
Dans un système d’élevage bio, avec vêlages groupés de printemps, l’introduction dans la rotation de mélanges à base de luzerne a permis de maintenir le pâturage du troupeau pendant toute la saison estivale.
Dans le département de la Somme, à Éplessier, l’exploitation de Benjamin et Raphaël Delva (associés dans le Gaec Ferme du Rivetin) est certifiée bio depuis novembre 2017. Sur des sols argilo- limoneux de bon potentiel agronomique, malgré quelques zones de terres « à silex », les éleveurs ont fait le choix d’évoluer vers un système pâturant associé à des vêlages groupés de printemps, avec un troupeau qui compte actuellement 150 vaches 80 % holsteins, 10 % jersiaises, 10 % croisées (holstein x jersiaise x rouge scandinave). Accompagnés par la société Pâturesens, ils ont mis en route, cette année, un bâtiment au cœur d’un bloc d’herbe de 40 ha et 15 ha de luzerne. Un bâtiment constitué d’une salle de traite de 20 postes réversibles, de 70 places en aire paillée et 180 places au cornadis et de box de vêlages.
« Pour la première fois cette année, tous les vêlages ont été concentrés sur une seule période allant du 5 février à mi-mai, indique Raphaël. L’objectif est de parvenir à tous les grouper sur trois mois et même de tendre vers deux mois. C’est pourquoi le troupeau s’oriente vers davantage de croisements, avec des animaux mieux adaptés à cette pratique. Nous profitons aussi du mode paiement du lait de notre coopérative (Lact’Union) qui n’applique pas de saisonnalité sur le lait de printemps. » Ici, la luzerne ensilée contribue à sécuriser les stocks fourragers pour l’hiver. Elle est implantée en association avec une graminée afin d’accroître sa longévité, de limiter le salissement et de renforcer la densité du couvert. « C’est une plante bien adaptée à nos conditions et indispensable à notre système d’alimentation. L’enjeu est de la faire pâturer, pour prolonger la saison de pâturage et ainsi réduire au maximum le besoin de stocks. »
Avec du trèfle pour sécuriser la première coupe d’ensilage
Les éleveurs préparent eux-mêmes le mélange à semer. La base comprend de 23 à 25 kg/ha de luzerne Luzelle. Il s’agit d’une variété flamande adaptée au pâturage, grâce à la sélection sur son port étalé qui lui permet de mieux tolérer le piétinement et à des tiges fines plus favorables à l’ingestion. Le cahier des charges bio implique cependant de limiter son utilisation à 20 %. En complément, les éleveurs utilisent des semences certifiées bio, privilégiant des variétés à tiges fines avec 1,5 à 2 kg/ha de fétuque à feuilles souples + 1,5 kg de trèfle blanc à grosses feuilles (Alice) + 0,5 kg de plantain. « Le trèfle blanc, avec parfois un peu de RGA dans le mélange, apporte du sucre, ce qui facilite la conservation de l’ensilage. Il prend aussi le relais dans des zones où la luzerne peine à s’implanter. Nous ajoutons en outre parfois au mélange 4 kg/ha de trèfle d’Alexandrie pour optimiser la toute première coupe d’ensilage. »

Du pâturage en alternance pour prévenir la météorisation
Dans la rotation, le mélange est semé derrière une céréale, entre le 15 août et le 10 septembre au plus tard. « Le couvert doit atteindre une hauteur de 6 à 7 cm avant les premières gelées, rappelle l’éleveur. L’intérêt, par rapport à des semis de printemps, est de pouvoir faire une exploitation de 7 à 8 tonnes de MS dès la première année. »
L’itinéraire technique est le suivant : un premier déchaumage est suivi d’un apport de 10 t/ha de fumier, puis d’un second déchaumage avant le semis, réalisé avec un semoir à céréales combiné (rouleau plus herse). « En comparaison du semis à la volée avec la herse étrille, le semoir à céréales sécurise le positionnement des graines. Un élément essentiel est de veiller à bien rappuyer le sol. »
Les 15 ha de luzerne ont été pâturés pour la première fois cette année. Ils ont d’abord intégré la phase de déprimage de toute la surface en herbe accessible, d’une durée de quarante-cinq à soixante jours. La coupe d’ensilage destinée aux stocks d’hiver a ensuite été réalisée à la mi-mai. Puis, la luzerne a réintégré le cycle de pâturage lorsque la pousse des prairies a commencé à diminuer. Le mélange avec une graminée est alors un moyen de prévenir le risque de météorisation, avec une luzerne jeune qui tend à dominer le couvert. Dans le même objectif, les vaches ont alterné le pâturage de luzerne la journée, en tournant sur des paddocks de 0,5 ha/jour, avec le pâturage de nuit sur des paddocks de 0,7 à 0,9 ha de prairies permanentes plus riches en graminées.
Sept exploitations en 2023, ou 12 t de MS/ha
La prévention consiste aussi à éviter de faire entrer les vaches dans une luzerne à un stade jeune et le ventre vide. Dans un premier temps, elles recevaient à l’auge de 1 à 1,5 kg de maïs ensilage et du méteil aplati après la traite, pour une production de 21 kg de lait en juillet, à 42 de TB et 30,5 de TP. « La complémentation contribue à atténuer le pic d’urée à cette période. Sur ce principe, nous n’avons pas rencontré de problèmes de météorisation cette année. Mais il faut être vigilant, j’allais voir les vaches trois fois par jour pour m’assurer que tout allait bien. »
L’éleveur rappelle également l’importance de mettre du sel à disposition pour prévenir le risque. La présence de plantain riche en tanin permettrait par ailleurs aux animaux de mieux tolérer une alimentation très riche en protéines solubles.
Dans un contexte météo plutôt favorable, grâce à la luzerne, les vaches ont conservé un apport de fourrage vert tout l’été, seulement complété par une balle de foin pendant les quinze premiers jours d’août. Le 30 août, à l’occasion de ce reportage, le troupeau affichait encore une production de 18 kg de lait, à 42 de TB et 30,5 de TP, avec une alimentation 100 % au pâturage. Compte tenu d’une arrière-saison favorable, pas moins de sept exploitations sont attendues, soit une production estimée entre 12 et 13 t de MS/ha et un volume de 750 000 litres de lait livré.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
Le marché du lait Spot s’agite avec la rentrée
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique