
En septembre 2022, Jean-Marie De Lye et son salarié Noam Rivière ont semé pour la première fois 31 hectares de méteil avant le maïs, composé de seigle forestier, vesce velue et trèfle incarnat. Ils renouvellent cette expérience à grande échelle cette année. L’enjeu sera d’obtenir une teneur en matière sèche de l’ensilage proche des 25 %, contre 18 % au printemps dernier.
Jean-Marie De Lye, éleveur à Piencourt,dans l’Eure, veut une ration fourragère plus riche en matière azotée totale (MAT) pour diminuer la quantité du correcteur distribué à ses 150 vaches en lactation. Il recherche une alternative au ray-grass d’Italie (RGI), cultivé en dérobées avant le maïs. L’an passé, il a semé 31 ha de méteil en deux mélanges. Le premier sur 17 ha à raison de 45 kg/ha était composé de vesce velue, de trèfle incarnat et de seigle forestier qui, entre autres, sert de tuteur aux deux légumineuses. Les trois espèces sont respectivement à 22 %, 11 % et 67 % de la dose, fournie par Littoral Normand. L’éleveur a défini lui-même le second pour les 14 autres hectares. Dosée à 85 kg/ha, l’association comprend le double de seigle (60 kg pour 70 % de la dose), complété là aussi par la vesce velue (13 %) et le trèfle incarnat (12 %), mais également par du pois fourrager (5 %). « La proportion de seigle est trop élevée dans ce méteil, estime-t-il après-coup. La céréale étouffe les légumineuses, en particulier le pois fourrager qui a vite disparu. »
Méteil fauché le 16 avril, maïs semé le 2 mai
Les années précédentes, il implantait du RGI enrichi de trèfle d’Alexandrie. « Mais il nécessite un ensilage plutôt à la fin du mois d’avril car mes terres sont fraîches en sortie d’hiver. Cette espèce est moins adaptée à mon objectif d’itinéraire cultural : un semis du maïs au plus tard entre la fin avril et le début de mai pour, d’une part, avoir plus de chance de bénéficier des pluies du printemps et, d’autre part, ensiler fin septembre. Je sème une centaine d’hectares de céréales à l’automne. Les parcelles libérées rapidement facilitent mon organisation du travail. » Le mélange a répondu à cette attente. Il a été fauché le 16 avril et ensilé deux jours après. « À cause du temps pluvieux, le maïs a été semé les 2 et 3 mai sur les deux parcelles de méteil. Sinon, nous aurions pu semer une semaine plus tôt », estime Noam Rivière, le salarié dédié au troupeau laitier. Les ensilages de maïs, eux, se sont déroulés fin septembre.
L’autre argument de Jean-Marie De Lye en défaveur du RGI est la déstabilisation du maïs après sa levée. « Les premières racines du maïs atteignent la partie creuse créée par le RGI retourné au labour. Cela provoque un stress hydrique, le temps que les racines rejoignent l’horizon inférieur. »
A contrario, il apprécie l’effet structurant des légumineuses. D’ailleurs, au printemps prochain, il prévoit de détruire l’interculture par deux passages de déchaumeur et un passage de herse rotative. Il n’aura pas besoin de labourer car, pour gagner du temps, il a décidé d’épandre cette fois-ci le fumier la veille du semis du méteil.
Changer complètement la technique de récolte
Après les 31 ha en 2022, Jean-Marie De Lye continue de tester les choses en grand. Les 14 et 15 septembre, il a implanté, après le blé, deux mélanges sur 38 ha. Semés à 25 kg/ha ou 40 kg/ha, ils ont en commun les légumineuses (vesce velue + trèfle incarnat + squarosum). Seule la graminée varie (seigle forestier ou RGI, respectivement à 45 % et 60 % de la dose). Avec 27 ha sur les trente-huit, il privilégie celui avec le seigle forestier. Malgré les difficultés de récolte et d’utilisation rencontrées, il reste convaincu de l’intérêt protéique de l’association seigle forestier + légumineuses dans les rations pour vaches laitières. « Le jour de l’ensilage en avril dernier, sa MAT s’élevait à 20,5 % de la matière sèche. Le 24 mai, c’est-à-dire dix jours après l’ouverture du silo, elle était de 17 %. C’est tout à fait satisfaisant pour monter l’ensilage à un quart de la ration fourragère. Je dois pour cela changer de technique de récolte. Le recours à un combiné de fauche de 9 m avec conditionneur a pénalisé le taux de matière sèche : 13,1 % le jour de la fauche et 18,6 % un mois après. Des jus se sont écoulés du silo durant quatre mois. » Derrière la faucheuse conditionneuse, les andains créés, larges de 9 m à 10 m et haut de 1 m, ont été très compliqués à préfaner.

L’an prochain, il prévoit de faucher sur une largeur de 3 m, en étalant au maximum la coupe. « Le méteil avec du seigle exige d’être très réactif, intervient Olivier Leray, référent Fourrages de Littoral Normand (lire ses conseils page suivante). L’organisme de conseils a suivi dix élevages normands utilisateurs du mélange. Jean-Marie De Lye fait partie du dispositif. « Si l’objectif est de récolter un fourrage riche en MAT, dès que l’épi atteint 20 cm dans la gaine de la céréale, il faut faucher. Nos mesures montrent qu’on perd un demi-point de MAT chaque jour à partir de la mi-avril. » L’éleveur incorporera également un conservateur à la confection du silo pour stabiliser le fourrage.
Une ration à 60 % de méteil cet été pour faire la soudure
Même si le taux de matière sèche bas a compliqué l’affouragement des laitières, le mélange a permis d’assurer la soudure jusqu’à l’ensilage de maïs 2023. Le troupeau est en zéro pâturage. « Le bilan fourrager réalisé avec mon fabricant d’aliment début juin a révélé un stock insuffisant de maïs ensilage s’il continuait d’être distribué à raison de 10 kg de MS, complété par 2 ou 3 kg de MS d’ensilage de méteil depuis la mi-mai. Les mauvais rendements 2022 et l’agrandissement du troupeau pèsent sur les stocks fourragers. »

Comme Jean-Marie ne disposait d’écarts de tri de pomme de terre que pour le mois de juin (2 kg/vache), il a dû nettement augmenter les deux mois suivant la part d’ensilage de méteil dans la ration fourragère… Au point d’inverser les proportions en quantité brute. « Cet été, nous avons distribué 31 kg bruts de mélange/vache/jour pour 5,5 kg de MS et 25 kg bruts de maïs ensilage pour 8 kg de MS. » Il a fallu ajouter un concentré riche en amidon (maïs concassé complété de blé et d’orge) pour accroître la teneur en MS et en amidon de la ration. De 0,95 UFL/kg de MS à l’ensilage, la valeur énergétique est tombée sous 0,7 UFL. Malgré cette alimentation un peu chaotique, la production laitière s’est bien tenue. Les relevés de production laitière sur le logiciel des trois robots de traite affichaient entre 28 litres et 30 litres par vache entre le 5 mai (avant l’introduction du méteil) et le 5 septembre (dernier jour de distribution), pour des stades de lactation moyens de 5,7 à 6,8 mois. « Les vaches en début de lactation ont tout de même perdu en état corporel, observe Noam Rivière. Espérons que cela n’aura pas trop de conséquences sur la reproduction. »
Durant la distribution de l’ensilage, le taux butyreux a fluctué entre 40,3 g/l et 43,5 g/l, le taux protéique entre 32,4 g/l et 34,1 g/l. « Sans ces 31 ha d’associations céréale + légumineuses, je n’aurai pas pu économiser du maïs ensilage et faire la jonction avec celui de 2023. Elles sont productives. J’ai obtenu 5,5 t de MS/ha. Je devrais faire plus l’année prochaine grâce à l’amélioration de la teneur en matière sèche », complète Jean-Marie De Lye.
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