
L'idée d'une régulation volontaire des volumes marque des points sur le plan politique. Mais sa concrétisation se heurte toujours à une fin de non-recevoir d'une majorité des acteurs de la filière.
LA VISION DE L'ALLEMAGNE DU MARCHÉ LAITIER serait-elle en train de changer ? Le 9 juin, Christian Schmidt, ministre fédéral de l'Agriculture, de concert avec ses homologues polonais et français, appelait Bruxelles à mettre en place une « incitation financière européenne pour encourager la réduction volontaire de la productionlaitière » dans l'UE. Le 30 mai, le même ministre avait déjà estimé, à l'issue du sommet laitier qui réunissait à Berlin le syndicalisme majoritaire (DBV), la coopération, l'industrie laitière (MIV) et la distribution, qu'« il faut moins de lait pour un meilleur prix. » La majorité des ministres de l'Agriculture des seize Länder partage ce point de vue. Le 15 mai, ils s'étaient prononcés en faveur d'une réduction pilotée des volumes. Faute d'aboutir d'ici à l'été, « la faisabilité d'une réduction volontaire et indemnisée des livraisons » devait être testée. L'initiative satisfait la frange de producteurs du BDM, le syndicat minoritaire écarté du sommet de Berlin, qui demande une réduction volontaire de la production contre le versement de 300 €/1 000 litres non livrés.
« CEUX QUI ONT INVESTI N'ONT PAS INTÉRÊT À VOIR BAISSER LES VOLUMES »
Cette option adoucirait une situation devenue catastrophique sur le front du prix du lait. Les laiteries les plus mal-en-point ont annoncé, au seuil de l'été, des prix à 190 €. Selon la chambre d'agriculture de Basse-Saxe, de 5 à 10 % des 73 000 exploitations laitières recensées par la statistique nationale pourraient mettre la clef sous la porte dans les six mois à deux ans. Pour adoucir la pilule, Berlin a accordé une aide fédérale de 100 M€ sous la forme de prise en charge de cotisations sociales et de lissage des impôts sur trois ans. À la mi-juin, il était question de 50 millions d'euros de plus... une goutte d'eau alors que la Bavière réclamait un milliard et la Basse-Saxe, le double...
Hormis les aides, le reste de la filière accueille fraîchement ces orientations suspectées d'être motivées par les élections de 2017. « Trop d'hommes politiques et de hauts fonctionnaires se positionnent sans savoir de quoi ils parlent. Ils suscitent des espoirs qui n'existent pas ! » lâche sous couvert d'anonymat ce responsable du sud de l'Allemagne. « On ne peut pas faire augmenter les prix grâce à une politique de régulation étatique si le rapport offre/demande sur le marché mondial nous envoie d'autres signaux. Un tel choix remettrait la compétitivité de la branche en cause », rétorque Eckard Heuser, directeur du MIV, l'équivalent de l'Atla. Un observateur explique : « Avant la sortie des quotas, les producteurs comme les laiteries ont massivement investi dans leurs installations. Aucun n'a intérêt à voir baisser les volumes livrés ou transformés sous peine de voir se dégrader ses plans d'amortissement. Les grandes coopératives et les éleveurs élus à leur tête ne sont pas les derniers à penser de la sorte. Ils acceptent la loi du marché et ne s'en cachent pas. »
Les pouvoirs publics ont aussi renvoyé les participants au sommet à un « dialogue de branche », dont ils attendent des pistes propres à « réduire l'offre à court terme, réorganiser le marché à long terme », quitte à mettre un temps entre parenthèses le droit des cartels.
« L'État ferait mieux de se tenir à l'écart des relations contractuelles qui ne regardent que ceux qui les signent », écrit le MIV qui n'envisage ces rencontres que comme « une occasion de parler de sujets comme le bien-être animal ou le lait sans OGM. Mais pas d'élaboration d'un quelconque système de pilotage des volumes ».
Les laiteries préfèrent relever des prix qui se stabilisent, certaines que le marché va faire oublier la mauvaise passe. Et enterrer toute volonté de réguler l'offre. Il suffit d'attendre...
KONRAD RICHTER
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