
L'augmentation du prix des Lactalis, Bongrain et surtout Sodiaal est loin de la performance qui aurait dû être la leur, selon la FNPL. Peu d'entreprises dépassent d'ailleurs une hausse de 25 €/1 000 l. Certaines, notamment dans l'ultrafrais, ont été notoirement à la peine.
L'OBSERVATOIRE DU PRIX DU LAIT initié par L'Éleveur laitier fête ses 3 ans.Ce sont aujourd'hui quarante-deux laiteries, les principales dans chaque bassin laitier, que nous suivons grâce à un réseau de producteurs qui nous transmettent, chaque mois, leurs payes de lait. Cet observatoire se veut complémentaire de celui du réseau FNPL en place dans chaque région. Ce dernier suit en effet les prix de base, avec flexibilité, pratiqués par les différentes laiteries, un élément essentiel quand il s'agit de vérifier, en fin d'année, si les privés ont respecté les clauses de leurs contrats censées définir le prix de base mensuel. Ou de voir où se situent les prix pratiqués par les coopératives par rapport à un prix du marché, déterminé selon les indicateurs interprofessionnels et la mécanique du tunnel France-Allemagne.
NOS PRIX COMPARABLES ENTRE BASSINS LAITIERS
Notre observatoire a pour ambition d'apporter une objectivité supplémentaire quand il s'agit de comparer le prix du lait payé par les entreprises à l'intérieur d'un bassin ou entre bassins. Quand on parle du prix de base dans le Grand-Ouest, on parle en effet d'un prix en qualité super A auquel s'appliquent, le cas échéant, des malus. Ce n'est pas le cas dans le Grand-Est où le prix de base se voit gratifier de bonus pour la qualité super A. Autre biais pour comparer ces prix de base entre bassins, la prime de froid. Dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et le Nord-Picardie, elle est intégrée dans le prix de base (avec des exceptions parfois, comme chez Lactalis dans le Sud-Est). Ce n'est pas le cas en Bretagne-Pays de la Loire et dans le Grand-Est (là aussi avec des exceptions, comme Bongrain dans l'Est). D'où l'idée dans notre observatoire de calculer un prix pour une qualité super A (prix maximum payé qu'un nombre restreint de producteurs perçoit) ou une qualité moyenne (situation plus proche de la réalité moyenne des élevages français), avec un tank en propriété pour tout le monde.
NOTRE CALCUL INTÈGRE LES PRIMES ENTREPRISES
Autre différence majeure avec l'approche FNPL, notre prix intègre, outre les bonus ou malus des différentes grilles de qualité interprofessionnelles, toutes les primes entreprises (prime saisonnalité-régularité, super bonus qualité...), ainsi que les ristournes ou compléments des coopératives (voir infographie). Il s'agit donc, comme pour l'observatoire européen du LTO néerlandais et d'EDF (European Dairy Farmers, voir p. 83), d'un prix réellement perçu par les exploitations.
Par rapport à cet observatoire européen, notre approche intègre en plus, de façon simplifiée, les subtilités des volumes et prix A et B, pratiqués par Sodiaal et Danone. Notre calcul du prix du lait prend aussi en compte la saisonnalité des volumes, une saisonnalité identique chaque année, proche de celle de la ferme France (référence 2011). Dans le modèle FNPL, la saisonnalité appliquée est plus précise. Il s'agit de la moyenne des trois dernières années, propre à chaque région... une donnée Criel dont nous ne disposons malheureusement pas. D'où notre choix.
Que retenir du bilan de l'année 2014 ? Premier constat : l'évolution du prix du lait s'éloigne de plus en plus souvent de celle calculée d'après les indicateurs de marché du Cniel et l'impact du tunnel France-Allemagne. Sur cette base de calcul, en prenant comme repère le prix France-AgriMer 2013, la FNPL estime que le prix 2014 aurait dû augmenter de 27 €/1 000 l (pas de tranche de flexibilité) à 31 €/1 000 l (trois tranches de flexibilité). Cela selon le mix-produit des entreprises plus ou moins dépendant des produits industriels, dont les cours sont restés à des niveaux très élevés sur le premier semestre.
On est loin de cette performance pour les poids lourds de l'industrie nationale que sont Sodiaal,Lactalis et Bongrain. La performance du numéro un de la coopération nationale, avec une hausse tournant autour de 20 €/1 000 l, apparaît notablement modeste... dans la fourchette basse de ce qui avait été annoncé aux sociétaires Sodiaal (lire interview ci-contre). Il n'y a pas eu, comme l'an dernier, la bonne surprise d'un complément de prix versé avec la paye de décembre. Quant à l'éventualité d'une future ristourne au vu du résultat 2014, elle apparaît très improbable. Chez Lactalis et Bongrain qui, en cours d'année, ont dérogé à l'application stricte des indicateurs interprofessionnels, la hausse tourne autour de 24 €/1 000 l.
Dire que ces trois poids lourds se collent désormais aux basques est un euphémisme. Si l'on observe l'évolution cumulée de 2014 et 2013, la différence entre Sodiaal (50,90 à 51,58 €) et Lactalis (51,63 à 52,24 €) se joue sur la moitié nord et le Sud est à moins de 1 €/1 000 l. Certes, Lactalis affiche une hausse plus sensible que Sodiaal en 2014. Mais en 2013, on a vécu l'inverse. Tout s'est passé l'an dernier comme si « Laval » avait redonné ce qu'il avait gratté aux producteurs en 2013 et Sodiaal mis le pied sur le frein pour ne pas creuser l'écart. Pour la même période, le prix Bongrain a légèrement moins progressé (48,10 € à 49,30 € dans le Grand-Ouest et 50,13 € dans l'Est).
SODIAAL, LACTALIS ET BONGRAIN DANS UN MOUCHOIR DE POCHE
Résultat : le prix payé de ces trois leaders, qui pèsent la moitié de la collecte nationale, se tient désormais dans un mouchoir de poche. Dans les deux régions de notre observatoire où ils sont présents, moins de 2 €/1 000 l les séparent.
En Bretagne-Pays de la Loire, Bongrain à 368,43 €/1 000 l (qualité super A) devance Lactalis (367,85 €) et Sodiaal (367,27 €). Dans le Grand-Est, Lactalis (374,12 €) se place devant Bongrain (372,49 €) et Sodiaal (372,24 €).
En Basse-Normandie où Agrial-Bongrain et Lactalis se côtoient, les prix du lait sont du même acabit à moins de 1,50 € près (375,63 € - 374,30 €).
D'autres entreprises que Sodiaal ont été à la peine pour accrocher ou dépasser les 21 € de hausse. On y trouve trois spécialistes des produits frais, secteur fortement bousculé en 2014 par la baisse de consommation et le nombre d'acteurs important (une dizaine). Exemple avec Danone qui ne progresse que de 21,30 € en Basse-Normandie, tout en restant leader dans ce bassin à 383,40 €/1 000 l. Sa performance est nettement moindre dans le Sud-Est : 18 €, à 367 €. La hausse du prix Sénagral a aussi souffert, limitée à 21 € en Haute-Normandie, à 375,88 €, et 19,70 € dans l'Est, à 367,87 €. L'incidence est encore plus nette pour les producteurs des Maîtres Laitiers du Cotentin avec une hausse d'à peine 14 €/1 000 l. Exception à la règle dans le secteur ultrafrais : Alsace Lait. La coopérative alsacienne affiche près de 34 € de hausse, à 389,30 €.
PEU D'ENTREPRISES AU-DESSUS DES 25 €/1 000 L DE HAUSSE
Autres laiteries dont la hausse est modeste : Eurial (Bretagne-Pays de la Loire) 17,60 €, à 366 €/1 000 l et la Fromagerie Bresse Bleu (Sud-Est) 11,24 €, à 375,20 €. À noter aussi la contre-performance de la CLHN. Les producteurs de cette coopérative de collecte haut-normande se contentent d'un 13,20 €, à 361,43 €, le plus bas prix de notre observatoire. Destin bien différent pour l'autre coopérative de collecte suivie, l'ULM (Est). Pour la seconde année consécutive, le prix y gagne plus de 30 €, à 387,50 €/1 000 l.
Rares sont, au final, les entreprises qui se rapprochent ou atteignent l'évolution calculée par la FNPL. Sur nos quarante-deux laiteries, elles ne sont que sept à dépasser les 25 € de hausse. Parmi elles, la performance de Bel (Bretagne-Pays de la Loire) proche de 26 € est à relativiser au regard de la hausse enregistrée de 2013. Sur les deux dernières années, le prix Bel gagne un peu moins de 49 €, dans les mêmes eaux que Bongrain, mais moins que Sodiaal et Lactalis.
La performance de certains transformateurs régionaux est bien plus remarquable. Dans l'Est, Milleret, spécialiste des fromages à pâte molle, voit sur deux ans son prix progresser de plus de 51 €. Dans le Centre, LSDH (lait de consommation, crème...) enregistre pour la seconde année consécutive une hausse de près de 30 € (59,16 € sur deux ans). Ces deux entreprises, très soucieuses du devenir de leur ressource laitière, ont en commun de collecter sur des zones de polyculture-élevage, où les céréales sont clairement en arbitrage du lait. Cela explique sans doute qu'elles continuent, pour l'instant, de coller strictement aux indicateurs interprofessionnels. C'est également ce qu'avait annoncé et a respecté La Prospérité Fermière, dans le Pas-de-Calais. La hausse cumulée sur deux ans de cette coopérative spécialisée sur les poudres de lait et ingrédients, pointe à plus de 57 € pour un prix 2014 à 380,10 €/1 000 l. Dans l'Est enfin, la performance du groupe coopératif FromagerieErmitage ne faiblit pas. Sur deux ans, ses adhérents historiques de l'ULV (Union laitière vittelloise) enregistrent une hausse de près de 58 €. Ils continuent d'afficher le prix du lait le plus haut de notre observatoire, à 393,27 €/1 000 l
UNE ENQUÊTE DE LA RÉDACTION
© CLAUDIUS THIRIET
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