Le dactyle, bête noire des prairies multi-espèces

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Entre le démarrage en végétation du dactyle et le début de son épiaison, il s'écoule au maximum un mois et demi. (© THIERRY PASQUET)

Dans les régions au nord de la Loire, le dactyle est conseillé en association simple avec une légumineuse. Trop agressif, il colonise les prairies multi-espèces. Les derniers essais le confirment encore.

La réputation du dactyle n’est plus à faire. La graminée est productive et résistante à la sécheresse, mais... agressive, au point d’étouffer les espèces prairiales voisines. « Grâce à son système racinaire puissant, il est capable de descendre au-delà du mètre de profondeur pour aller chercher l’eau, alors que celui du ray-grass anglais reste en surface », explique Patrice Pierre, de l’Institut de l’élevage (Idele). L’évolution des mélanges multi-espèces testés depuis 2022 dans cinq stations expérimentales du Grand Ouest et de l’Indre (1), aux conditions pédoclimatiques variées, le montre une nouvelle fois. Le dactyle y est semé avec du ray-grass anglais (RGA), de la fétuque élevée, des trèfles blanc et violet et de la luzerne. À la station de Mauron (Ille-et-Vilaine) et à celle des Bordes (Indre), le décorticage en 2022 et 2023 des différentes graminées dans les essais illustre bien son pouvoir d’occupation de l’espace. « Le dactyle a colonisé les prairies multi-espèces. De 20 % en moyenne en 2022 sur les deux sites, année de la première exploitation, il est passé à 49 % aux Bordes en 2023 et à 62 % à Mauron»

Associer le dactyle avec seulement une légumineuse

Pourtant, son agressivité a été prise en compte au semis avec deux leviers. Le premier : une dose de semences limitée à 12 % de la dose totale (3 kg sur 25 kg/ha). Le second, testé dans trois mélanges expérimentés à Mauron et aux Bordes : un démarrage en végétation plus ou moins rapide via les trois variétés Archibaldi, Tardi et RGT Veraly que le spécialiste des prairies a choisies (voir l’infographie, page 36). « Celui un peu lent des deux premières atténue celui rapide de RGT Veraly. » Elles sont incorporées à hauteur de 1 kg/ha chacune pour respecter les 3 kg de dactyle au semis. Les trois autres mélanges de Mauron et des Bordes comprennent uniquement RGT Veraly. Pour Patrice Pierre, les variétés de dactyle inscrites au catalogue français sont la principale explication à la colonisation des prairies multi-espèces par le dactyle (lire l’encadré page suivante). « Elles ne sont pas conçues pour être associées à six ou sept autres espèces prairiales, estime-t-il. Leur agressivité illustre la sélection de cultivars sur un caractère très productif. Cela se traduit par des cycles de végétation plus courts que ceux des variétés de ray-grass anglais et de fétuque élevée disponibles sur le marché français. » Dans l’ouest et le nord de la France, que ce soit en pâturage ou en fauche, l’idéal est un retour sur les parcelles tous les quinze jours, et pas au-delà de dix-huit jours, pour empêcher l’espèce de prendre de l’ampleur. Cette rotation rapide est compliquée à gérer car elle ne correspond pas au comportement des autres graminées qui lui sont associées.

Des mélanges à la fois multi-espèces et multi-variétés pour stabiliser les rendements

En l’état actuel des profils de dactyle vendus en France, Patrice Pierre recommande au nord de la Loire des associations simples dactyle + trèfle blanc pour respectivement 18 à 20 kg/ha et 3 kg/ha de semences, dactyle + trèfle violet (15 à 20 kg/ha et 5 kg/ha) ou dactyle + luzerne (5 à 8 kg/ha et 15 à 18 kg/ha). «Le dactyle participe à la robustesse des systèmes fourragers. En plus de sa productivité, il résiste au temps chaud et sec et montre une très bonne capacité de repousse en période automnale. Il fait partie des leviers d’adaptation des prairies au réchauffement climatique. »

Néanmoins, étudier spécifiquement le comportement du dactyle n’est pas le premier objectif des essais menés sur les cinq sites expérimentaux depuis 2022. C’est en fait de « tester des mélanges à la fois multi-espèces et multi-variétés par espèce capables de s’adapter aux changements climatiques ». Depuis plus de dix ans, les prairies multi-­espèces (PME) sont reconnues comme produisant en moyenne 1,5 tonne de MS/ha/an de plus que l’association RGA + trèfle blanc, cela quelles que soient les conditions du milieu. Les dates variées d’épiaison des graminées et de floraison des légumineuses échelonnent les périodes de croissance et fournissent des valeurs alimentaires plus régulières. Leurs morphologies et leurs comportements différents permettent aux prairies de mieux s’adapter aux conditions du milieu (vitesse d’implantation, vigueur au démarrage, port dressé ou couvrant, résistance à la sécheresse, etc.).

L’Idele, les chambres d’agriculture de l’Ouest et Arvalis vont plus loin et mettent à l’épreuve des spécificités pédoclimatiques des cinq sites les résultats de l’Inrae de Lusignan (Vienne) sur l’assemblage de plusieurs variétés par espèce (diversité génotypique). « L’institut de recherche met en évidence trois points. Le premier montre que les prairies multi-espèces multi-variétés résistent mieux au stress hydrique que les PME mono-variétés – leur rendement varie moins d’une année sur l’autre – ; le deuxième que leur diversité génotypique ne l’augmente pas ; le troisième que la proportion des espèces dans ces mélanges reste stable d’une année sur l’autre », résume Baptiste Berthelot, dans son mémoire de fin d’études à l’École des agricultures d’Angers publié en septembre dernier. Les deux années de suivi des prairies confirment les deux premiers points. À cause du dactyle, le troisième ne l’est pas. Les huit derniers mois très pluvieux auront-ils un effet sur l’évolution de leur composition ? Rendez-vous en 2025 pour le savoir.

(1) Les essais sont conduits sur les fermes expérimentales de Derval (Loire-Atlantique), de Mauron (Morbihan), de Trévarez (Finistère), des Établières (Vendée) et des Bordes (Indre).

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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