Le 26 novembre dernier, à l'appel de l'European Milk Board (EMB), plusieurs centaines de tracteurs et des milliers de producteurs de lait, venus de toute l'Europe, ont envahi le quartier européen de Bruxelles. Une démonstration de force avec, comme action symbolique, l'arrosage à la lance à incendie, avec du lait, des façades du Parlement. « Nous sommes ici parce qu'il y a le feu dans la production laitière européenne. Comme un litre d'eau vaut moins cher qu'un litre de lait, nous éteignons l'incendie avec du lait », a scandé le président de l'EMB Romuald Schaber. Parmi les revendications inscrites sur les panneaux, un prix du lait trop bas qui ne permet pas de supporter la hausse des intrants. « Les éleveurs vendent leur lait 270 €/1 000 l alors que nos coûts de production sont à 430 €. Comment peut-on continuer à travailler en perdant de l'argent ? », assènent les manifestants qui, c'est de bonne guerre, ne s'embarrassent pas de quelques exagérations devant les journalistes. Mais au-delà du prix du lait, cette manifestation portait l'espoir d'un retour à une régulation de l'offre laitière sur le marché européen. Régulation abandonnée par les pouvoirs politiques depuis 2003.
Un retour aux quotas après 2015 ? Un gros mot que, même ici, personne n'ose vraiment prononcer. « Nous ne voulons pas des quotas d'aujourd'hui, décidés par les politiques à un niveau toujours trop haut. Nous demandons une régulation flexible de l'offre laitière en fonction des marchés, ceci par l'intermédiaire d'une agence de surveillance. Dès que le prix du lait s'écartera d'un prix de référence lié à nos coûts de production, il s'enclenchera une baisse de la production. Dès aujourd'hui, il faudrait diminuer les volumes de lait produits », a expliqué Romuald Schaber devant un auditoire convaincu. Les producteurs suisses étaient venus pour témoigner du malheur de l'abandon des quotas, effectif chez eux depuis plus de trois ans. « La contractualisation et la segmentation entre marché intérieur et exportations ne sert qu'à tirer le prix du lait vers le bas au bénéfice des seuls transformateurs. »
En venant à Bruxelles, l'EMB veut croire que ce combat pour la régulation de l'offre n'est pas perdu. C'est le message que leur ont apporté les députés européens du groupe Les Verts, les seuls à être venus pour rencontrer les éleveurs. « On peut gagner la bataille de la maîtrise laitière comme on a gagné sur les droits de plantation en viticulture. Il faut être mobilisé pour faire pression sur les députés et les ministres », leur a lancé José Bové.
La présence majoritaire du courant libéral
Au final, cette manifestation aura montré que les mouvements pour la régulation des marchés ne sont pas morts. Seront-ils assez puissants pour infléchir la politique européenne ? C'est une autre histoire. En face, les forces économiques qui lorgnent sur le développement des marchés émergents n'ont que faire de cette notion de maîtrise de l'offre, jugée d'un autre âge. Et on ne peut que constater la présence majoritaire de ce courant libéral au Parlement, et davantage encore au Conseil des ministres. D'ailleurs, chez d'autres syndicalistes européens qu'à l'EMB, réussir à préserver ne serait-ce que les outils d'intervention et du stockage privé dans la prochaine Pac, serait déjà une victoire dans cette Europe libérale.
DOMINIQUE GRÉMY
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