Régénérer ses prairies permanentes en sursemant un méteil

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« Après 25 ans d’agriculture conventionnelle, nous avons réappris le métier en investissant dans la matière grise. » Le 19 octobre, Luc et Fabienne Friconneau, de l'EARL La Pierre Plate, en Vendée, accueillaient sur leur ferme le Civam-Grapea de Vendée pour une journée consacrée à la prairie céréalière. (© N.TIERS)

L’EARL La Pierre Plate, en Vendée, ne détruit plus ses prairies fatiguées. Elles sont seulement travaillées à la bêche roulante avant un sursemis de mélange céréalier. En plus d’apporter du fourrage, celui-ci recrée de la porosité dans le sol et relance la production d’herbe.

«Nous avons pratiqué pendant vingt-cinq ans une agriculture conventionnelle, intensive, avec un chargement de 2 UGB par hectare, du labour, de l’ensilage d’herbe, du maïs et du blé. Mais nous avons arrêté ça, car le portefeuille était percé ! Nous avons investi dans la matière grise, les formations. Nous avons réappris le métier et nous nous sommes convertis à la production biologique en 2009. »

Désormais, les terres de Luc et Fabienne Friconneau sont à 100 % en herbe. Le chargement a chuté à 0,7 UGB/ha et la production laitière à 5 000 litres/vache, tandis que la marge brute de l’exploitation se classe parmi les meilleures du centre de gestion Cogedis en production laitière bio (460 €/1 000 l en 2022).

À l’EARL La Pierre Plate, à Saint-­Florent-des-Bois, près de La-Roche-sur-Yon, en Vendée, les prairies constituent aujourd’hui un couvert permanent. «En passant en bio, donc sans herbicide, la prairie redémarrait malgré une destruction au combiné décompacteur plus rotalabour pour implanter une céréale, raconte Luc Friconneau. Nous récoltions de 30 à 35 quintaux de céréales et nous pouvions faire pâturer derrière : ce n’était pas si mal ! »

Réactiver la vie biologique

À partir de 2015, l’éleveur investit dans une bêche roulante Compil de Duro, détruisant le couvert à environ 50 % tout en préservant le système mycorhizien (travail du sol alvéolaire plutôt que linéaire). Il ne cherche plus à détruire ses prairies. Quand l’une d’elles est fatiguée, elle est travaillée avec un passage de bêche roulante. Puis un semis direct de mélange céréalier est réalisé dans la foulée avec un semoir Unidrill. «Parfois même, j’attelle un semoir à l’avant du tracteur pour semer à la volée juste devant la bêche roulante, confie Luc Friconneau. Cela permet de travailler trois hectares à l’heure, contre deux hectares avec l’Unidrill. » Dans la trémie du semoir, du seigle, de l’avoine, de l’épeautre, mais aussi du pois, de la vesce, de la féverole : un méteil en somme. «Je produis du lait sans concentré issu de grains, explique l’éleveur. Ce qui m’intéresse, c’est de régénérer ma prairie en lui permettant de se reposer pendant six à douze mois sans animaux, mais en présence du mélange céréalier. Le système racinaire de celui-ci va décompacter le sol, recréer de la porosité, réactiver la vie biologique. Derrière, avec notamment les turricules de vers de terre agissant comme un engrais starter, la prairie repart et nous pouvons à nouveau faire plusieurs tours de pâturage. »

Dans cette prairie visitée le 19 octobre, un mélange d’avoine, seigle, pois et vesce a été semé en direct le 20 août. Avec une présence importante de carotte sauvage, plantain et achillée notamment, la productivité de cette parcelle dédiée au pâturage des génisses était devenue faible. (© N.TIERS)

Selon les cas (besoins alimentaires, conditions météo, domination du méteil ou de la prairie), le mélange céréalier est exploité de différentes façons au printemps : pâturage, enrubannage, foin. La valorisation en grains est secondaire : elle est réalisée quand cela est possible pour produire de la semence, mais jamais pour nourrir les animaux ni pour la commercialisation. « La prairie et le mélange céréalier mangent au même endroit, illustre Luc Friconneau. On ne sait pas à l’avance qui va gagner entre les deux, sauf si on utilise une dose importante pour le semis de céréale, autour de 200 kg/ha. Il faut donc être opportuniste concernant la récolte, en fonction de l’état des deux cultures. Même après plusieurs tours de pâturage, il est possible de récolter le méteil en grains sans impact sur son rendement. En revanche, on récolte peu de paille. » Si la prairie céréalière ne réintègre pas le cycle de pâturage au printemps, dans l’objectif d’être récoltée en grains, l’éleveur réalise alors une « paille de bouche » très appétente, composée à la fois des tiges de céréales et des repousses de prairies.

Dans cette seconde prairie, après la récolte en enrubannage le 5 octobre d’un mélange sorgho + trèfle de Micheli semé le 24 juin, puis l’apport de 12 tonnes de fumier composté à froid, un mélange avoine pois vient d’être semé à l’Unidrill après un passage de bêche roulante. « Deux pâturages d’hiver ont abîmé cette prairie, souligne Luc. Mais il y a encore du trèfle, et à mon avis, ce sera le top en enrubannage. » (© N.TIERS)

Pour estimer si une prairie a besoin d’être régénérée, Luc Friconneau surveille les trous de végétation et les plantes bio indicatrices de dysfonctionnements et/ou déséquilibres. Par exemple, « les fleurs jaunes révèlent en général un manque d’air en surface et donc un sol compacté », illustre-t-il.

Environ 30 ha de mélange céréalier sont ainsi implantés chaque année sur la ferme. Le semis est effectué en juillet-août, ou à partir de fin octobre à novembre, à des périodes où la prairie se met au repos. En septembre-octobre, son redémarrage peut compromettre la réussite du sursemis de méteil. Le passage à la bêche roulante avant le semis a vocation à amplifier le ralentissement de la prairie ; un surpâturage peut aussi être utile pour la fatiguer. Toutefois, un semis en juillet oblige parfois l’agriculteur à réaliser un enrubannage dès octobre si le seigle et/ou l’avoine sont trop avancés avant l’hiver.

Ressemis naturel des espèces prairiales

Luc Friconneau achète de temps en temps des semences prairiales (fétuque des prés, trèfles d’Alexandrie, de Micheli, ou incarnat) pour les ajouter au mélange céréalier. Mais, le plus souvent, il se contente du ressemis naturel de ces espèces dans la parcelle. En cas de récolte en grains à la moissonneuse-­batteuse, il règle la ventilation en fonction de sa volonté d’avoir ou non des semences prairiales dans son mélange céréalier.

« Toutes les espèces de nos prairies ne sont pas forcément propices à la production laitière, reconnaît Luc Friconneau. Mais certaines, comme la houlque laineuse, sont favorables à la santé des vaches. Nos parcelles sont constamment en prairie, avec trois ou quatre compositions d’herbe différentes selon les saisons. C’est comme si nous faisions une rotation de cultures dans l’année ! En fonction du taux de glucose de l’herbe que je mesure presque chaque jour au réfractomètre Brix, j’ajuste si besoin la ration en arrosant le foin avec de la mélasse. »

À voir également, sur la chaîne YouTube de la Fédération régionale des Civam Pays de la Loire, la vidéo « Pourquoi-Comment implanter des céréales dans ses prairies », février 2023.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

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