COÛTS DE PRODUCTION : DE QUOI PARLE-T-ON ?

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Le coût de production est une notion encore peu connue des éleveurs laitiers qui mérite d'être mieux expliquée. Tout le monde ne semble pas d'accord sur sa définition ni sur sa méthode de calcul.

DEUX CENT QUARANTE EUROS, 310 €, voire 433 €/1 000 l, les chiffres qui circulent sur ce que coûte, en moyenne, la production d'1 l de lait varient beaucoup selon les sources : syndicats, centres de gestion, organismes agricoles… En pleine crise laitière, le coût de production est devenu un enjeu stratégique pour deux raisons. D'une part, il peut servir de base pour négocier le prix du lait. Ensuite, les éleveurs ont intérêt à maîtriser cet indicateur pour piloter leur atelier laitier puisqu'à l'avenir, le prix du lait risque de faire le Yo-Yo. Or, aujourd'hui, ils connaissent mal cet outil.

QUELLE EST SA DÉFINITION ?

Avant même de parler de chiffres, tout le monde n'est pas d'accord sur sa définition. Deux centres de gestion (Cogedis et les CER bretons) semblent sur la même longueur d'onde. Selon eux, ce terme désigne l'ensemble des charges opérationnelles (fourrages, concentrés, frais vétérinaires, d'élevage…) et de structures (mécanisation, bâtiments, frais financiers, cotisations sociales…) engagées pour produire un bien. Ce sont les charges telles qu'elles apparaissent dans le compte de résultats, amortissements compris. La différence entre le prix de vente et ce coût s'appelle le résultat courant de l'exploitation. « Sur vingt départements du grand Ouest, le coût de production s'élève en moyenne à 315 /1 000 l pour les clôtures du premier trimestre 2009 », déclare Michel Hobé, directeur technique à Cogedis. Sur une zone un peu différente, les CER bretons annoncent un chiffre équivalent à 309 €/1 000 l.

De son côté, l'Institut de l'élevage calcule également un coût de production, mais ce terme n'englobe pas les mêmes éléments. Il intègre tout ce qui est mis à disposition par le chef d'exploitation pour produire 1 l de lait (sa rémunération, celle des capitaux propres et le foncier en propriété). Ce coût équivaut à ce que les CER bretons et Cogedis appellent le prix de revient. Pour les clôtures du premier trimestre 2009, les CER bretons calculent un prix de revient de 422 €/1 000 l. Quant à l'Institut de l'élevage, le coût de production moyen de l'atelier laitier des exploitations laitières des Réseaux d'élevage en France, situées en zones de plaine, s'élève à 433 €/1 000 l en 2007.

COMMENT VENTILER LES CHARGES MIXTES ?

Le point le plus délicat du calcul du coût de production concerne l'affectation des charges mixtes. « Les exploitations ont rarement une seule production. Beaucoup ont des cultures de vente, des taurillons ou un atelier hors sol, en plus du lait. Nous sommes donc obligés d'utiliser des clés de répartition. Il y a plusieurs façons de procéder mais aucune méthode ne semble meilleure ni plus utilisée que l'autre », analyse Jean-Luc Reuillon, de l'Institut de l'élevage. Ces charges peuvent être réparties en fonction des hectares affectés à chaque production, des UGB, ou du temps d'utilisation d'un matériel sur un atelier… Par exemple, l'Institut répartit les frais de carburant et lubrifiant selon les hectares. Il considère que les surfaces implantées en cultures fourragères et cultures de vente consomment respectivement, 3,6 et 1,6 fois plus qu'un hectare d'herbe.

Autre situation : Cogedis affirme être plus précis dans sa méthode en calculant un coût de renouvellement du troupeau. « Les veaux font l'objet d'une cession interne à l'atelier de génisses. Lorsqu'elles vêlent, elles réintègrent l'atelier lait sous la forme de charges, tandis que les ventes des vaches de réforme sont déduites », précise Michel Hobé. Ce manque d'harmonisation entre les organismes complique la comparaison des chiffres.

À QUEL NIVEAU RÉMUNÉRER L'ÉLEVEUR ?

Une autre difficulté en terme de méthodologie est à soulever. Elle concerne la rémunération de ce qui est mis à disposition par le chef d'exploitation, en particulier son niveau de prélèvements privés. Le sujet est polémique et là encore, chacun a son propre barème. Par convention, l'Institut de l'élevage prend en compte une rémunération de 1,5 Smic par UTH, soit environ 12 500 € par an. « Au CER France 22 (Côtesd'Armor), nous indiquons le salaire moyen des catégories socioprofessionnelles, soit 20 800 par actif familial », déclare Laurent Marc, directeur des études de ce centre de gestion breton, tandis que Cogedis intègre 16 000 €/UTH.

En présence de plusieurs ateliers sur l'exploitation, il faut répartir cette rémunération entre les productions, et non uniquement sur le lait. Par ailleurs, ces barèmes ne se justifient que lorsque l'on souhaite établir des moyennes. Bien entendu, lorsqu'un éleveur demande à son centre de gestion de calculer ce coût de production ou son prix de revient (selon la définition retenue), ce sont ses chiffres réels qui sont pris en compte.

FAUT-IL LE COMPARER AU PRIX DU LAIT ?

L'une des erreurs fréquemment rencontrées est de vouloir comparer le coût de production ou le prix de revient au prix du lait. D'une part, la vente de lait n'est pas le seul produit de l'atelier laitier, puisqu'il y a aussi des ventes de réformes, de veaux de huit jours ainsi que les aides Pac. D'autre part, ces deux critères ne sont pas suffisants pour déterminer à quel prix doit être payé le litre de lait pour qu'un producteur honore ses engagements financiers et se rémunère. En effet, ces deux notions sont le fruit d'une démarche comptable qui traduit le niveau de rentabilité d'un atelier. « Ils servent à situer une exploitation par rapport à des moyennes, pour isoler les postes de charges qui dérapent, et à observer l'évolution des coûts », déclare Michel Hobé. Mais ces deux outils de gestion ne mettent pas en évidence les difficultés éventuelles de trésorerie.

Pour aller plus loin dans l'analyse, il convient de calculer un autre indicateur : le point d'équilibre. Il trouve sa pleine utilité dans le domaine du prévisionnel. C'est un raisonnement de trésorerie qui intègre tous les flux financiers de l'exploitation. Au lieu de prendre en compte les amortissements et les frais financiers des emprunts à long et à moyen termes, on retranche les annuités d'emprunts. De plus, cette fois-ci, toutes les rentrées d'argent de l'atelier laitier, autres que le lait, sont intégrées, c'est-à-dire les ventes de réformes et de veaux de huit jours (lorsque ces produits ne sont pas déjà pris en compte, comme le fait Cogedis) ainsi que les aides Pac. Dès lors, on peut comparer ce critère au prix du litre de lait. L'institut va également dans ce sens. « Nous calculons le point zéro, c'est-à-dire le niveau auquel l'éleveur couvre l'ensemble de ses charges, mais sans se rémunérer. Ensuite, il choisit lui-même son niveau de prélèvement privé et peut ainsi déterminer à quel prix son lait doit être payé », explique Jean-Luc Reuillon.

Pour les clôtures du premier semestre 2009, Cogedis chiffre à 327 €/1 000 l le point d'équilibre sur sa zone du grand Ouest. Sur la même période, le prix de vente moyen du lait dépasse légèrement 320 €/1 000 l. Ce prix n'est donc pas suffisant pour qu'en moyenne, les producteurs puissent faire face à l'ensemble de leurs charges et se rémunérer. Le quart supérieur de ces éleveurs s'en sort et semble même capable de dégager une trésorerie positive, puisque leur point d'équilibre atteint 270 €/1 000 l. Par contre, les producteurs situés dans la catégorie « les 25 % moins bons » sont dans le rouge. Ils perdent environ 70 €/1 000 l en moyenne sur douze mois. Un chiffre considérable qui laisse présager de grosses difficultés financières pour eux dans les mois à venir si le prix du lait ne remonte pas rapidement ou s'ils ne parviennent pas à comprimer leurs charges.

NICOLAS LOUIS

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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