« Je n’hésite pas à investir dans la ration »

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Selon Jean-François Destombes, éleveur dans le Nord, "la volonté d'intensifier la production laitière commence par la qualité de la ration de base". (© J.Pezon)

Un pilotage intensif de la complémentation en ration semi-complète permet au Gaec Chombart Destombes de produire plus de 900 000 litres avec un robot de traite. Une performance qui repose en amont sur une grande rigueur à toutes les étapes.

Dans le département du Nord, à Bry, tout près de la frontière belge, les 82 vaches en traite robotisée du Gaec Chombart Destombes ont produit pas moins de 911 810 kg de lait à 38,5 de TB, 31,8 de TP et 125 000 leucocytes lors de la campagne écoulée, sur une seule stalle Lely A3. En parallèle 120 vaches sont conduites en salle de traite dans un second bâtiment, dans l’attente d’un regroupement de troupeau.

Cette performance traduit la volonté de maximiser la productivité laitière pour rentabiliser les investissements, en profitant de la liberté accordée par sa coopérative (Laitnaa) sur les volumes livrés. « L’objectif est de saturer la stalle et d’intensifier la production dans un bâtiment limité en place et en raison d’une surface fourragère également limitée. Pour cela, je n’hésite pas à investir dans la ration », explique Jean-François Destombes.

Une ration semi-complète équilibrée en azote

Pour répondre à l’enjeu de l’intensification, l’éleveur a adopté une stratégie de complémen­tation individuelle hors des sentiers battus. « L’idée est que les vaches disposent toujours d’une ration à l’auge équilibrée et à volonté. » Classiquement, en effet, l’alimentation en traite robotisée prévoit une ration semi-complète déséquilibrée, c’est-à-dire déficitaire en azote. Or c’est ce déséquilibre qui incite les vaches à venir librement à la traite.

Cependant, avec un troupeau à plus de 11 500 litres de lait sur une stalle saturée, le temps de traite disponible pour faire consommer tous les concentrés au robot devenait un facteur limitant, compte tenu d’une ration à l’auge équilibrée autour de 30 litres de lait. D’où l’option qui consiste à mettre tout le correcteur à l’auge et à distribuer au robot deux concentrés et un tanné de production pour couvrir les besoins de vaches à plus de 50 litres. Dans un premier temps, le rythme de distribution au robot est modulé en trois phases, afin de permettre l’expression du pic de lactation jusqu’à la reprise des pleines capacités d’ingestion 120 jours après vêlage (voir l'infographie ci-dessus). Ensuite, les apports accompagnent plus strictement la production individuelle, dans une logique de maîtrise des coûts. La consommation de concentrés s’élève ainsi en moyenne à 4,8 kg/vache/jour, dont 2,7 kg d’une VL 2,5 litres à 22 % de MAT et 6 % de MG + 0,9 kg de concentré tanné de façon à assurer un flushing azoté en début de lactation et 0,7 kg d’un aliment starter, l’équivalent d’une VL haut de gamme enrichie en matières grasses by-pass à 18 % de protéines.

Des fauches très précoces en première intention

L’éleveur participe par ailleurs à des essais sur l’apport de microdoses de levures vivantes. Cet additif vise à soutenir l’effi­cacité digestive en début de lactation, dans un bâtiment où les places disponibles n’ont pas permis jusqu’à aujourd’hui de concevoir un espace dédié à la préparation au vêlage. Là encore, la dose est ajustée en fonction du niveau de production (lire l’encadré, page 40).

Mais la complémentation fine du troupeau n’est que la partie immergée de l’iceberg, « tout commence par la qualité des fourrages ». La ration à l’auge repose sur le triptyque : maïs, pulpe surpressée et enrubannage. Afin d’améliorer le rapport épis-plante, le maïs est semé à faible densité (90 000 pieds/ha), avec un objectif de 36 à 37 % de MS à la récolte pour optimiser la teneur en amidon. L’accès aux pulpes de betterave surpressée contribue à renforcer la densité énergétique de la ration de base sans dépasser le seuil de 25 % d’amidon. Les 12 ha d’herbe de l’assolement sont fauchés en première coupe, avec un préfanage systématique (de 50 à 60 % de MS). Il s’agit ici de coupes précoces, voire très précoces – c’est-à-dire avant le stade deux nœuds souvent préconisé –, malgré des rendements qui n’excèdent pas 2,5 à 3 t de MS/ha. Résultat : un fourrage qui dose actuellement 1,01 UFL et 19,4 % de MAT, associé à de l’enrubannage de luzerne à 0,83 UFL et 24,2 % de MAT. « Ces deux fourrages riches en azote soluble, même s’ils sont distribués en faible quantité, permettent de corriger la ration de base avec seulement 2 kg d’un correcteur soja-colza », souligne Guillaume Crepel, responsable technique et accompagnement des élevages équipés de robots de traite d’Avenir Conseil Élevage.

Fourrages. La ration de base, distribuée une fois par jour, repose sur le triptyque maïs, pulpe, herbe, avec 2 kg de tourteau soja/colza, complété par 4,8 kg de concentré de production en moyenne au robot de traite. (© J.Pezon)

Une marge sur coût alimentaire entre 8,6 et 10,4 €

La ration de base se compose actuellement de 14,5 kg de maïs ensilage + 1,8 kg de pulpe surpressée + 1,6 kg d’enrubannage de prairie permanente + 2,5 kg d’enrubannage de luzerne + 2 kg de tourteau soja-colza. Elle pâtit d’un maïs 2022 récolté à plus de 45 % de MS, dont la faible digestibilité pénalise une ration équilibrée à seulement 24,2 kg de lait, au lieu des 30 kg visés. Malgré cet aléa, dans un contexte de prix du lait favorable, la marge sur coût alimentaire affiche, depuis le mois de janvier, des valeurs comprises entre 8,60 et 10,40 €/vache/jour, avec une production moyenne de 34,6 litres de lait.

Parallèlement, la programmation stricte des autorisations de traite est nécessaire pour assurer une fréquentation moyenne du robot de 2,3 traites par vache par jour : le nombre de passage est limité à 3,3 traites par jour, avec une production de 15 litres par traite. L’accès à 2 ha de parcours herbager via une porte de tri est autorisé uniquement lorsqu’une vache a atteint 80 % de ce potentiel sans être repassée à la traite. La fluidité de la circulation découle également d’une vitesse de traite de 3,6 litres par minute, liée à la génétique et à la pression dans la mamelle. Sans oublier de repousser chaque jour les vaches retardataires. Enfin, un tank tampon assure un fonctionnement de la traite sans temps morts au moment du ramassage du lait et du lavage du tank principal.

Au-delà de l’approche alimentaire, c’est la rigueur et le savoir-faire des éleveurs qui permet l’expression du potentiel du troupeau dans un contexte de stalle saturée. « Au quotidien, c’est beaucoup de main-d’œuvre », admet Jean-François.

Un stade moyen de lactation de 5,2 mois

Citons d’abord la réussite de la mise à la reproduction qui se traduit par un IVV (intervalle vêlage-vêlage) de 364 jours et un stade moyen de lactation de 5,2 mois garant d’une bonne efficacité de la ration, grâce à des vaches jeunes en lait. Les logettes équipées de matelas sont nettoyées deux fois par jour et chargées de 700 g de sciure, complétée par un complexe de bactéries lactique pour la prévention des infections mammaires liées aux inévitables pertes de lait de vaches hautes productrices. Facteur déterminant d’une bonne fréquentation, la santé des pattes n’est pas laissée au hasard. Formés et équipés, les éleveurs font un parage systématique au moment du tarissement et interviennent dès les premiers signes d’inconfort en cours de lactation.

Heureusement, depuis un an et demi, Jean-François Destombes peut s’appuyer sur ses deux associés. L’EARL est devenue Gaec à la suite de l’installation de son fils Corentin et du regroupement de troupeau avec son cousin Thierry ­Chombart, qui est prévu début 2024 à l’issue des travaux d’agran­dissement de la stabulation.

De 75 vaches traites sur 64 ha, le troupeau va passer à 200 vaches sur 194 ha de SAU, avec trois robots de traite. « Il sera alors difficile de maintenir la même productivité avec 200 vaches. En revanche, l’agrandissement permettra de travailler avec des stalles moins saturées, de prévoir une aire de préparation au vêlage ou encore d’intégrer davantage d’herbe dans l’assolement. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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