« Je ne suis pas sûr de survivre à la crise »

Un éleveur de Normandie a accepté de témoigner de ses difficultés à visage couvert. Il n'a plus aucune lisibilité sur l'avenir de son entreprise.© C.M.
Un éleveur de Normandie a accepté de témoigner de ses difficultés à visage couvert. Il n'a plus aucune lisibilité sur l'avenir de son entreprise.© C.M. (©)

Déjà fragilisé par un problème sanitaire, un jeune éleveur laitier de Normandie espère pouvoir toucher 6 000 € d'aide. Une paille vu ses difficultés de trésorerie.

Dans cette crise qui s'enlise pour le premier semestre 2016, rares sont les agriculteurs témoignant publiquement de leurs difficultés. Un jeune éleveur laitier accepte de le faire mais de façon anonyme afin, dit-il, « d'épargner [ses] soucis d'argent à [ses] proches, notamment [ses] parents auxquels [il a] repris l'exploitation il y a une dizaine d'années ». Cet éleveur, que nous appellerons Luc, a 30 ans et pilote seul 500 000 litres de lait en traite robotisée depuis le début des années 2010. En cause de ses difficultés actuelles, le prix du lait bien sûr, mais aussi un accident sanitaire sur le troupeau. « J'ai eu des problèmes d'élevage qui m'ont plombé pendant deux ans. J'ai trouvé la solution, mais trop tard. Lorsque la crise est arrivée, j'étais déjà fragilisé. » L'objectif d'EBE de l'exploitation est de 90 000 à 95 000 €/an, seuil nécessaire pour espérer dégager un revenu, mais surtout rembourser des investissements importants.

« Je n'ai pas atteint mon objectif d'EBE depuis 2011 »

« En 2010-2011, la ferme tournait bien, ce qui m'a poussé à investir. Mais depuis 2011, je n'ai jamais atteint l'objectif d'EBE », retrace Luc. Pour 2015, la ferme a dégagé un EBE prévisionnel de 55 000 € dont 20 000 € affectés à un autre atelier. « Fin septembre, j'ai déposé un dossier pour solliciter le FAC (Fonds d'allégement des charges) dans le cadre du plan de soutien à l'élevage. Je clôture mes comptes au 31 décembre et le dossier m'a été retourné en novembre car je devais établir un EBE prévisionnel sur la période 2015. J'ai complété et renvoyé mon dossier. Normalement, je réponds aux critères. Au mieux, je pourrais récupérer 4 000 € d'intérêts d'emprunts. J'attends toujours la réponse. » Une autre possibilité était de restructurer la dette via la Banque publique d'investissement. Luc a jugé le système trop onéreux par rapport à une assurance classique. En outre, il avait déjà commencé à restructurer sa dette en mai 2015. « Je sentais les difficultés venir. J'espérais aussi profiter des taux plus bas. »

« Il a manqué 25 000 € sur l'exploitation en 2015 »

Parallèlement, l'éleveur a sollicité la prise en charge partielle de ses cotisations MSA. « Une prise en charge de 500 € que je n'avais pas encore réglés est acceptée pour 2015 et 1 500 € pour 2016. Avec le FAC et la MSA, je peux espérer au maximum 6 000 €. Il a manqué 25 000 € sur l'exploitation en 2015. »

Luc ne baisse pas les bras. « J'aime mon métier. Je vais tout faire pour m'améliorer techniquement mais je ne suis pas certain de survivre à cette crise. Pourtant, la filière dégage toujours autant d'argent. On a perdu la guerre avec les laiteries en 2009. Il aurait fallu maintenir la grève du lait. Elles auraient été obligées de craquer. »

CAMILLE MICHEL

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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