
Les coops ont envoyé leurs nouveaux règlements intérieurs. Ils sont moins pernicieux que les contrats des privés mais le système des volumes B suscite bien des interrogations.
LES PRODUCTEURS LIVRANT LES INDUSTRIELS PRIVÉS OU LES COOPÉRATIVES N'ONT PAS LE MÊME STATUT CONTRACTUEL. Dans la majorité des cas, les premiers n'ont jamais signé de contrat. Leur relation contractuelle s'appuie sur les nombreuses années de livraison. Les seconds bénéficient d'un contrat d'une durée souvent de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction. À leur admission, ils se sont engagés à apporter la totalité de leur lait, à l'exception de leurs besoins familiaux et d'élevage et du quota de vente directe. Ce qui fait dire à une coopérative que « le contrat coopératif est très protecteur. Sauf faute grave, le sociétaire ne peut pas être exclu. Lui, en revanche, bénéficie d'un préavis très court » (NDLR : trois ou six mois selon les règlements).
Les coopératives laitières viennent de réécrire leurs statuts et leur règlement pour être en conformité avec le décret sur les contrats lait signé le 31 décembre 2010. Ce dernier leur demandait une mise à jour au plus tard le 1er juillet. Elles ont respecté cette date butoir en l'envoyant à leurs adhérents juste avant. La nouvelle version s'appliquera pour l'éleveur à l'expiration du contrat en cours. Sans être exhaustif, L'Éleveur laitier a entrepris un tour de France des nouvelles versions. Aucune ne présente des clauses toxiques. Et si c'est le cas, les éleveurs ont la possibilité d'interpeller leur conseil d'administration pour les modifier.
Sans surprise, les statuts des coops intègrent désormais une durée de contrat d'au moins cinq ans. Le groupe ligérien Eurial va plus loin en inscrivant dix ans. La bas-normande Agrial propose une durée plus importante, sans la préciser, en cas d'investissements bénéficiant de ses conseils ou d'une avance financière.
Les règlements, eux, se réfèrent à la législation en vigueur et aux accords interprofessionnels pour la qualité et la composition du lait. Ils précisent les conditions de collecte et de stockage du lait à la ferme. Inhérent à leur statut juridique, les coopératives sollicitent aussi le mandat du producteur pour la facturation du lait. En fait, le degré de précision des règlements est variable de l'une à l'autre. Très attendu, celui de Sodiaal compte parmi les moins détaillés. « La stratégie du groupe n'a pas vocation à être dévoilée dans le règlement intérieur. C'est aussi pour cette raison qu'il n'aborde pas l'aprèsquotas », commente Sodiaal.
- VOLUMES A ET B, VOIRE C : les nouvelles versions révèlent leur positionnement par rapport aux volumes et prix différenciés. Les bas-normands Isigny Sainte-Mère et les Maîtres laitiers du Cotentin (MLC) excluent ce principe jusqu'en 2015. MLC laissent la porte ouverte à une réfl exion sur ce système pour l'après-quotas. « Notre devoir est de réfl échir à cette hypothèse mais nous sommes très attachés à la valorisation d'un prix moyen. Il y aura un rendez-vous avec les producteurs en 2014, c'est évident », indiquent-ils.
La midi-pyrénéenne 3A n'évoque pas du tout l'après quotas. D'ici là, elle opte pour des livraisons régulières. Elle demande aux producteurs de communiquer chaque année, en novembre, un programme prévisionnel de livraisons mensuelles des douze prochains mois. Cette démarche démarre ce mois-ci. À chaque ramassage, la livraison ne pourra pas varier de plus de 20 % par rapport à la moyenne des livraisons mensuelles, sous peine d'une pénalité minimum de 3 % sur le prix du lait du mois. La Prospérité Fermière (Pas-de- Calais) n'aborde pas la gestion des volumes alors qu'elle a déjà pratiqué les prix A et B en début d'année (voir aussi p. 12). Quant à Agrial, jusqu'en 2015, elle se donne cette possibilité, même si elle « mettra tout en oeuvre pour ne pas en arriver là ». Un volume objectif pourrait être décliné en un A pour ses besoins structurels, et en un B pour lequel elle dispose de débouchés conjoncturels ou n'a pas de débouchés traditionnels. Des objectifs de livraison pourront aussi être donnés aux producteurs par période minimum d'un mois. « Notre client CLE-Bongrain demande une répartition trimestrielle. Si la production devient déconnectée de ses besoins, nous aurons ces leviers pour la réguler. »
Coralis (Ille-et-Vilaine) va plus loin en inventant un volume C pour le lait en plus pour lequel elle n'a pas de capacités techniques et/ou de débouchés. Les deux fervents défenseurs des volumes différenciés, Sodiaal et Laïta, qui les appliquent pour la deuxième campagne, restent flous sur leur définition. Fidèle à sa stratégie de discrétion, Sodiaal se contente d'indiquer que son conseil d'administration a la possibilité d'« établir des volumes différenciés mensualisés ». Le règlement ne donne aucune indication sur les clés de répartition A et B du quota jusqu'en 2015. De son côté, le breton Laïta (Even, Triskalia et Terrena) utilise la même définition qu'Agrial. « Tout comme celle des prix différenciés, elle est trop vague », conteste un adhérent de Triskalia. Il a saisi le médiateur désigné par le ministère de l'Agriculture pour les contrats lait. Quant à l'après-2015, Laïta le précisera dans un avenant à son règlement.
Un troisième groupe vient de se lancer. Eurial annonce pour 2011-2012 un paiement au prix A (recommandation interprofessionnelle, flexibilité comprise) jusqu'à 5 % de rallonge de quota. Le prix B s'applique au-delà. Eurial accorde cette année 7 % d'allocations provisoires (voir aussi p. 16). C'est plus souple que dans le règlement intérieur. Ce dernier stipule un paiement différencié « dès le premier litre livré au-delà du quota ». Après 2015, le principe pourra être repris « avec définition d'objectifs de volumes par période de l'année ». Quant à L'Ermitage (Vosges), elle réfléchit encore à son lancement pour 2011-2012. Néanmoins, son règlement intérieur en pose les bases. Le volume A (débouchés traditionnels + écarts saisonniers) prend pour référence minimale jusqu'en 2015 le quota détenu au 1er avril 2011 (sauf JA). Au-delà, le lait livré serait classé en B. Son règlement exige aussi une prévision de production trimestrielle. Elle est aujourd'hui mise en oeuvre sans bonus ni malus.
Les coops défendent le système de prix et volumes différenciés mais aucune ne le décline de façon identique. De quoi créer la cacophonie.
- VOLUME DE RÉFÉRENCE EN 2015 : hormis MLC, Isigny et Eurial, aucune des sept citées précédemment ne donne d'information sur la référence du producteur au 1er avril 2015. MLC indiquent que le quota 2014-2015 sera le volume de référence au 1er avril 2015. Pour Eurial, il en tiendra compte. Il applique en cela le décret du contrat lait. Isigny parle de programmation de volumes en fonction de ses débouchés et de ses objectifs.
- PRIX DU LAIT : toutes font référence aux critères interprofessionnels régionaux pour le paiement de la qualité et de la composition du lait. De même, toutes s'appuient sur les indicateurs de marchés du Cniel. Seulement, certaines l'affirment de façon plus ferme. Isigny, MLC, Eurial, Agrial, Laïta, L'Ermitage et La Prospérité Fermière parlent d'un prix de base mensuel établi sur ces références. Ce prix sera leur prix A dans le cas de volumes différenciés. Sodiaal et 3A donnent des grands principes sans rentrer dans les détails. La définition du prix B est hétéroclite. Elle renvoie à l'indicateur beurre-poudre du Cniel (L'Ermitage, Laïta) mais aussi à la valorisation du volume B par l'entreprise (Laïta). Eurial ne se base pas sur l'indicateur Cniel. Il indique « une valorisation des produits industriels (beurre, poudre, etc.) observée sur les marchés par comparaison à celle des PGC notamment ». Agrial mentionne un paiement « sur la base d'un prix dit de dégagement fixé par la coopérative ». À l'indicateur Cniel beurre-poudre, Coralis ajoute les cours des fromages à l'exportation. Du côté de Sodiaal, on devine qu'elle pourra utiliser entre autres « les cotations du beurre et de la poudre et la valorisation des laits d'excédent ». À noter néanmoins que tous les conseils d'administration se laissent la possibilité d'établir le prix du lait à partir de la situation économique de leur coopérative et en l'absence de publication d'indices. Ce dernier point se fonde sur le guide Cniel des pratiques contractuelles.
- CHARTE DES BONNES PRATIQUES : les coopératives affirment qu'il leur est difficile de rompre leur contrat avec un adhérent. Les règlements intérieurs prévoient malgré tout des motifs d'exclusion ou d'arrêt définitif de collecte.
Chez MLC, Agrial, Isigny Sainte- Mère, Eurial et Coralis, la charte des bonnes pratiques d'élevage en est une. Chez Sodiaal, le non-respect de la démarche « La Route du lait » est un motif d'arrêt temporaire ou définitif de la collecte. Certes, avant d'en arriver là, des paliers d'avertissements seront franchis. La coopération laitière veut s'affranchir des éleveurs inadaptés aux exigences de production d'aujourd'hui.
- LE 100 % APPRO : Triskalia exige que ses adhérents s'approvisionnent à 100 % chez elle. Une contrepartie classique à la collecte totale du lait des sociétaires dans les coops qui ont une forte activité de fourniture d'intrants. Coralis est plus souple car elle demande un engagement total sur au moins l'une de ces trois activités : lait, autres produits agricoles, achats d'intrants. Le principe d'engagement total commence à s'effriter. Même si l'avis de l'Autorité de la concurrence ne touche pas les règlements coopératifs, dans le cadre de la fusion d'Agrial et Elle-et-Vire, elle vient de demander à Agrial de modifier ses statuts pour laisser la possibilité aux agriculteurs de s'approvisionner là où ils le désirent.
- CARTON ROUGE : en cas de blocage d'usine, de grèves, etc. « nuisant au fonctionnement normal de la coopérative ou de ses filiales », Eurial ne paiera pas le lait non collecté ou non réceptionné. Coralis et Isigny sont d'accord. Toutes trois poussent le bouchon plus loin sur les intempéries. Elles ne s'estiment pas tenues au paiement si les conditions rendent impossible ou dangeureux l'accès à l'exploitation. En général, la responsabilité face aux intempéries est mal définie. MLC fait allusion aux interdictions de circuler par décision préfectorale. 3A indique qu'elle « fera tous ses efforts pour collecter le lait ». Laïta et Coralis. La première demande à ses adhérents de « déclarer tous changements survenant dans l'effectif de son cheptel (...). La coopérative peut limiter le cheptel pour lequel le contrat d'engagement est souscrit ». Agrial n'abordent le sujet que du côté du producteur via un accès aménagé ou l'obligation de le déneiger., sans définition du cas de force majeure.
Les clauses qui dérangent le plus concernent Triskalia et Coralis. La première demande à ses adhérents de « déclarer tous changements survenant dans l'effectif de son cheptel (...). La coopérative peut limiter le cheptel pour lequel le contrat d'engagement est souscrit ». La seconde exige que les producteurs « observent les règles de production, de qualité et de commercialisation édictées en vue (...) d'orienter l'action des adhérents vers l'exigence du marché ».
CLAIRE HUE
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