
La baisse des rendements céréaliers, cumulée à celle des prix, pèse lourd chez les polyculteurs-éleveurs. Chez les spécialisés, la hausse du prix du lait est parfois happée par celle des charges.
LES PREMIÈRES SIMULATIONS DE REVENU RÉALISÉES POUR 2013 dans les Réseaux des fermes de référence régionaux confirment ce que l'on pressentait : certes, le prix du lait a progressé mais pas toujours assez pour compenser l'augmentation des intrants. S'ajoute pour les polyculteurs-éleveurs l'impact de la baisse de rendement et de prix des céréales.
BRETAGNE : LA HAUSSE DU PRIX DU LAIT DÉTERMINE CELLE DE L'EBE
« L'objectif de nos travaux de prospective sur le revenu est d'évaluer la sensibilité des exploitations bretonnes à la conjoncture », précise Bernard Le Lan, ingénieur lait à la chambre d'agriculture de Bretagne. Il ne diffuse que les résultats de l'exploitation type de la région, et pas les chiffres par système de production. « Nous voulons éviter que les gens tirent des conclusions hâtives sur la viabilité de l'un ou l'autre des systèmes. Les exploitations sur lesquelles nous travaillons ne sont pas suffisamment représentatives pour permettre de telles analyses. » De plus, pour mieux évaluer l'impact de la conjoncture, la simulation fait varier le moins possible les autres critères. Le volume des livraisons de lait est stable depuis 2010.
En 2013, la météo des premiers mois a été plutôt défavorable. Le printemps froid et humide a pénalisé la production laitière au pâturage. Il a imposé une ration à base de stocks pendant une durée plus longue, alors que les concentrés étaient
encore coûteux et les fourrages de faible qualité. Les semis de maïs et les récoltes d'herbe ont aussi souffert à cette période.
Ensuite, l'été chaud et sec a pesé sur les livraisons. La collecte n'est repartie qu'à l'automne, grâce à une accumulation de facteurs positifs : la météo bien sûr, mais aussi un prix du lait et une demande des laiteries mieux orientée. La bonne qualité des maïs a contribué également à cette reprise dès l'ouverture des silos. De plus, les éleveurs ont tiré les leçons de 2009. « Ils conservent davantage de génisses et beaucoup sont capables de relancer leur production quand ils jugent le moment opportun », analyse Bernard Le Lan. Il souligne que cette reprise s'est faite sans dégradation de la qualité du lait. Elle permettra tout juste de compenser la baisse de collecte des mois précédents.
Au final, le bilan s'annonce positif avec un EBE/UMO en hausse. Cette tendance se poursuit depuis 2010 avec, chaque année, une progression régulière du montant des charges opérationnelles, des produits, et de l'EBE ramenés à 1 000 l de lait. « Une fois de plus, on constate que c'est d'abord l'augmentation du prix du lait qui détermine celle de l'EBE. En 2013, le prix des céréales influence aussi les résultats, mais dans une moindre mesure. Le reste n'a qu'un impact mineur », conclut Bernard Le Lan. Depuis quelques années, la hausse du prix des intrants vient gommer les opportunités d'économies d'échelle. Et il est probable que cette tendance perdure.
NORMANDIE : UNE PRIME À L'AUTONOMIE EN CONCENTRÉS AZOTÉS
Les Réseaux d'élevage lait Normandie ne tiennent pas compte des variations de rendements et des augmentations de volumes de lait produits. À systèmes constants, ils comparent ainsi d'année en année l'impact de l'évolution de la conjoncture sur les intrants et la vente des produits. En 2013, sous l'effet de la hausse du prix du lait et de la viande (vaches de réforme), l'EBE du système herbager et du spécialisé lait augmente. Leur dépendance plus ou moins grande aux concentrés azotés conditionne pour une part le niveau de cette hausse.
Axé sur une conduite alimentaire autonome, le premier subit moins que le deuxième la flambée du tourteau de soja. Il profite également de la baisse du prix des céréales dont il est grand consommateur. Dommage que cette réduction des coûts soit neutralisée par la hausse des charges de structure (charges sociales). Au final, grâce à la conjoncture lait et viande favorable, le système herbager est celui dont l'EBE progresse le plus. « C'est sa meilleure année depuis 2008, souligne Cédric Garnier, des Réseaux d'élevage lait Normandie. Ce type d'exploitation est aujourd'hui en bio ou sous AOP, avec un prix du lait plus élevé. On peut penser qu'il a encore mieux tiré son épingle du jeu en 2013. » A contrario, l'EBE du système spécialisé lait, dépendant des concentrés protéiques, est grevé par la hausse de leur prix. Elle est la principale responsable de l'augmentation de 2 % des charges opérationnelles. « La volatilité du marché des céréales se fait également au détriment de l'EBE en 2013. » Alors que l'exploitation n'en cultive que 16 ha, le blé ampute de 6 000 € l'incidence positive du lait et de la viande, respectivement 7 210 € et 2 940 €.
« En réalité, à système constant, la progression de l'EBE devrait être plus importante chez les éleveurs spécialisés lait, estime Cédric Garnier. Le prix du lait augmente plus que ce que les Réseaux d'élevage normands avaient prévu au mois de septembre quand ils ont réalisé ce travail de prospective. »
Le système lait + céréales, qui a une conduite laitière identique (40 % de maïs dans la SFP + 1 790 € du poste alimentaire), est encore plus durement impacté par les céréales. Les recettes chutent de 14 665 € à cause de l'affaissement du produit cultures (- 20 560 €). « Après trois ans de hausse, le système polyculture est, cette année, le seul à connaître une baisse de ses résultats. »
FRANCHE-COMTÉ : LE LAIT AOP PEU INTENSIF S'EN SORT MIEUX
Année très délicatepour les polyculteurs-éleveurs francs-comtois de plaine en lait standard. Les conditions d'implantation des céréales, difficiles à l'automne 2012, exécrables au printemps 2013, ont mis à mal les récoltes. La sanction est particulièrement sévère pour ceux de la zone intermédiaire sur sol hygromorphe au potentiel déjà limité. Cette baisse de rendement, conjuguée à celle des prix, fait plonger leur EBE de 20 %. L'atelier lait y a également sa part. Le printemps froid et pluvieux a prolongé la vraie mise à l'herbe, augmentant d'autant la ration de maïs et sa nécessaire complémentation en tourteaux de soja toujours onéreux. Nombre d'exploitations se sont retrouvées cet été à zéro stock, obligées de reconstituer leurs réserves fourragères au détriment des ventes de maïs grain, du fait aussi des baisses des rendements.
Dans ces conditions, l'augmentation du prix du lait de 20 €/1 000 l, à 340 €, apparaît bien maigre en fin d'année.
Les systèmes spécialisés lait AOP franc-comtois très herbagers sont restés à l'abri de cette conjoncture céréalière. Pour autant, ils ont, selon leur niveau d'intensification, plus ou moins bien profité de la progression de leur prix du lait (442 €/1 000 l à 38/32) et surtout encaissé la baisse de productivité par vache constatée (-200 à 500 kg/VL). La faute à la piètre qualité des fourrages de l'hiver 2012-2013 et de celui qui vient de débuter, mais également au printemps froid et humide qui a pénalisé les lactations. Très tendus en stock fourrager, les plus intensifs (4 000 l/ha) n'ont pas pu compenser cette baisse de productivité individuelle par suffisamment d'animaux en plus à traire. Il était aussi délicat pour eux, vu le coût du concentré, d'en accroître les quantités distribuées, sans parler des risques sanitaires pris et du plafond des 1 800 kg d'aliment par vache imposé par le comté. Résultat : des volumes livrés en retrait avec, à la clé, un EBE qui régresse de 3 %. À l'inverse, les moyennement intensifs (3 400 l/ha), bien plus à l'aise en disponibilité fourragère, ont réussi à produire autant de lait en augmentant suffisamment leur cheptel. Ils voient leur EBE 2013 progresser de 3 %.
PASCALE LE CANN, CLAIRE HUE ET JEAN-MICHEL VOCORET
© CHRISTIAN WATIER
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