
Dans le cadre d'une hausse de production, Jean-François Monjot a remis à plat ses pratiques et enregistré un gain de marge conséquent, grâce à une meilleure valorisation des prairies naturelles.
EN PRÉAMBULE À L'ATTRIBUTION DE 57 000 LITRES DE LAIT SUPPLÉMENTAIRES pour la campagne 2014-2015 (+ 10 %), Jean-François Monjot a engagé une réflexion portant sur la réduction du coût alimentaire, avec Alexis Degelcke, conseiller ACE (Avenir Conseil Élevage). Elle a conduit à intégrer l'ensilage d'herbe dans l'alimentation et à supprimer le tourteau tanné et le concentré de production. Ainsi, l'augmentation du droit à produire s'est traduite dès la première année par un gain de marge de 27 500 €.
Ce sont les difficultés de trésorerie diagnostiquées dès 2013 qui ont amené l'éleveur à remettre en cause ses pratiques, à un moment où il devait financer la maison d'habitation et faire face à un montant d'annuités élevé lié à la mise aux normes. Le suivi de la marge brute, souscrit auprès de l'organisme de conseil, avait alors pointé une dérive du coût alimentaire : 142,50 €/1 000 litres, contre une moyenne de groupe de 130 €, soit un manque à gagner de 7 000 € sur 560 000 litres livrés. Pendant l'hiver 2013-2014, la ration complète distribuée au bol se composait de maïs, de pulpe surpressée, de foin, de correcteur, de concentré de production et de tourteau tanné, soit une consommation de concentrés de 280 g/litre. Cette ration était équilibrée à 35 kg de lait pour un troupeau produisant 30 kg/jour. L'efficacité alimentaire de 1,2 kg de lait/kg de matière sèche ingérée (en deçà du seuil objectif de 1,35 kg) oriente vers un défaut de valorisation de la MSI.
« TENDRE VERS L'OBJECTIF DE 160 G DE CONCENTRÉ »
« Cette situation peut être due à des fourrages de mauvaise qualité, à un stade de lactation trop avancé, à des problèmes sanitaires, au déficit énergétique ou encore à l'excès de concentrés, rappelle Alexis Degelcke. Dans ce cas, c'est bien l'excès de concentrés qui était en cause et engendrait un transit trop rapide et des problèmes métaboliques à l'origine du défaut de valorisation de la ration. »
Dans un premier temps, la ration est recalibrée à 33 kg de lait : « Le moyen le plus direct d'améliorer les disponibilités à court terme, souligne le conseiller. L'enjeu consiste à limiter les concentrés à 200 g/litre, seuil au-delà duquel ils sont mal valorisés, et à tendre vers 160 g. Pour répondre à cet objectif, au coeur du bocage de la Thiérache, la cohérence veut que l'on mise sur l'herbe. Si elle est de qualité, il n'y a pas de raison de pénaliser la production, mais il est primordial pour cela de rappeler les bonnes pratiques en matière de fertilisation et de fauche précoce ».
L'éleveur dispose en effet de 46 ha de prairies naturelles bien regroupés. Au printemps, il consacre 27 ha au pâturage et 19 ha à la fauche en première coupe (50 % enrubannage et 50 % foin). Le rendement d'herbe est alors estimé entre 4 et 5 t de matière sèche par hectare, sans engrais azoté. Compte tenu de l'achat de 120 tonnes de pulpe malgré la faiblesse du chargement (1,4 UGB/ha), la valorisation des prairies apparaît donc comme un second levier d'optimisation du coût alimentaire.
« NOUS AVONS ADAPTÉ LES SURFACES PÂTURÉES »
Dès le début d'année 2014, le conseiller et l'éleveur élaborent un planning de pâturage prévisionnel îlot par îlot. Un moyen d'adapter les surfaces pâturées aux effectifs réellement présents, pour chaque lot d'animaux. Le principe : 25 ares/UGB au printemps, 35 ares de fin mai à mi-juillet et 45 ares jusqu'à la rentrée à l'étable. Loin d'être figé, le planning s'adapte au fil de la saison, il offre une trame pour ne pas avancer à l'aveugle. « Les vaches ont toujours un minimum de 30 % de ration à l'auge, précise l'éleveur. Les temps de repousse entre deux passages sont donc accélérés (dix-sept jours au printemps), ce qui amène à débrayer des paddocks pour la fauche.
Ce travail demande de la vigilance, mais apporte beaucoup plus de satisfaction que la distribution à l'auge. »
La première année, le recours à l'herbomètre apporte quelques repères utiles en la matière.
Ainsi, la rationalisation des surfaces pâturées libère 4 ha de fauche, soit 23 ha qui sont désormais ensilés début mai, après un apport de 20 m3 de lisier à l'automne et de 40 unités d'azote en sortie d'hiver. 6,5 ha sont fanés et enrubannés en deuxième coupe et encore 3 ha en troisième coupe, soit un rendement total de 6 t de MS/ha.
« J'AI PRODUIT 54 000 LITRES AVEC 6 VACHES EN PLUS, POUR UN COÛT DE 116 ¤/1 000 L »
« Malgré des rendements moindres, la fauche précoce permet de réintégrer les parcelles beaucoup plus rapidement dans le cycle de pâturage (trois semaines), car l'herbe est en pleine croissance. Les stocks sont ainsi compensés aux cycles suivants », rappelle le conseiller.
L'achat d'engrais azoté (27 €/ha) est rentabilisé par le gain de 1 t de MS/ha qui a pour effet de diluer le coût du fourrage récolté : de 55 à 51 €/t de MS.
L'ensilage d'herbe 2014 (46 % de MS, 0,87 UFL et 14,5 MAT) est intégré à la ration dès l'automne à hauteur de 5 kg bruts (voir tableau ci-dessous). Au terme de la campagne 2014-2015, 54 000 litres de lait sont produits avec six vaches en plus et un coût alimentaire de 116 €/1 000 l. « Les vaches sont un peu moins en état, mais la fécondité n'est pas dégradée (voir ci-dessous), observe l'éleveur. De plus, la décision d'ensiler s'avère moins chronophage que la fenaison, sans investissement supplémentaire,avec la récolte en ETA. » Convaincu, Jean-François a décidé de passer à 10 kg bruts d'ensilage d'herbe dans la ration des vaches à l'hiver 2015-2016.
« Grâce à ce travail de rationnement mené avec Alexis, et avec Benoît Leclerc, technico-commercial Evialis, j'ai trouvé le bon équilibre alimentaire coût-santé-production. »
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