
Les coopératives abordent l'après-quotas avec l'obligation d'accompagner l'évolution de l'offre laitière, tandis que les privés s'inscrivent dans une logique d'encadrement des livraisons.
LA FILIÈRE ABORDE LA FIN DES QUOTAS LAITIERS dans un contexte de croissance de la demande mondiale. L'opportunité de se positionner sur ce marché incite à miser sur une augmentation des volumes. Mais après 2015, sans encadrement de l'offre, une telle réponse risque d'accélérer le processus de restructuration. « Si demain, les pouvoirs publics n'envisagent pas de filets de sécurité, un ralentissement de la consommation en Asie nous impactera tous. Pas seulement ceux qui ont misé sur le marché du grand export », s'inquiète Daniel Gremillet, président de la coopérative Ermitage.
Dans ce contexte, l'étude menée par l'Institut de l'élevage et sept chambres d'agriculture auprès de vingt-quatre industriels apporte des éléments sur leurs stratégies d'approvisionnement. « Le premier point commun à toutes les entreprises est l'instauration d'un volume contractuel qui se substituera aux quotas, rappelle Gérard You, chef de projet au département économie de l'Institut. L'attribution de cette nouvelle référence répond à deux logiques. Après 2015, les industriels privés veulent maintenir un encadrement de leur collecte au plus près de leurs débouchés. Ils sont sur une stratégie liée à la demande en produits de grande consommation, essentiellement sur les marchés français et européen. »
LA GESTION DES VOLUMES PAR UN PRIX DIFFÉRENCIÉ
« En revanche, les coopératives, avec une part de produits industriels globalement plus importante, doivent statutairement collecter tout le lait de leurs adhérents. Elles abordent cette échéance différemment selon le potentiel laitier de leur bassin. » Les coopératives situées en montagne (15 % de la collecte) ne s'attendent pas à un fort afflux de lait, elles veulent surtout maintenir la valorisation d'une collecte souvent encadrée par des signes de qualité. Dans les zones de polyculture élevage (un tiers de la collecte), les entreprises redoutent un décrochage de la production laitière et veulent avant tout sécuriser leurs approvisionnements. Par contre, dans les bassins du grand Ouest, de Normandie, du Nord-Picardie et d'une partie du grand Est, les coopératives se préparent à une forte progression de leur collecte après 2015. La plupart devront investir dans des équipements industriels. Certaines anticipent cette échéance à travers l'expérimentation de volumes et de prix différenciés. Une stratégie qui consiste à attribuer à chaque coopérateur un volume de livraison A, pour lequel l'entreprise a un débouché sur le marché intérieur, tandis que le volume supplémentaire B, destiné à alimenter la demande à l'export sera payé selon la valorisation réelle sur ce marché.
Dans ce domaine, Sodiaal et Laïta font figure de précurseurs. « Le dispositif double volume-double prix laisse à ceux qui le souhaitent l'opportunité de s'agrandir, tout en assurant une maîtrise des volumes en adéquation avec les signaux du marché, rappelle Frédéric Chausson, responsable de collecte. C'est une question de bon sens, la baisse du prix B doit inciter l'éleveur à lever le pied sur les volumes. » À l'horizon 2015, la coopérative veut payer 85 % de sa collecte au prix de valorisation des PGC, avec un volume A réparti linéairement sur douze mois. « Après 2015, nous ne nous interdisons pas de mettre en place un troisième niveau de prix C suffisamment dissuasif pour contenir un afflux de lait trop important. »
Sodiaal compte sur le développement international pour commercialiser les volumes supplémentaires. La coopérative est présente sur le marché des ingrédients laitiers à forte valeur ajoutée, pour lequel le lait français présente une excellente traçabilité.
ADAPTER L'OUTIL INDUSTRIEL
Mais faute d'outils industriels, Sodiaal mise sur un partenariat avec le groupe chinois Synurta. Cet industriel projette d'investir dans deux tours de séchage sur le site de Carhaix (Finistère) pour transformer jusqu'à 300 Ml en poudre de lait destinés au marché chinois.
Coralis, coopérative implantée en Ille-et-Vilaine, prévoit dans son règlement intérieur trois niveaux de valorisation : un volume A destiné à ses débouchés traditionnels, un volume B payé au prix du marché mondial et, au-delà, un volume C comprenant un prix du lait dissuasif et pour lequel la coopérative ne dispose pas de débouchés ni de capacités industrielles. « Un nombre important de nos adhérents sont prêts à augmenter leur production. Le troisième degré de valorisation est prévu pour ne pas pénaliser les coopérateurs qui ne feraient pas le choix du volume, explique Joël Adam, directeur lait de la coopérative. La question des volumes est en débat pour caler notre outil industriel en fonction des attentes de nos adhérents. » Cet outil industriel, spécialisé dans les laits conditionnés, n'absorbe qu'une grosse moitié de sa collecte (un tiers est livré à Sodiaal) sur un marché fortement concurrentiel. Pour y faire face, Coralis veut renforcer son attachement local auprès du consommateur à travers sa marque Agrilait. Parmi les coopératives enquêtées, seule Agrial ne dispose pas d'outils de transformation. Elle collecte 900 Ml, essentiellement en Basse-Normandie, et livre 90 % de sa collecte à une filiale de Bongrain. La coopérative, qui veut accompagner la volonté de croissance de ses adhérents, privilégie la prise de participation dans le capital d'entreprises de transformation. Agrial compte ainsi sécuriser la commercialisation de 200 Ml supplémentaires d'ici à 2020. Elle envisage également d'investir dans un concentrateur. Cet équipement réduit par quatre le volume de lait transporté, ce qui permettrait d'expédier des laits concentrés sur un marché beaucoup plus étendu.
FOURNISSEURS DE MATIÈRE PREMIÈRE
La saisonnalité est un deuxième levier de gestion des livraisons. Elle s'annonce contraignante dans des groupes privés, spécialisés dans la fabrication de PGC et de produits frais, qui veulent des livraisons au plus près des besoins de leurs sites de fabrication. « Deux entreprises entrent clairement dans cette catégorie : Bongrain SA et la société Triballat-Noyal (Ille-et-Vilaine), explique Gérard You. D'autres s'accommodent de la saisonnalité. C'est le cas de Lactalis, qui bénéficie d'une aire de collecte européenne lui permettant de réaliser des synergies entre les bassins pour ajuster les disponibilités à ses besoins. »
Ce transfert de volumes est sous-jacent à un troisième levier de gestion des approvisionnements. Il concerne la gestion des références laitières libérées à la suite de cessation d'activité. « Cela pose la question de savoir qui sera propriétaire de la référence laitière après 2015. Si c'est le transformateur, il pourra la réattribuer, en partie ou en totalité, à un ou plusieurs de ses livreurs. » Une telle question n'est pas neutre, elle rappelle aux éleveurs livrant aux transformateurs privés qu'ils sont avant tout des fournisseurs de lait. Après 2015, ils ne pourront compter que sur un contrat d'une durée limitée, dont certaines clauses sont révisables au gré de la conjoncture laitière.
JÉRÔME PEZON.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
Le marché du lait Spot s’agite avec la rentrée
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?