Pourquoi constate-t-on aujourd'hui des cours laitiers mondiaux si élevés ?
Gérard You : Seulement 8 % des produits laitiers sont échangés au niveau mondial. Un excès ou un déficit de 1 à 2 Mt a un effet considérable sur les prix. L'année 2012 et le début 2013 en sont le parfait exemple. Au premier semestre 2012, la collecte des cinq régions excédentaires - l'Union européenne, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, les États-Unis et l'Argentine - est dynamique. Leur marché intérieur plafonne, les incitant à exporter. Dans le même temps, les acheteurs suivent une logique baissière : ils préfèrent attendre, entraînant une chute des cours du beurre et de la poudre. Fin 2012, ils reviennent sur le marché, exacerbant la demande déjà soutenue (Chine), tandis que la collecte américaine et européenne se stabilise. Accentuée par la sécheresse néo-zélandaise ces derniers mois, la conjoncture se retourne. Depuis le début de l'année, les cours mondiaux s'envolent.
L'envolée des marchés est-elle durable ?
G. Y. : Jusqu'à l'automne, les cours resteront hauts. Tout dépendra ensuite du retour à la production de la Nouvelle-Zélande. En réaction à la sécheresse, les Néo-Zélandais ont éliminé du cheptel. S'ils ont abattu des vaches gestantes, en plus des réformes habituelles - ce que nous ne savons pas - leur potentiel en sera restreint. Dans le cas contraire, elle ne provoquera pas pour autant un effondrement. La demande en fromages (Russie, Asie) et poudre grasse (Chine), qui sont les principaux produits échangés, va rester soutenue. L'autre scénario pourrait être un ralentissement de la demande si les cours étaient trop élevés : les acheteurs feront des arbitrages en faveur des protéines végétales. En résumé, nous avons plus d'interrogations que d'inquiétudes pour le début 2014.
Comment s'adapter à cette logique de marché, très fluctuante depuis 2007 ?
G. Y. : S'adapter à des tendances qui changent tous les six mois est compliqué. Il faut renverser la logique et raisonner à partir des coûts. Surtout, il faut les définir sur plusieurs années. Cette approche permet de mieux ajuster les à-coups, que ce soit pour le lait ou les intrants. Si l'aliment est cher, l'éleveur a-t-il intérêt à lever le pied ? Si la laiterie demande plus, quel sera le coût marginal du lait en plus ? C'est certes plus facile à dire qu'à faire. Heureusement, les éleveurs peuvent s'appuyer sur un marché mondial durablement en croissance. L'envolée du prix du lait à certains moments compensera les chutes à d'autres. Les éleveurs français ont un autre atout : des surfaces. Ils sont mieux placés que leurs voisins pour améliorer leur autonomie alimentaire. Un avantage indéniable face à la flambée du prix des intrants.
Faut-il supprimer le décalage de trois mois du prix du lait par rapport aux marchés pour profiter des hausses ?
G. Y. : Est-ce le vrai sujet ? Le problème n'est-il pas plutôt les relations difficiles entre GMS et industriels ? Même si la transformation compte de grands groupes, ces derniers peinent à passer des hausses. Les discussions tendues depuis le début de l'année l'illustrent bien. Avec un mix-produits tourné vers les PGC, les industriels français manquent de souplesse, à l'inverse des Allemands qui sont présents sur les PGC et les produits industriels. Ils font un arbitrage en fonction de la conjoncture, ce qui crée un rapport de force.
Quelles relations les producteurs et les entreprises doivent-ils développer ?
G. Y. : Des relations apaisées passent par un engagement sur la durée, un volume et, pourquoi pas, un prix minimum. Les transformateurs sont-ils prêts à s'engager dans cette dernière voie ? En démarrant une réflexion avec ses producteurs sur un calcul intégrant les coûts de production, Danone ouvre une brèche. Une chose est sûre : il faudra une transparence sur le prix payé.
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