
Quelques réflexions d'un éleveur devant l'opacité des transformateurs.
A tous nos responsables professionnels du Cniel, de la FNPL et de France-AgriMer, je voudrais adresser cette chronique. Je suis juste producteur de lait et parfois, en trayant mes vaches, je réfléchis ! Si, si, aussi surprenant que cela puisse paraître, un producteur, ça pense… !
Depuis ce printemps, les coopératives tirent les prix du lait vers le bas, Coralis en tête suivi par Sodiaal. Alors les privés s'y mettent. Lactalis baisse son indice de flexibilité de deux crans et paie 5 € en dessous des recommandations. Je parie ma prime de Noël que les autres vont suivre. Bongrain annonce 9 € de plus que ses concurrents pour octobre, mais ça ne va pas durer. Pourtant, tous les indicateurs sont au vert : le lait Spot et les produits industriels repartent à la hausse sur le marché mondial. Mais voilà, le système français réagit toujours six mois après et on « paierait »actuellement les excédents du printemps. Les indices de compétitivité avec l'Allemagne ont trois mois de retard. L'indice de saisonnalité contribue à noyer le poisson. En effet, si on compare, hors saisonnalité, les prix de janvier et de septembre, nous avons déjà perdu 50 €/t. Au printemps, il fallait freiner mais le prix élevé incitait à produire. Maintenant, il faudrait accélérer, les prix baissent et le coût de production flambe.
Et puis, il y a la flexibilité… en voilà une belle invention. Elle permet aux transformateurs qui fabriquent beaucoup de produits industriels, moins bien valorisés, de payer le lait moins cher à leurs producteurs. La flexibilité repose sur la déclaration des transformateurs. Imaginons qu'à l'intérieur d'un grand groupe, la société A achète, collecte le lait et le revend à la société B. Celle-ci fabrique du beurre et revend du lait écrémé (deux produits industriels donc fl exibilité maximum) à la société C qui va extraire les minéraux du lacto sérum et séparer les caséines puis pratiquer l'extractiond es protéines nobles. Kescé kça ?
Comme ces chercheurs d'or qui tamisent des tonnes de gravats pour récolter des pépites minuscules, dans des tonnes de lait se trouvent des protéines en « or ». Elles ont des pouvoirs épaississants, gélifiants, moussants, émulsifiants, nutritionnels, antibactériens… et entrent dans la composition de médicaments, d'alicaments et autres. Par exemple, la lactoferrine et la lactopéroxydase ont un effet antibactérien et antioxydant. Le lactose médical sert d'excipient, c'est-à-dire de support pour la matière active des médicaments. Certains de ces produits valent plusieurs centaines d'euros le kilo, voire plus. Pour les extraire, on utilise des technologies de pointe, telles que l'osmose inverse et autres membranes microporeuses.
On parle toujours des produits industriels et de grande consommation mais jamais des protéines dont le marché est en plein développement et beaucoup moins concurrentiel que la poudre de lait. Qu'un privé investisse de grosses sommes en recherche, développement, fabrication et commercialisation de nouveaux produits sans verser un sou de plus au producteur, ce n'est pas choquant, tant qu'il nous demande un lait standard : blanc 38/32. Mais quand le beurre cotait 4 200 €/t, on nous octroyait généreusement quelques centimes de flexibilité positive alors que le reste du temps, c'est plusieurs euros de flexibilité négative. Les privés ont beau dire que le système de prix A- prix B des coops n'est pas clair, eux ne sont pas mieux avec le calcul de leur mix-produits. En attendant, pour nous producteurs, anticiper et épargner sont de plus en plus d'actualité. Comme disait ma grand-mère : « Mettre de l'argent de côté pour en avoir devant soi quand le marché se retourne, on va finir par attraper le torticolis. »
PASCAL POMMEREUL
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