Quels enjeux ont conduit à créer l'association Lait Bio de France sous l'impulsion de la commission lait de la Fnab ?
Patrice Lefeuvre : L'enjeu est de garantir un développement soutenu, concerté et équitable de la filière laitière biologique. Sur ce marché en croissance depuis cinq ans (+ 10 % en moyenne) et amené à poursuivre son développement, il faut parvenir à maintenir un potentiel de production légèrement supérieur à la demande, pour créer les conditions d'une progression régulière de la consommation et répondre aux opportunités, sans recours aux importations. Il faudra pour cela séduire de nouveaux candidats à la conversion sur la base de prix rémunérateurs. À cette fin, l'association Lait Bio de France a pour objet d'organiser une représentation transversale des éleveurs, pour faire en sorte que cette progression et ce niveau de surproduction soient maîtrisés. L'expérience malheureuse de l'organisation verticale Suisse nous a convaincu de la nécessité d'imaginer un modèle qui ne conduise pas les producteurs à être concurrents entre eux. Notre volonté est donc de jouer le rôle d'une AOP en charge de centraliser les informations pour anticiper les besoins afin d'émettre des recommandations sur le taux de réalisation des volumes contractés par chaque adhérent et lancer des appels à la conversion en fonction de ce que le marché peut absorber.
Que représente aujourd'hui l'association dans le paysage laitier bio ?
P. L. : Elle réunit sept organisations : deux OP agréées (Biolait SAS et l'APLB Seine et Loire) et cinq associations de producteurs (l'association des producteurs bio d'Eurial, la coopérative Lait bio du Maine, le syndicat de vente Alliance, le syndicat de vente Doubs Ognon, le syndicat de vente Mulin). Elle pèse plus de 200 Ml sur une production totale d'environ 450 Ml. Nous sommes actuellement en cours de validation d'un contrat-cadre qui devra être passé entre chaque laiterie et son organisation de producteurs. Cela nécessitera un peu de temps car toutes les associations n'ont pas encore le statut d'OP. Sur le terrain, l'organisation collective se dessine plus difficilement au sein des grandes coopératives généralistes, plus réticentes face à ce qui est parfois perçu comme de l'ingérence. C'est pourquoi nous privilégions des organisations de producteurs par entreprise qui restent leurs interlocuteurs. Elles remonteront les informations pour permettre à notre association intergroupements d'émettre ses recommandations. À l'instar d'Eurial, nous encourageons les éleveurs des coopératives à s'organiser en sections bio et à nous rejoindre. La modulation des volumes ne peut avoir un impact sur l'équilibre du marché que si la majorité s'y engage. Il y va de l'intérêt des producteurs comme des transformateurs. Nous sommes en effet parfaitement conscients de leur rôle incontournable. Il n'est donc pas question d'instaurer un rapport de force mais de bâtir un partenariat qui permette de sécuriser leurs approvisionnements face à une demande croissante, en privilégiant une répartition équitable de la valeur ajoutée.
Quel est l'intérêt d'une laiterie à « jouer collectif » plutôt qu'à développer sa propre collecte ?
P. L. : Actuellement, le taux de réalisation des volumes de lait bio n'est pas optimisé. Il y a un pourcentage qui n'est pas valorisé dans la filière, y compris lorsque la production est déficitaire. Même si, dans la pratique, il y a déjà des échanges de lait localement, pour un transformateur, il peut être intéressant d'élargir cette complémentarité, que ce soit dans une situation de sous-réalisation ou de surproduction. En fonction des remontées des associations de terrain, Lait Bio de France pourra alors faciliter ces échanges, Biolait SAS pouvant le cas échéant jouer le rôle de transporteur si les laiteries ne peuvent pas s'organiser.
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