risques de boiteries et de pépins sanitaires après le vêlage. A contrario, le pâturage de printemps et d'automne avec une herbe qui peut être très riche en azote réclame de la prudence. « L'idéal est une prairie de graminées ou une prairie naturelle avec une pâture rationnée à moins de 10 ares par vache. Il n'est pas besoin d'amener de concentrés mais impérativement 3 à 4 kg de fibre (paille, foin grossier) dont on s'assurera de la consommation. La difficulté du pâturage est qu'on ne maîtrise pas toujours l'équilibre minéral nécessaire », conseille Dominique Landais.
L'hiver, la ration type serait de 5 kg de MS d'ensilage de maïs, 1,5 kg de tourteau de colza et de la paille à volonté. L'éleveur peut aussi distribuer la ration des vaches en lactation, à raison d'une ration pour cinq vaches taries avec toujours de la fibre à volonté. Une ration foin de graminées, avec concentrés, peut aussi convenir. « Un régime fibreux est très important dès le début du tarissement pour garder au maximum le volume du rumen, associé à de l'énergie fermentescible pour continuer à stimuler les papilles. J'insiste sur le risque de sous-alimentation minérale qui ne se rattrapera pas pendant la préparation au vêlage, ni en début de lactation. »
LA PRÉPARATION À LA LACTATION
Un régime alimentaire particulier de trois semaines avant le vêlage est une durée optimale pour préparer la flore microbienne du rumen à la digestion de la ration des vaches en lactation. Ici, pas de pâturage, car la richesse en calcium et potassium de l'herbe accentue le risque d'oedèmes, de non-délivrances et de fièvres de lait. Pas d'ensilage d'herbe, ni d'enrubannage non plus et surtout aucune luzerne. Il est possible d'utiliser la ration des vaches en lactation, à raison d'une ration pour trois vaches taries. Attention cependant à la concentration et à certains ingrédients, comme le bicarbonate, qui peuvent déséquilibrer la Baca. L'idéal est une ration spécifique, que Dominique Landais définit ainsi : « 9 UFL, 900 PDI/vache/ jour. Exemple : 6 kg de MS de maïs (18 à 20 kg bruts), 2 à 2,2 kg de tourteau de colza et toujours de la paille à volonté, détassée et bien présentée pour une consommation minimale de 3 à 3,5 kg /vache. Cela s'accompagne bien sûr d'une minéralisation spécifique à Baca négative, mais sans oublier le calcium (60 à 70 g/jour dans la ration totale), de façon à éviter une mobilisation des réserves osseuses. La mesure du pH urinaire (sur 4-5 vaches) permet de contrôler l'acidose métabolique. Le pH doit se situer entre 6,5 et 7. »
SURVEILLER L'ÉTAT CORPOREL
La note d'état d'engraissement (NEC) doit servir de repère à l'alimentation des taries. L'idéal est d'arriver à la période sèche avec une note de 3,2 et de la conserver jusqu'au vêlage. Il peut être intéressant pour l'éleveur de prendre une photo des vaches le jour de l'arrêt de la traite, une autre la veille du vêlage, une troisième à 60 jours de lactation pour les comparer. « La conduite alimentaire des taries bute souvent sur un manque d'espace dans le bâtiment. On fait alors rentrer les vaches dans le troupeau quinze jours avant le vêlage, avec une alimentation qui peut être trop riche en énergie, calcium et potassium, augmentant ainsi le risque de maladies métaboliques. La conduite en ration complète ne permet pas non plus de gérer la NEC en fin de lactation, ce qui peut être problématique sur certaines vaches. »
LES PREMIERS JOURS DE LA LACTATION
Logiquement, la vache est isolée dans un local propre et le premier geste sera de la réhydrater avec de l'eau tiède sitôt le vêlage, éventuellement par drenchage. « Avec un niveau d'ingestion diminué de 30 %, l'objectif des premiers jours de lactation est de gérer au mieux la vitesse d'amaigrissement des animaux. L'indicateur Cétodetect, qui analyse la présence de corps cétoniques dans le lait, est fait pour ça. » Une acétonémie clinique ou subclinique sera réparée par une correction du déficit énergétique et soignée par l'apport de propylène glycol. Quant à l'usage éventuel, et sur certaines vaches, du bolus Kexxtone, il se décide avec le vétérinaire. « Le recours systématique à ces traitements, y compris au propylène, témoigne d'une mauvaise maîtrise des apports énergétiques. Une NEC maîtrisée, un rumen bien préparé et une ration suffisamment énergétique et équilibrée en azote (100 g de PDIE/UFL) devraient éviter ces interventions. Mais on peut constater 7 kg de lait d'écart sur une même composition de ration en fonction de sa fibrosité (capacité à faire ruminer), de son équilibre chimique, de son appétence et de son accessibilité », remarque Dominique Landais.
Pour la couverture énergétique, la complémentation se fera en fonction de la ration de base de façon à choisir la forme la plus efficiente et à maîtriser la quantité d'énergie fermentescible. Le recours aux matières grasses peut aussi s'envisager en début de lactation, soit en acides gras saturés (AGS) protégés de la dégradation dans le rumen, soit en acides gras insaturés (AGI) de type « lin » en sécurisant les apports solubles pour optimiser la valorisation dans le rumen. La couverture azotée se gère d'abord par les fourrages et notamment par un ensilage d'herbe précoce. Ensuite, les correcteurs azotés seront solubles, dégradables ou protégés selon le type de ration de base. La minéralisation se fait avec un objectif de Baca positive (200-300 meq/kg de matière sèche). « Les besoins en minéraux de la vache en début de lactation sont supérieurs à la moyenne du troupeau. Il faudrait donc individualiser la distribution. Et l'élément principal est toujours le calcium. Avec une ration de base associant le maïs au tourteau de colza, la correction des apports de sodium est importante. Même si la Baca est correcte, l'apport de sel (50 g/j) est recommandé. »
DOMINIQUE GRÉMY
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