CONTRACTUALISATION. CE QUI EST SUR LA TABLE

Accusées de vouloir intégrer les producteurs après la sortie de leur « clausier », les coopératives ont retiré de leur projet tout ce qui est relatif à l'agrofourniture. « C'était une erreur. Nous concentrons notre réflexion sur le couple volume-prix pour obtenir l'équilibre le plus fin possible entre les livraisons des producteurs et les débouchés du transformateur. »© STÉPHANE LEITEN BERGER
Accusées de vouloir intégrer les producteurs après la sortie de leur « clausier », les coopératives ont retiré de leur projet tout ce qui est relatif à l'agrofourniture. « C'était une erreur. Nous concentrons notre réflexion sur le couple volume-prix pour obtenir l'équilibre le plus fin possible entre les livraisons des producteurs et les débouchés du transformateur. »© STÉPHANE LEITEN BERGER (©)

Les discussions sur la création d'un cadre contractuel interprofessionnel achoppent sur la définition d'indicateurs de volume et de prix. Avec une date-butoir : le 31 décembre.

IL RESTE UN MOIS AUX TROIS FAMILLES interprofessionnelles pour dégager un consensus sur la contractualisation producteurs transformateurs. Les discussions vont bon train. Malgré tout, les pouvoirs publics jugent leurs avancées insuffisantes. Ils ont déposé un projet d'amendement dans la loi de finances 2010, qui imposerait la contractualisation dès le 1er janvier 2010. La FNPL, la FNCL et la FNIL n'apprécient pas cette tentative de passage en force (la FNPL demande son retrait). Elles jugent ce calendrier trop court pour clore les négociations. Du chemin doit être encore parcouru pour rapprocher les projets et obtenir un rapport de force équilibré.

Projet des coops. Interprofession forte

Les coopératives laitières (FNCL) défendent une interprofession forte, ancrage d'une nouvelle régulation laitière. Elle s'appuierait sur un guide de bonnes pratiques contractuelles auquel pourraient se référer les acteurs de la filière. Dans un souci de rapport « gagnant-gagnant », les coopératives sont prêtes à jouer la carte de la transparence que réclament les producteurs en termes de volumes, de prix, durée (minimum cinq ans) et conditions de rupture des contrats… Même s'ils suscitent du scepticisme dans ses rangs, la FNCL est partisane de volumes et prix différenciés reconnus par l'interprofession. Un volume A et un prix A seraient définis pour l'activité PGC de la laiterie. Un volume B et un prix B correspondraient au lait en excédent, transformé en produits industriels. Ce principe pourrait être mis en place avant la suppression des quotas. Les volumes A et B seraient alors déterminés à l'intérieur du quota. Afin d'obtenir un effet régulateur sur le marché, la FNCL réclame un cadre interprofessionnel à ce système. « Le Cniel publierait des indicateurs de volume et de prix, à la hausse ou à la baisse, pour le lait valorisé en PGC et des indicateurs de prix pour celui destiné aux débouchés de dégagement. » Il reviendrait ensuite à chaque transformateur de développer ou non les marchés concernés. « Si cette différenciation n'est pas acceptée, l'écart de valorisation entre les marchés A et B s'accentuera. »

Pour les coops, le dispositif sera complet si les contrats signés renvoient systématiquement à ces indicateurs. Cet effet multiplicateur aurait un impact régulateur sur les marchés. Le contrat serait l'aboutissement d'une construction de filière, et non la simple formalisation d'une relation.

Par ailleurs, la FNCL demande la création d'une commission d'examen qui serait saisie des pratiques abusives. Elle émettrait un avis, sans valeur juridique, qui permettrait malgré tout de résoudre les litiges.

Les avantages pour les producteurs : grâce au volume B, tout le lait produit est collecté par le transformateur. Le volume A apporte un prix A moins volatil. De même, des règles interprofessionnelles fortes exposent moins les producteurs à la pression des transformateurs. Les indicateurs fournis par le Cniel leur donneront les clés pour un meilleur pilotage des marchés et leur permettront de négocier plus facilement les volumes et les prix.

Ce que risquent les producteurs : le recours aux volumes B, payés moins chers, pour les marchés PGC. Cette absence d'étanchéité entraînerait une dégradation du prix A. Même en créant un système de contrôles interprofessionnels confidentiel, pourra-t-il vraiment éviter cet effet domino ?

Autre risque : les coopératives n'étant pas placées sur les marchés PGC les plus rémunérateurs, rien n'indique qu'elles garantiront un prix A élevé.

Projet des privés. Garder la liberté d'entreprendre

Même s'il existe des divergences entre les opérateurs, les industriels privés (Fnil) ne souhaitent pas globalement modifier le système de gestion des quotas tel qu'il existe en France jusqu'en 2015. Les marges de manoeuvre laissées aux 27 autorisent notre pays à geler la hausse annuelle de quotas de 1 % votée il y a un an. Suivant la conjoncture, les prêts de quotas en fin de campagne peuvent aussi être suspendus. Selon la Fnil, ces deux mécanismes sont suffisants pour créer un impact sur le marché. Pour l'après-2015, la majorité des entreprises rejette le principe de couples volumes prix différenciés proposé par la FNCL.

Plus fondamentalement, soucieux de préserver leur liberté d'entreprendre, les privés souhaitent discuter des volumes à produire, en dehors de l'interprofession, avec les organisations de producteurs représentatives au sein de chaque entreprise. « Qui mieux que les entreprises connaissent les besoins de leurs marchés ?», argumentent- ils. En revanche, pour le prix du lait, ils reconnaissent la nécessité d'un mécanisme national d'utilisation d'indicateurs de marché et le respect des accords interprofessionnels régionaux, sans être déconnectés du prix moyen européen.

La FNIL est favorable à un seul prix pour un seul volume, fixé à partir de leurs mix-produits. Elle est également favorable à la rédaction d'un guide de bonnes pratiques contractuelles et la création d'une commission d'examen. La FNCL et la FNPL espèrent que ces deux outils (reposant sur un consensus collectif) plutôt que la rédaction d'un contrat-type (juridiquement plus contraignant) favoriseront l'adhésion des industriels à une contractualisation plus aboutie. « Ils auront le sentiment d'avoir conservé leur liberté d'entreprendre. »

Les avantages pour les producteurs : dans les grands groupes laitiers aux mix-produits peu dépendants des produits industriels, les producteurs bénéficient d'un prix moyen stable, issu d'une mutualisation interne des différentes valorisations du lait. Signer un contrat avec ces groupes leur apporte une garantie quant à la pérennité de leur exploitation, surtout si elle est au coeur de leur collecte.

Ce que risquent les producteurs : en l'absence d'informations transparentes, les industriels peuvent, par exemple, proposer à leurs producteurs des volumes légèrement supérieurs à leurs besoins, ce qui entraînerait le prix du lait à la baisse. Le débat qui oppose producteurs et transformateurs sur la propriété des données est donc crucial. À qui appartiennent les données sur les volumes et la qualité du lait une fois celui-ci collecté : à l'entreprise qui l'a acheté ou aux éleveurs qui l'ont produit ? Un compromis serait que les producteurs autorisent dans le contrat leur laiterie à fournir leurs données à une structure capable de les globaliser.

Défi des producteurs. Créer un contrepoids

Si, au terme de leurs discussions, les trois familles attribuent à l'interprofession un rôle majeur dans la contractualisation producteurs- transformateurs, il ne trouvera sa pleine expression qu'avec un rapport de forces équilibré entre les deux parties. Ces conditions ne sont pas remplies aujourd'hui. La FNPL espère la mise en place d'une « organisation économique efficace des producteurs » qui jouera le contrepoids par rapport à leurs interlocuteurs industriels. Tandis que les intérêts majeurs des producteurs seraient défendus au Cniel, ces derniers regroupés dans des structures non syndicales négocieraient leurs applications par entreprise ou par région. L'exercice sera difficile. La première étape consistera à rassembler les producteurs sous une seule entité. Il faudra ensuite qu'ils lui donnent un mandat de négociation. La FNPL pousse à ce que la future loi de modernisation agricole conforte cette structuration. Le récent avis de l'Autorité de la concurrence va dans ce sens. Elle encourage les éleveurs à concentrer leur offre dans des organisations mais sans tomber dans le piège de l'entente. Elle leur conseille même de prendre en charge la collecte du lait. « Une modification de l'OCM unique permettant aux Associations d'organisations de producteurs (AOP) (NDLR : groupements ou coops de collecte en France) d'intervenir comme structure commune de vente pourrait être envisagée », écrit-elle.

Limite de l'exercice. Le droit de la concurrence

Plus largement, l'avis de l'Autorité de la concurrence bouscule le travail des trois familles interprofessionnelles pour des recommandations sur le prix du lait. Début 2009, les députés avaient voté un texte permettant aux interprofessions régionales « d'élaborer et de diffuser des valeurs qui entrent dans la composition du prix en s'appuyant sur des indices élaborés par le Cniel ».

L'Autorité rappelle que « de telles pratiques sont susceptibles de rester soumises aux règles européennes de la concurrence ». Un pavé dans la mare des discussions sur la contractualisation. Elle reconnaît malgré tout l'intérêt de cette démarche « dans le contexte de dérégulation que connaît le secteur laitier. C'est le rôle du Cniel de la favoriser ». Elle en précise les contours : une négociation des prix et volumes menée de « manière indépendante par chaque transformateur avec des producteurs regroupés » et sans concertation entre transformateurs.

De quoi mécontenter la FNPL qui rêve d'un Cniel fort pilotant les AOP, la FNCL qui refuse toute forme de regroupement séparé des coopératives et la Fnil qui veut des groupements maison.

CLAIRE HUE ET HERVÉ DE BÉARN

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies
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Herbe

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