AVENIR : LES RAISONS DE CROIRE AU LAIT

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Le doute gagne la campagne depuis plus d'un an. Pourtant, des perspectives, les producteurs de lait en ont. Décryptage et témoignages.

ON LE SAIT. TOUT N'EST PAS ROSE DANS LE MÉTIER D'ÉLEVEUR. Les exigences réglementaires et l'exposition accrue aux aléas du marché obligent à gérer finement l'exploitation. Le nombre d'heures consacrées à l'élevage donne un sentiment de décalage par rapport à l'entourage non-agricole et à d'autres productions moins exigeantes en main-d'oeuvre. C'est souvent ce qu'expriment les producteurs de lait, surtout lorsque le revenu n'est pas au rendez-vous. La flambée du prix du blé a exacerbé cette perception ces deux dernières années. Si l'on n'y prend pas garde, cette version pessimiste du métier prend le dessus et occulte ses aspects positifs. Heureusement, les jeunes qui ont eu une expérience salariée avant de s'installer et ceux installés hors cadre familial sont là pour les rappeler. Comme Anne-Sophie Priour (ci-contre), ils apprécient la liberté d'organiser leur travail pour concilier vies familiale et professionnelle.

LES PRODUCTEURS SONT HABITUÉS À S'ORGANISER

Plus que jamais, vivre du lait exige de le vendre à un coût le plus bas possible. La fin des quotas oblige aussi à s'intéresser à l'économie de la filière et à défendre le prix du lait et les volumes quand il le faut. On reprochait à l'industrie laitière d'être timorée face aux prévisions de croissance du marché mondial. Depuis un an, elle apporte plus de gages de confiance en l'avenir avec en particulier des investissements dans des tours de séchage pour la poudre infantile. Sur ce point, les coopératives apparaissent plus offensives. L'autre évolution est l'accélération de la restructuration des transformateurs : Terra Lacta avec Bongrain, Sodiaal avec 3A, Agrial et Eurial (projet), en espérant qu'elle apporte une véritable plus-value partagée avec les producteurs.

C'est l'un des défis des prochaines années. Les tensions cet été entre Lactalis et les producteurs sur le prix du lait montrent que la relation contractuelle ne sera pas un long fleuve tranquille. Pourtant, les éleveurs n'ont pas d'autres choix que de mettre les mains dans le cambouis. Ceux qui sont à l'initiative de la création des organisations de producteurs l'ont bien compris. « La pression est grande sur nos épaules lorsqu'on va négocier avec Bongrain le contrat, le prix du lait ou les volumes, confie Sylvain Desgranges, l'un des membres de la délégation nationale (voir ci-contre). Il faut se former et s'informer pour bien défendre les intérêts des membres de l'OP. »

Même si ces OP naissantes ne sont pas parfaites, elles démontrent la capacité à s'engager collectivement, une empreinte presque génétique du monde agricole dont l'éleveur n'a pas conscience tant elle fait partie de son paysage mais qui, dans une économie laitière plus libérale, est un atout indéniable.

LA HAUSSE DES CHARGES N'EST PAS UNE FATALITÉ

Les péripéties des derniers mois sur le prix du lait (appel à un médiateur) montrent qu'il ne suffit pas à faire contrepoids à la hausse du prix des intrants.

« Le prix des intrants utilisés dans le secteur laitier s'est accru, en moyenne nationale, de 35 % en sept ans », confirme Vincent Chatellier, de l'Inra de Nantes. Pour l'économiste, il faut cependant voir à plus long terme. « Dans les prochaines années, les éleveurs produiront davantage de lait tout en étant capables de contenir le coût moyen du litre de lait », estime-t-il. La restructuration des exploitations (départs à la retraite non remplacés) au rythme d'environ 5 % par an, l'automatisation croissante de certaines tâches (traite, alimentation) et la poursuite du progrès génétique animal donneront des capacités de production supplémentaires mais sur des surfaces qui ne pourront pas toujours beaucoup évoluer. « Sous l'effet de la concurrence avec d'autres activités agricoles (céréales) et la pression urbaine, le prix du foncier va continuer d'augmenter. Cela incitera les éleveurs à intensifier leurs systèmes productifs (plus de lait par hectare) et affecter une part croissante de leur surface disponible au cheptel laitier. » En d'autres termes, les fermes qui se sont diversifiées avec un atelier taurillons faute de quota suffisant ou ont agrandi leur surface en céréales avec la reprise de quotas se spécialiseront, surtout à l'Ouest. « Ce phénomène se déclinera aussi dans le travail avec une délégation accrue des travaux des champs auprès des ETA et moins de coûts de mécanisation à la clé. Sans oublier la recherche d'autonomie alimentaire à laquelle travaillent de plus en plus d'éleveurs pour limiter les achats de concentrés. » Tous ces éléments concourront à contenir le coût moyen de production du litre de lait, en veillant à bien placer le curseur entre développement et investissements pour réaliser des économies d'échelle.

LA NOUVELLE PAC FAVORABLE AUX RÉGIONS DE MONTAGNE

Face à la suppression des quotas, c'est l'Ouest qui dispose de la latitude la plus importante pour développer le lait. Tout dépendra de la capacité de son aval à capter des marchés à l'export « Les zones de montagne, dont le principal enjeu est de mieux valoriser le lait localement (surtout le Massif central), ont tout intérêt à ce qu'il gagne ce pari. » Pour l'économiste, la réorientation des aides directes dans le cadre de la nouvelle Pac devrait être favorable à ces régions. « Atteindre en moyenne + 10 000 € d'aides directes par exploitation en 2019 serait un signal politique fort. » Dans ses simulations, cela passe par un couplage supplémentaire à hauteur de 3,2 % de l'enveloppe d'aides directes (dont 1,2 % pour une prime à la vache laitière, voir p. 22), d'une revalorisation de l'ICHN et d'une uniformisation nationale du DPU (avec 40 % du montant historique conservé). L'exploitation de plaine perdrait, elle, 3 150 €, et ce malgré la majoration des aides sur les cinquante-deux premiers hectares. « C'est une bonne mesure car elle accompagne des structures qui rémunèrent plusieurs UTH sur des surfaces limitées. »

CLAIRE HUE, AVEC DOMINIQUE GRÉMY ET JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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