
Charges qui dérapent, prix du lait en baisse : ces observations faites dans plusieurs élevages ne sont pas une fatalité. D'autres éleveurs savent tenir un coût de production avec un robot.
NON, LE ROBOT DE TRAITE N'ENTRAÎNE PAS SYSTÉMATIQUEMENT UNE DÉRIVE des coûts de production et notre rôle est d'accompagner les éleveurs pour que la traite robotisée se traduise en résultats technico-économiques positifs », insistent Mickaël Sergent et Jean-François Julliot, experts en robot de Clasel.
Premier constat : aujourd'hui, une stalle de robot n'est guère plus onéreuse qu'une salle de traite, à laquelle il faut ajouter tous les éléments périphériques présents sur un robot (compteurs, Dac...). Et le robot réclame moins d'espace qu'une salle de traite dans le bâtiment. Bien sûr, les options peuvent faire grimper la note.
INVESTISSEMENT : COMPARER CE QUI EST COMPARABLE
« Il faut juger de l'utilité des options et se donner des priorités, mais rappelons qu'à la différence de la salle de traite, où l'éleveur voit défiler ses vaches deux fois par jour, il n'a plus ce contact avec un robot. Donc, avoir plusieurs capteurs qui vous mettent en alerte n'est pas une dépense inutile. Je pense aux mesures d'activité ou au contrôle de la rumination. Ensuite, tout ce qui concerne l'hygiène (désinfection des gobelets, etc.) ne doit faire l'objet d'aucune impasse », souligne Mickaël Sergent. Le choix d'un équipement d'occasion peut être une voie plus économe pour se lancer dans la traite robotisée ou pour installer une deuxième stalle après un agrandissement du troupeau. « Il s'agit de machines entièrement reconditionnées par les constructeurs. Selon l'âge, une stalle d'occasion se négocie entre 70 000 et 90 000€ », précise Jean-François Julliot.
COÛT DE FONCTIONNEMENT : SE SITUER DANS LA FOURCHETTE BASSE
Ces deux techniciens réagissent au coût de fonctionnement d'un robot, très supérieur à la salle de traite, présenté par l'enquête de l'Institut de l'élevage (voir encadré). Ils notent surtout l'amplitude : de 6 à 27 €/1 000 l. « Il faut d'abord s'interroger sur quelle production de lait par stalle dans ces élevages. Ensuite, les plans d'entretien d'une salle de traite, préconisés par le constructeur sont-ils respectés ? Fréquence de remplacement des manchons, des tuyaux, des membranes des fluxmètres, révision des pulsateurs, etc. Or, sur une salle de traite, l'éleveur a tendance à intervenir seulement en curatif quand le problème arrive. On ne peut pas se le permettre avec un robot, qui ne doit jamais s'arrêter. L'entretien préventif est indispensable. »
Les contrats de maintenance proposés par les constructeurs peuvent être plus ou moins onéreux. « L'attention que l'éleveur porte à son robot, notamment à sa propreté, est essentielle pour limiter les coûts. Est-il placé dans un environnement sain, sans poussières, avec un espace technique facilement lavable et isolé des zones souillées du bâtiment ? L'éleveur respecte-t-il la check-list quotidienne et hebdomadaire qui lui a été donnée : lavage du bras, du laser, contrôle des pièces d'usure, etc. C'est une astreinte qu'il faut s'imposer », insiste Jean-François Julliot
NE PAS DÉPASSER UNE HAUSSE DE 10 EUROS/1 000 L DE COÛT ALIMENTAIRE
Pour Mickaël Sergent, un coût de production supérieur de 25 à 30 €/1 000 l avec un robot n'est pas non plus une fatalité. « Tout commence en amont, avant l'arrivée du robot. Il faut plus d'un an de réflexion pour tout anticiper. Et la santé des pattes est l'un des éléments clé. Des vaches qui souffrent en se déplaçant fréquentent moins le robot, se chargent en cellules, déclenchent des mammites, vont moins souvent à l'auge, maigrissent... C'est le début de graves déconvenues. » Il faut savoir aussi qu'une stalle saturée offre moins de souplesse, et demande davantage d'attention et de temps de travail.
Au-delà de cette précaution, la maîtrise du coût alimentaire est essentielle car les dérapages sont fréquents. Là aussi, l'amplitude est énorme : de 90 à 180 €/1 000 l. L'effet pervers du robot est que c'est l'aliment concentré qui attire les vaches dans la stalle. Même celles qui produisent peu ont droit à un apport. Beaucoup d'éleveurs ont tendance à être plus généreux qu'il le faudrait sur le concentré pour assurer une bonne fréquentation du robot. Cette surconsommation peut vite gonfler le coût alimentaire. « Dans une situation optimisée, on ne doit pas dépasser une hausse de 10 €/1 000 l sur le coût alimentaire par rapport à la situation initiale », affirme Mickaël Sergent.
C'est une vérité pour tous les élevages, quel que soit l'équipement de traite : maîtriser le niveau de la ration de base et la qualité des fourrages qui la compose est primordial. « Si la ration distribuée à l'auge est trop riche, les vaches seront moins motivées pour aller au robot et l'aliment distribué au robot sera inutile pour beaucoup d'entre elles. Je conseille un écart de 6-7 kg de lait par rapport à l'objectif de production, soit une ration de base équilibrée à 23-24 kg de lait pour viser les 30 kg. Ensuite, il faut borner les fortes productrices. C'est l'ingestion de fourrages de qualité qui couvrira leurs besoins. Attention aux plans d'alimentation qui distribuent plus de 5-6 kg de concentrés par jour. Cela coûte cher et le risque de sub-acidose est important. » Toujours pour se prémunir de l'acidose, on évitera l'ensilage maïs plat unique pour privilégier une ration diversifiée avec un ensilage d'herbe le plus riche possible (récolté tôt) et une base de fibres mécaniques type luzerne à brins longs ou paille. « Je constate aussi des dérives chez des éleveurs qui se laissent convaincre par des aliments "spécial robot" présentés comme plus appétents. Avec un robot, on peut très bien travailler avec des matières premières comme le tourteau de soja ou de colza, et se passer d'aliment de production du commerce. Je conseille notamment l'Amyplus, un coproduit de l'amidonnerie appétent et d'un bon rapport qualité prix. L'utilisation de céréales est possible en étant vigilant sur deux points : privilégier l'orge moins fermentescible que le blé et préférer la granulation. »
ATTENTION À LA DISTRIBUTION D'ALIMENTS LIQUIDES ET DE PROPYLÈNE GLYCOL
Maintenir le pâturage est un autre levier pour contenir le coût alimentaire. « À condition qu'il soit bien raisonné. Car si cela conduit à perdre 3 kg de lait par vache à la sortie, le gain n'existe plus. Le pâturage est également très bénéfique pour la santé des pieds », ajoute Mickaël Sergent. Il insiste aussi sur une autre dérive fréquente en traite robotisée : la distribution systématique d'aliments liquides et de glucoformateurs (propylène glycol). « Je vois des distributions de propylène glycol jusqu'à l'insémination, voire plus, ce n'est pas raisonnable. Avec une préparation au vêlage maîtrisée et une ration bien calée en début de lactation, l'acétonémie ne doit plus être un problème. On peut utiliser du propylène glycol ponctuellement sur deux ou trois vaches, mais pas systématiquement », déclare-t-il.
LA QUALITÉ DU LAIT NE DOIT PLUS ÊTRE UN PROBLÈME
Un lait moins bien payé car ayant plus de cellules de lipolyse de butyriques et de germes serait un autre handicap du robot. « Aujourd'hui, nous savons très bien maîtriser la qualité du lait avec un robot », dément Mickaël Sergent. Certes, si les taux cellulaires sont mauvais avant son installation, le robot peut amplifier le phénomène. « Il faut savoir réformer certaines vaches et surtout se remettre en cause. Il n'y a pas de miracle, le contrôle des cellules passe par une hygiène du bâtiment, des logettes propres et un tarissement contenu. »Idem pour les butyriques avec des raclages réguliers, des mamelles et des queues tondues, et une attention particulière à la qualité de l'ensilage. La lipolyse serait plus délicate à dompter quand certaines vaches passent à la traite trois ou quatre fois par 24 heures Des paramétrages permettent de limiter ces excès. Il est aussi important de surveiller la temporisation du tank pour éviter les chocs thermiques et de régler le déclenchement de la pompe à lait.
Autre impact possible sur le prix du lait, cette fois incontournable : la baisse des taux liée à un effet dilution si la production de lait par vache laitière augmente. Cela peut être 1 à 1,5 point de TB et TP en moins. « Le produit viande peut également être impacté à la baisse dans les élevages robotisés car les faibles productrices sont réformées plus vite, donc avec une valeur bouchère moindre. »
DOMINIQUE GRÉMY
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le biogaz liquéfié, une solution pour les unités de cogénération dans l’impasse
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou