
L'après-quotas se met en place. Les éleveurs bénéficieront de perspectives variables selon les laiteries qui remplaceront l'administration dans la gestion des volumes. Les organisations de producteurs auront un rôle à jouer.
APRÈS DES MOIS DE DISCUSSIONS plus ou moins houleuses, les versions finales des contrats sont écrites chez les grands groupes privés. Bel fait toutefois exception, mais l'aboutissement est prévu au mois de juin. Ces contrats proposés aux éleveurs seront déterminants pour l'avenir de leurs exploitations. Ils donnent un nouveau cadre qui se substituera à la gestion administrative des quotas d'ici à moins de trois ans.
La lecture de ces clauses fait apparaître des points communs mais aussi des différences notables. La plupart des contrats sont d'abord signés pour cinq ans. Bongrain va jusqu'à sept ans, douze pour les jeunes agriculteurs. Le contrat est ensuite reconduit pour une nouvelle période de cinq ans (Bongrain, Senoble) ou à durée indéterminée (Danone, Lactalis). La durée du préavis va de douze mois (Lactalis et Senoble) à vingt-quatre mois (Bongrain et Danone).
Tous les industriels vont plus loin que la réglementation en imposant l'adhésion à la charte des bonnes pratiques. Danone y ajoute une charte maison avec des contraintes et des primes spécifiques. Tous les contrats reprennent également les règles interprofessionnelles en ce qui concerne la qualité du lait.
La fixation du volume contractuel repose toujours sur le dernier quota connu avec, cependant, un risque de réduction si les livraisons ne suivent pas (Bongrain, Danone, Lactalis). Danone se distingue en mettant en place dès cette campagne des prix et volumes différenciés. Avantage pour les producteurs, ils disposent d'une marge de production au-delà de leur référence actuelle.
Mais elle se limite à 10 % du volume contractuel tandis que le volume A pourra naviguer entre 95 et 105 % de la référence actuelle. Et surtout, le prix de ce volume est calé sur la valorisation beurre-poudre.
Ces prix et volumes différenciés sont envisagés chez Senoble pour l'après-2015.
Ces contrats entérinent aussi les pénalités pour dépassement de volume, qui vont donc survivre aux quotas. Une spécificité bien française, dont les modalités varient selon les entreprises. Les livreurs de Bongrain seront un peu avantagés sur ce plan, car les pénalités ne seront dues que lorsque les livraisons, à l'échelle de l'association de producteurs, dépasseront le volume contractuel. Ils bénéficieront donc d'une mutualisation entre les sous-réalisations et les dépassements. Cette pratique pourra même être étendue au niveau de l'ensemble des associations de livreurs de l'entreprise.
Ces pénalités financeront des actions définies avec les groupements chez Lactalis. Bongrain considère qu'elles le dédommagent pour le préjudice subi et Danone ne précise pas leur affectation.
LA SAISONNALITÉ CRÉE UN CADRE CONTRAIGNANT
Le prix de base reste assis sur les indices du Cniel, et leurs déclinaisons régionales, tant qu'ils existent. Leur disparition durable n'est envisagée que par Lactalis qui prévoit, dans ce cas, un certain alignement de son prix sur ceux versés par les industriels de la région (publiés par FranceAgriMer). Les autres contrats restent vagues sur cette éventualité.
Le cadre se modifie en profondeur pour certains éleveurs qui seront soumis à des contraintes de saisonnalité. Seul Lactalis reste sur un volume annuel.
Les autres le déclinent à l'échelle du trimestre ou du mois. Cette disposition est très contraignante puisque les fluctuations ponctuelles de production, fréquentes en raison des aléas propres à l'élevage, peuvent être difficiles à rattraper. L'existence d'un volume B renforce cette contrainte.
D'une manière générale, la contractualisation entraîne une perte de liberté pour les éleveurs. C'est vrai sur le plan stratégique : les agrandissements ne seront plus possibles sans l'aval de la laiterie. Mais aussi sur le plan technique : certains auront du mal à concilier vêlages groupés et saisonnalité de la production. Fermer la salle de traite durant quelques semaines sera difficile. Et Lactalis impose des livraisons continues, ce qui exclut toute possibilité de grève du lait.
L'ENJEU DE LA REDISTRIBUTION DES VOLUMES
De même, la liberté d'adhérer ou non à une organisation de producteurs (OP) n'est que très relative pour certains. Si Lactalis propose le même contrat à ceux qui n'adhèrent pas, ce n'est pas le cas de Senoble.
Dans cette entreprise, les rares producteurs qui n'adhèrent pas ne bénéficieront pas des primes techniques décidées avec l'OP, notamment pour la régularité de la production.
De plus, ces contrats seront naturellement appelés à évoluer. Les conventions de fonctionnement signées entre les industriels et les représentants des producteurs prévoient le plus souvent de discuter conjointement de ces adaptations. Les futures OP ont donc intérêt à représenter un maximum de livreurs pour peser dans ces négociations.
La redistribution des volumes constituera un point-clé. En effet, les cessations comme les évolutions des besoins des entreprises feront bouger les références individuelles. Ceux qui resteront à l'écart des OP risquent de passer à côté de ces opportunités. C'est l'un des prochains enjeux des discussions au sein du Cniel ou des conférences de bassins, si elles existent encore. Pour faciliter les discussions entre transformateurs et organisations de producteurs, on peut imaginer que des règles prioritaires de redistribution seront fixées à l'un ou l'autre de ces niveaux.
Mais au bout du compte, après des négociations au niveau de l'organisation de producteurs, c'est l'industriel qui aura le dernier mot puisque c'est lui qui apportera un avenant au contrat individuel.
L'adhésion à une OP, dont la majorité sera non-commerciale, s'accompagne de la signature d'un mandat de négociation et, éventuellement, d'un mandat de facturation que l'OP subdélègue ensuite à l'industriel. Les groupements Danone de la région Sud-Est, qui ont quasiment tous signé le contrat-cadre, ont privilégié cette voie. En contrepartie, ils recevront les données de volume et de qualité à l'échelle de chaque groupement. À l'inverse, les éleveurs de Bongrain et Lactalis envoient leur mandat de facturation directement à l'industriel. Le premier est d'accord pour transmettre aux quatorze OP les informations figurant sur les factures de lait de manière anonyme. Le second accepte également ce principe, après en avoir reçu l'autorisation écrite de l'adhérent. Les groupements de producteurs, qui ont négocié les contrats, sont bien conscients que la transparence sur les volumes sera le nerf de la guerre après les quotas. Car le prix du lait peut chuter pour une production légèrement excédentaire. Aux chiffres globaux transmis par les entreprises, ils préfèrent les données fiables issues des factures.
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