Une vache aveugle après une mammite

Un dimanche d’astreinte, je suis appelé par un éleveur,­ car une vache soignée par mon collègue pour mammite de grade 3 (dite « colibacillaire ») est brusquement­ devenue aveugle­ le matin même et se cogne partout.

La vache a été soignée trois jours plus tôt, car elle souffrait d’une mammite dans le quartier avant droit avec hyperthermie, atteinte de l’état général et impossibilité de se relever. Mon collègue l’a soignée à l’aide d’une perfusion, d’un anti-inflammatoire et d’un antibiotique adaptés.

Il existe de nombreuses causes de cécité

Après douze heures passées couchée, la vache s’est relevée et a retrouvé l’appétit.

Puis brutalement, l’éleveur, qui voulait amener la vache au robot pour se faire traire, constate qu’elle est aveugle et se cogne partout. Il m’appelle donc pour savoir que faire, en me précisant que la vache est de nouveau en hyperthermie. La cécité chez une vache adulte ayant de nombreuses causes possibles, un examen vétérinaire­ s’impose.

Je me rends au chevet de la vache. À l’examen à distance, la vache paraît en bon état, elle ne bave pas plus que la normale, les oreilles sont portées de manière symétrique, aucun des deux yeux n’est plus fermé que l’autre. La vache ne tourne pas en rond et ne reste pas coincée dans un coin. On remarque cependant que son regard est suspect, et on note que ses paupières sont légèrement fermées­.

Un diagnostic d’uvéite bilatérale est établi

L’examen plus poussé révèle une rougeur des deux yeux, une absence bilatérale du réflexe de clignement à la menace. L’observation de l’œil à la lampe de poche ne permet pas de voir le cristallin car la pupille est masquée par un dépôt opaque, de couleur blanche à jaunâtre (hypopion).

La température rectale est de 39,6 °C, l’auscultation cardio-respiratoire ne révèle pas d’anomalie. Les deux quartiers mammaires arrière ont un lait d’aspect modifié. Face à ces symptômes, un diagnostic­ d’uvéite bilatérale est établi. C’est une affection rare chez les bovins adultes et aucun traitement spécifique n’existe dans la pharmacie vétérinaire­ bovine.

Le traitement repose sur les connais­sances générales­ des causes d’uvéite­ et associe un antibiotique injectable, un anti-inflammatoire et une pommade antibiotique par voie oculaire.

L’origine de cette affection oculaire­ est le passage­ dans le sang de bactéries­ de la mammite soignée­ trois jours plus tôt.

Ces bactéries ont ensuite atteint les deux yeux et engendré­ l’infection.

La pupille est de nouveau visible

Vingt-quatre heures plus tard, je retourne voir la vache. L’éleveur m’indique immédiatement que la vache semble avoir recouvré la vue et qu’elle mange seule. Je l’examine une nouvelle fois : la pupille est à présent visible, et la lumière peut atteindre la rétine. La vache voit de nouveau­.

Le traitement est poursuivi tel que prescrit initialement, pour une durée de cinq jours.

La vache récupère totalement en une semaine.

Face à une vache qui semble être aveugle, l’origine peut être oculaire mais aussi neurologique (carence en vitamine B1, méningite, cétose de forme nerveuse, etc.).

Aussi un examen clinique complet réalisé par un vétérinaire est nécessaire, afin d’adapter le traitement (antibiothérapie, apport de vitamine B1, correction de la cétose, etc.) et permettre une récupération rapide, avec un coût raisonnable grâce à un usage ciblé des médicaments.

Florian Spieser, vétérinaire en Meurthe-et-Moselle