GREVE : L'ESPOIR D'AVOIR FAIT BOUGER LES LIGNES

Les journées blanches.Des dizaines de tonnes à lisier épandant du lait devant les caméras : ces images fortes ont été un tournant qui a permis aux grévistes de remporter une victoire médiatique.© MARCEL MOCHET
Les journées blanches.Des dizaines de tonnes à lisier épandant du lait devant les caméras : ces images fortes ont été un tournant qui a permis aux grévistes de remporter une victoire médiatique.© MARCEL MOCHET (©)

La grève est suspendue. Reste l'espoir de voir la régulation faire son chemin à Bruxelles. Ce n'est pas gagné ! Autre constat : une minorité issue de la base a secoué le paysage syndical.

UNE PARTICIPATION QUASIMENT NULLE pour les antigrève, au moins 50 % pour l'Apli et l'OPL, les instigateurs de la grève. Sur le terrain de l'intox, match nul. Les chiffres sont invérifiables. D'ailleurs, que faut-il compter ? FranceAgriMer constate une collecte nationale en retrait de 11 % par rapport à 2008 pour la première semaine de grève. Mais nombreux sont ceux qui ont jeté leur lait deux ou trois jours avant de passer le relais à d'autres. Sans compter les sympathisants au mouvement qui ont participé à d'autres actions. Autre évidence, le mouvement a eu un réel impact dans le grand Ouest, ce que recherchaient les organisateurs. Au plus fort de la grève, Entremont a vu sa collecte chuter de 38 % sur un site breton durant une journée. Basse-Normandie, Nord, Rhône-Alpes, Sud- Ouest… ont enchaîné. Ailleurs en Europe, la grève a été moins suivie. Flop apparent en Allemagne (voir p. 8). Action individuelle par nature, la grève du lait a su s'exprimer dans un cadre collectif. Pendant deux semaines, les éleveurs, qui n'en peuvent plus de cette crise, se sont rassemblés. Syndiqués ou non, ils étaient nombreux à vouloir agir depuis déjà plusieurs mois pour obtenir une vraie régulation des volumes à l'échelle européenne. L'Apli leur a donné le cadre et l'exaltation nécessaire, le tout parfois emballé d'arguments utopiques dans la réalité de l'Union européenne d'aujourd'hui : 400 €/1 000 l dès janvier.

LES GRÉVISTES ONT SU TOUCHER LA POPULATION

Ces éleveurs ont démontré que la base peut s'organiser en dehors des instances traditionnelles. Localement, le durcissement du mouvement a parfois révélé des tensions entre les grévistes et les autres. Mais globalement, le mouvement aura recueilli la sympathie des non-grévistes devant le culot de ceux qui osaient jeter leur lait. Autre victoire des grévistes, ils ont su toucher la population et les élus. Au fil des dons de lait à la ferme ou sur les marchés, ils ont expliqué ce qu'ils voulaient : « Pas des subventions, mais un cadre qui nous permette simplement de vivre de notre métier ». Un message, certes un peu simpliste mais qui passe bien en période de crise.

Car le mouvement a remporté une victoire incontestable sur le plan médiatique. Les éleveurs n'oublieront pas l'émotion ressentie devant les images des centaines de tonnes à lisier épandant du lait en Belgique, au Mont Saint-Michel ou ailleurs. Ces actions ont été un tournant en mettant en scène la détresse et le combat des éleveurs. Elles ont interpellé aussi ceux qui ne croyaient pas à la grève au début. Est-ce cela qui a fait bouger les politiques, et en premier lieu, Bruno Le Maire ? Toujours est-il que jamais on n'aura vu un ministre aussi décidé à se faire le chantre de la régulation des marchés laitiers européens.

Quant à la FNSEA, force est de constater qu'elle est passée à côté de l'événement. Le syndicat majoritaire apparaissant retranché dans la défense de son hégémonie, en sort affaibli. La FNSEA a refusé d'admettre que certaines revendications de l'Apli et de l'EMB (davantage de régulation) étaient proches des siennes, et que l'unité des éleveurs autour de cet objectif aurait pu peser lourd. Des éleveurs encartés à la FNSEA n'ont pas compris cette opposition frontale exprimée par leurs leaders dès le lancement de la grève. Le syndicat majoritaire n'a cessé de dénigrer le mouvement, sans comprendre que la nature des actions donnait aux laitiers une écoute bien supérieure à celle qu'il a lui-même obtenue. Jamais les syndicats minoritaires n'avaient été aussi entendus rue de Varenne que ces dernières semaines.

Jean Michel Lemétayer relativise : « La FNSEA serait en difficulté s'il n'y avait qu'une production » (NDLR : le lait), et argumente sur le fait qu'il a le soutien de toutes les autres. Le 16 octobre sera le jour de Sa contestation. Après cette grève, ce sera aussi un test grandeur nature pour son aura dans les régions laitières.

CONCRÈTEMENT RIEN N'A ÉTÉ OBTENU

Difficile cependant de crier victoire pour les grévistes. Car concrètement, rien n'a été obtenu et surtout pas l'assurance d'une hausse immédiate du prix du lait. La volonté européenne de libéraliser totalement le secteur laitier a sans doute du plomb dans l'aile. Mais est-elle morte ? Déjà, le score des libéraux lors des élections législatives du 27 septembre en Allemagne n'est pas de bon augure.

L'Apli et l'EMB attendent beaucoup de la réunion des ministres de l'Agriculture à Bruxelles, le 5 octobre. Il ne s'agira en fait que d'un déjeuner informel où nous pouvons parier qu'aucune décision concrète ne sera prise. Au mieux, les ministres donneront à la future Commission des orientations et un calendrier afin de trouver de nouveaux outils de régulation. On peut imaginer une modification de l'OCM lait qui donnerait, aux États membres qui le souhaitent, un cadre juridique permettant de contractualiser sur un volume et un prix entre producteurs et transformateurs. On est loin d'une régulation européenne au sens où l'entendaient les grévistes.

D'ailleurs, qui, dans l'UE à 27, le souhaite vraiment ? Le talent diplomatique de Bruno Le Maire n'a-t-il pas masqué la réalité politique de l'Europe. La crise n'est pas terminée. Reste à savoir si le mouvement peut reprendre, en cas de déception le 5 octobre.

LA RÉDACTION

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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