Les motivations sont diverses et moins souvent guidées par l'économie qu'on le dit. Il y a ceux qui changent de production et d'autres qui abandonnent l'agriculture. Témoignages.
Les demandes de cessations d'activité laitière ont été au nombre de 1 784 en 2012, moins qu'en 2011 mais avec des volumes de lait en hausse : c'est une moyenne de 200 000 l par exploitation qui arrête. Ces chiffres englobent des départs à la retraite, mais pas seulement. Dans toutes les régions, qu'elles soient très orientées sur la production laitière ou pas, la rumeur fait cas d'éleveurs laitiers en pleine activité, encore loin de l'âge de la retraite, exerçant sur des structures parfois importantes, qui quittent leur production. Impossible d'avoir des statistiques précises sur leurs motivations. Dans les zones de polyculture-élevage, tout le monde connaît des producteurs de lait qui abandonnent l'élevage au profit des grandes cultures. L'excellente conjoncture sur les ventes de céréales participe à ce mouvement. La transition est d'autant plus facile que la surface de l'exploitation est importante. « Du revenu ou la charrue », stigmatisait il y a peu Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Il y a là une part de vérité et c'est son rôle de syndicaliste de défendre le revenu. Mais d'autres facteurs, tout aussi importants que la contrainte économique, motivent l'abandon du lait au profit d'une autre production (voir p. 10). Cependant, tout le monde n'a pas la possibilité ou l'envie de passer à un autre produit que le lait. Chaque année, des éleveurs laitiers choisissent de quitter le métier d'agriculteur. Un changement d'orientation professionnel jugé classique, voire encouragé, dans d'autres secteurs d'activité mais qui reste tabou dans le milieu agricole. Depuis maintenant vingt-deux ans, la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique organise des sessions d'information, trois fois par an, pour des agriculteurs qui envisagent de se reconvertir. Ces groupes rassemblent toutes les productions, reflet du paysage agricole du département : viticulteurs, maraîchers et, bien sûr, une proportion importante d'éleveurs laitiers. « L'objectif est d'initier une réflexion, hors du cadre et du quotidien de l'exploitation, pour s'exprimer librement, se sentir écouté et s'informer sur les aspects juridiques, sociaux et sur les soutiens possibles. Le travail de groupe est essentiel dans cette démarche. En aucun cas, notre motivation est d'inciter les participants à quitter le métier d'agriculteur mais de créer un moment de partage et d'échange », explique Patrick Faucher, l'animateur de la chambre d'agriculture.
LA PÉNIBILITÉ ET L'ASTREINTE TOUJOURS CITÉES
Quels sont les facteurs qui amènent des agriculteurs à envisager l'abandon de la production agricole ? Sur les trente-huit participants des trois stages de 2012, ils n'étaient que huit à invoquer des difficultés financières. « Il y a une dizaine d'années, la proportion était nettement plus importante : 60-70 %, avec des situations de grande difficulté sociale et de précarité que l'on trouve moins souvent aujourd'hui. Les producteurs de lait sont loin d'être les premiers à invoquer l'économie de leur filière. Les viticulteurs du muscadet subissent aujourd'hui une crise grave qui motive de nombreux départs. » Les éleveurs laitiers ont beaucoup d'autres bonnes raisons de jeter l'éponge : problèmes de santé, difficultés familiales (veuvage, divorce, séparation), difficultés relationnelles dans les exploitations en société ou, tout simplement, choix personnel guidé par la volonté de se donner un nouveau défi professionnel. Mais dans de nombreux discours, on retrouve la pénibilité de l'astreinte et des heures de travail qui augmentent avec la taille des troupeaux. Ces candidats au départ reflètent la population de l'éleveur laitier moderne : exerçant plutôt en société, sur des structures qui se sont agrandies (en moyenne 300 000 l de quota), bien formés (Bac, BTS), avec une part non négligeable (29 %) de personnes seules (divorcées, célibataires…) : « La moyenne est de vingt-trois ans d'activité, mais du fait de la disparition des préretraites, de plus en plus d'agriculteurs de plus de cinquante ans cherchent une reconversion », précise Patrick Faucher. Comment se reconvertir après plus de vingt ans derrière les vaches ? De nos rencontres en Loire-Atlantique, il ressort l'importance du bilan de compétences. Un travail étalé sur plusieurs semaines qui permet d'identifier les vrais savoir-faire chez des individus très polyvalents. Une fois ces pistes identifiées, les témoignages nous montrent que la reconversion, souvent précédée d'une formation, peut être assez fulgurante, à condition que les problèmes de santé soient résolus. Cela démontre deux choses : les capacités souvent ignorées que possède un ancien chef d'exploitation et l'attrait qu'il exerce chez les employeurs, avec des aptitudes reconnues de courage, de sérieux et d'autonomie.
UN CHOIX QUI RESTE TOUJOURS DIFFICILE
Les secteurs de reclassement sont variables. « C'est souvent par vagues. À une époque, beaucoup s'orientaient vers le transport ou les TP. Aujourd'hui, ils sont nombreux à trouver des postes dans le social ou le médical : infirmier, aide-soignant, moniteur dans les Esat ou les chantiers de réinsertion. Le savoir-faire des agriculteurs est aussi très apprécié dans les services d'entretien des entreprises et des collectivités. »
Il n'en reste pas moins que quitter une exploitation agricole est un choix difficile. « Cela chamboule tellement de choses et le parcours est souvent semé d'embûches », témoigne Sophie Duchesne, aujourd'hui aidesoignante. Tous, qu'ils soient en réflexion ou aient passé le cap, évoquent notamment le déchirement d'abandonner un patrimoine qui leur a été transmis, et souvent un métier qu'ils ont aimé mais qu'ils ne supportent plus, pour un tas de bonnes raisons.
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