En ne produisant pas sa référence, la France parvient à tenir le prix à un niveau plus élevé que ses voisins. Mais la filière s'appauvrit et cette stratégie semble intenable pour 2010.
LA FRANCE TERMINE LA CAMPAGNE AVEC UNE SOUS-RÉALISATION jamais vue, proche de 2 millions de tonnes, soit - 9 %. C'est le résultat d'une politique de maîtrise volontariste qui s'est traduite par ce que l'on a appelé, en 2009, le double zéro : pas d'augmentation de 1 % de quota, comme l'autorisait la Pac, et surtout gel des allocations provisoires de fin de campagne. L'objectif était d'éviter la chute du prix à la production. Au final, il reste en France parmi les plus élevés d'Europe (au quatrième rang). Mais il n'a satisfait ni les producteurs ni les transformateurs. Ces derniers, avec un écart moyen, sur 2009, de 35 €/t par rapport au prix allemand, se sont fait tailler des croupières à l'exportation mais également sur le marché intérieur : - 15 % sur les exportations, + 38 % d'importations pour le seul lait conditionné. Par rapport à 2008, la balance commerciale laitière a perdu 486 millions d'euros, tout en restant positive (2,464 M€).
Dans le même temps, nos principaux compétiteurs que sont l'Allemagne et les Pays-Bas ont produit à plein. Ils atteindront leur référence cette année, nous piquant au passage des parts de marché sur les PGC, les premiers prix et les marques de distributeurs (MDD)
UNE VRAIE CRISPATION DANS LA FILIÈRE
En ouvrant les vannes des quotas, l'Allemagne a paradoxalement produit en proportion moins de beurre-poudre que la France en 2009. « Merci, les Français, d'avoir régulé seuls l'offre laitière pour l'Europe entière, et offert la possibilité aux éleveurs allemands et néerlandais de diluer leurs charges fixes en produisant plus », ironisent nombreux économistes.
Alors que nos voisins ont enterré cette notion de quota qui, il est vrai, ne guide plus le marché européen, la France s'accroche à sa politique publique de maîtrise. Elle persiste aussi à faire des quotas un outil de répartition territoriale de la production avec une gestion départementale qui induit peu de mobilité. S'y ajoute une fixation du prix du lait encore très lissée sur l'année.
La France s'adapte donc à la volatilité des cours en limitant les volumes, mais sans réellement profiter des embellies du marché. Les producteurs y gagnent en stabilité mais s'enrichissent-ils davantage que leurs homologues ? Entre 2006 et 2009, la recette laitière (prix moyen x volume produit) de l'Allemagne a progressé de 8 % par rapport à 2005, de 11 % pour les Pays-Bas et seulement de 4 % en France. Ces constats sont sans appel : maîtriser seul une production pour maintenir un prix dans un marché européen ouvert conduit à un appauvrissement général de la filière. Cette position a aussi ses effets pervers avec certains transformateurs français qui s'en accommodent fort bien, préférant acheter une matière première bon marché hors de nos frontières.
Alors, faut-il changer de cap en ouvrant les vannes de la production française ? Cette question crée une vraie crispation. Les syndicats minoritaires s'arc-boutent sur la maîtrise stricte du volume national, arguant que le prix du lait en Allemagne est le résultat d'un dumping qui ne peut pas servir de prix directeur en France où les éleveurs ont besoin, en 2010, de retrouver un niveau de rémunération acceptable. Plusieurs transformateurs, certes conscients que la position de la France est intenable à moyen terme, ne sont pas favorables à relâcher trop vite des volumes qu'ils ne peuvent pas payer au prix actuel. Toujours est-il que les trois familles de l'interprofession (FNPL, FNIL, FNCL) ont fait un pas en arrière en donnant un avis favorable à l'augmentation de 2 % pour la campagne 2010-2011, soit 500 000 t supplémentaires. À supposer que le ministre suive cet avis, la clé de redistribution régionale n'aboutira pas à un bond significatif de la production française lui permettant d'approcher sa référence. Il faudrait pour cela changer du tout au tout la gestion départementale des quotas, à commencer par les allocations provisoires. Mais qui le veut vraiment ? Un groupe de travail donnera son avis en juin. Mais s'engager sur des volumes supplémentaires, c'est d'abord parler de prix. Les laiteries n'ont ni l'intention ni les moyens, pour certaines, de collecter plus de lait à un prix supérieur aux voisins. Que ceux qui en doutent regardent ce qui se passe avec l'URCVL, en Rhône-Alpes, ou le GIE Sud Lait, dans le Sud-Ouest.
Alors, statu quo, on fait le gros dos en attendant des jours meilleurs, quitte à se faire plumer une année de plus par l'Europe du Nord ?
Autre proposition : tout le monde sort de sa ferme, met le feu dans les campagnes, bloque les frontières, vide les supermarchés, espérant déclencher ainsi une décision politique de vingt-sept États membres pour réguler les volumes produits en Europe ?
Ou tout autre chose : on donne un grand coup de balai et on aère notre vieille gestion à la française pour remettre tout à plat. Il s'agirait peut-être d'oublier la liaison quota-foncier et le saupoudrage régional habituel pour remettre du lait partout où on peut le produire à un coût marginal acceptable, tout en respectant la contrainte environnementale. Des milliers d'exploitations seraient concernées et pas seulement dans le grand Ouest. Admettons aussi que les quotas cessent dans cinq ans et que ce sera aux éleveurs rassemblés de parler prix et volume avec leurs entreprises en fonction des marchés. Les économistes sont unanimes : toute autre voie apparaît aujourd'hui suicidaire, surtout pour les éleveurs.
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