Après l'accord du 26 juin sur la Pac, une conférence laitière est annoncée pour le 24 septembre. Quel en est l'enjeu ?
Michel Dantin : J'observe depuis peu une évolution dans le discours officiel de la Commission européenne à propos du lait. Il est moins imprégné de cette idéologie libérale qui domine depuis plus de vingt ans. Les parlementaires qui, pour la première fois, étaient codécideurs dans cette réforme de la Pac y sont pour quelque chose. La Commission agricole admet aujourd'hui le lien entre la production laitière et l'économie de territoires parfois fragiles. C'est une victoire car la fracture Nord/Sud sur le dossier du lait est profonde. L'Europe du Nord n'envisage cette production que sous l'angle d'un fournisseur de matières premières pour l'industrie. Seules sa performance et sa compétitivité comptent. Ce n'est pas mon avis ni celui de mes collègues parlementaires de la Commission à l'agriculture. De cette conférence, qui réunira tous les acteurs de l'économie laitière européenne, pourrait émerger une nouvelle politique où le marché ne serait pas le seul guide dans l'après-quotas. Soyons optimistes !
Votre proposition de régulation de l'offre en cas de crise n'a pourtant pas été retenue dans cette nouvelle Pac ?
M. D. : J'ai fait cette proposition en mai 2012 de façon à provoquer le débat. Il s'agissait, en cas de crise, d'indemniser les éleveurs qui ralentissent volontairement leur production de 5 % sur une période de trois mois et, à l'inverse, de taxer ceux qui aggravent la crise en augmentant leur production de 5 % sur cette même période. Rappelons qu'aucune autre proposition de régulation de l'offre n'avait été mise sur la table, même de la part de la France. Celle-ci a été votée par le Parlement en mai 2013. Si rien n'apparaît dans les mécanismes de gestion de marché de l'accord de juin sur la Pac, c'est qu'une minorité de blocage au Conseil des ministres, conduite par l'Allemagne, l'a rejetée pendant les trilogues. Les Allemands sont très hostiles à toute régulation. Ils ont dépensé beaucoup d'énergie à convaincre les parlementaires du danger que cela représenterait en privant l'Europe des marchés mondiaux en expansion, car ils sont convaincus de leur compétitivité. Davantage que le Parlement, le Conseil, représentant les États, est sous l'influence des pays du Nord, plus nombreux dans l'UE. Plusieurs d'entre eux ne voulaient plus entendre parler ni d'intervention ni de stockage privé. Nous avons sauvé l'essentiel, notamment en imposant un « considérant » en cas de crise. Mais je reste convaincu que le contenu actuel de l'OCM n'est pas suffisant pour protéger les producteurs de lait. Attendons de voir ce qui sortira de cette conférence laitière. Il n'est pas impossible que ma proposition de régulation de l'offre revienne sur la table.
Qu'est-ce qui a pu être sauvé des mécanismes de gestion de marché ?
M. D. : Les systèmes d'intervention publics et d'aide au stockage privé sont maintenus et ce n'était pas gagné par avance. Ces outils ont même été revus pour être plus efficaces et plus réactifs. Ainsi l'intervention sera déclenchée à partir d'un prix de référence qui tiendra compte désormais de l'évolution des coûts de production ainsi que des marges bénéficiaires des producteurs et pas seulement sur un prix de marché. La période de déclenchement a été avancée de quinze jours en février et d'un mois en septembre. Mais surtout, la Commission bénéficiera d'une flexibilité élargie pour réagir plus rapidement en cas de perturbation générale des marchés, c'est une avancée considérable. L'aide au stockage privé a aussi été maintenue. Enfin, des dérogations au droit de la concurrence donneront une capacité de négociation aux producteurs dans leur filière. La reconnaissance des OP et des interprofessions devraient leur permettre de négocier un contrat dans la durée qui intègrerait des formules de prix.
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