« Du sorgho multicoupe pour assurer le pâturage d’août »

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Régis Durand :« Je suis satisfait du comportement d’une culture qui ne coûte pas cher à implanter et demande peu de travail. »J. Pezon
Régis Durand :« Je suis satisfait du comportement d’une culture qui ne coûte pas cher à implanter et demande peu de travail. »J. Pezon (©J. Pezon)

Rotation. Dans les Vosges, l’implantation de sorgho multicoupe fin mai a permis de maintenir le pâturage durant tout le mois d’août, à une période où toutes les prairies naturelles sont à l’arrêt.

L’exploitation se situe dans la vallée du Vair, entre coteaux et plateau (de 350 à 400 mètres d’altitude), sur des terres argilo-calcaires superficielles où les rendements du maïs ensilage dans les meilleures parcelles vont de 9 à 11 tonnes de MS par hectare.

Dans ce contexte, les associés misent sur la diversification des ressources à travers l’implantation de luzerne, le semis de prairies multi-espèces sous couvert de méteils, ou encore l’achat de coproduits. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre d’une collecte non OGM (Triballat Rians), avec une grille de paiement qui incite fortement à produire du lait d’été et l’obligation à terme d’une durée minimum de pâturage de 120 jours/an. Une pratique d’ores et déjà respectée sur la ferme. « Notre objectif est de faire pâturer au maximum, explique Régis Durand. Depuis 2015, avec notre conseiller Seenorest, Jean-Paul Romano, nous avons redécoupé toutes les pâtures et mis en place le pâturage tournant dynamique sur des paddocks d’un à deux jours. En été, nous cherchions des solutions pour maintenir une part d’herbe pâturée, ce qui demande de complexifier la rotation. »

En sortie d’hiver, après un déprimage rapide, le troupeau dispose de 35 paddocks de 1 à 1,2 ha, soit 32 ares de prairies naturelles par vache, sur lesquelles les animaux ont pu tourner cette année jusqu’au 14 juillet. Après cette date, à une saison où la pousse de l’herbe est totalement à l’arrêt, les vaches conservent un accès libre à l’extérieur sur une parcelle parking avec quelques heures de pâturage sur des espèces relais. D’abord sur 2 ha de luzerne ensilée en première coupe, pâturée au fil pendant 13 jours.

Semis fin mai et levée en conditions idéales

Le pâturage du sorgho multicoupe a ensuite démarré début août, soit 60 jours après le semis. En effet, les éleveurs en ont semé 6,6 ha le 30 mai, derrière une luzerne de cinquième année ensilée en première coupe le 15 mai. Ils ont d’abord apporté 15 tonnes de fumier, suivies d’un labour. « Nous avons semé le sorgho dans un sol frais, en profitant de prévisions météo annonciatrices de pluies (environ 20 mm). La plante a ainsi bénéficié de conditions idéales de levée. En l’absence de cette fenêtre météo, nous n’aurions pas pris le risque de semer ». Le semis a été réalisé avec un semoir à céréales, à une dose de 20 kg/ha de la variété Piper (Sudan × Sudan). « C’est la variété la moins chère (45 € / ha), précise l’éleveur. Comparé aux variétés hybrides, c’est aussi celle qui s’est le mieux comportée dans nos sols lors d’un essai réalisé en 2021. »

« Un peu de gaspillage sur pied en fin de pâturage »

Les 6,6 ha de sorgho ont été divisés en six parcelles gérées au fil avant : sur ce principe, chaque paddock a été consommé en cinq jours. Les vaches mangeaient pendant environ deux heures avant de retourner se coucher dans une parcelle parking, soit une consommation journalière évaluée avec le conseiller Seenorest à 3 kg MS/vache/jour.

En raison de la présence de toxines, la plante doit atteindre une hauteur de 45 cm minimum avant de pouvoir être pâturée (jusqu’à 60 cm selon les variétés). « Au début, le sorgho semble végéter, avant de véritablement exploser : c’est-à-dire que l’on attend les 45 cm pour pouvoir l’exploiter et on se retrouve vite débordé par la pousse. Avec des hauteurs d’herbe de plus d’un mètre, les derniers paddocks ont donc été consommés à un stade avancé, ce qui a généré un peu de gaspillage sur pied. Idéalement, ilfaudrait pouvoir décaler les dates de semis. » Pour mémoire, au stade optimum, le sorgho multicoupe a une valeur retenue de 0,83 UFL. Mai, à l’image d’une fétuque, sa valeur chute vite après l’épiaison.

Une économie de fourrage de 3 kg/VL/J

Avec le sorgho pâturé, les vaches recevaient à l’auge une ration composée de 1,5 kg de regain, 3,5 kg d’ensilage d’herbe, 4,8 kg d’ensilage de maïs et 3,5 kg de coproduit semi-humide à 28 % de MAT, complétée par 1,5 kg de tourteau 42 soja-colza, 1 kg de VL18 et 2 kg d’orge. Soit une production de 23,8 litres de lait (6,3 mois moyens de lactation) et un coût de ration non OGM estimé à 147 €/1 000 l.

Cette année, après trente jours de repousse, les éleveurs ont pu entamer le second cycle de pâturage dans les premiers paddocks où les repousses atteignaient déjà un mètre de hauteur. « Les derniers paddocks ont plus de mal à repartir en raison d’une pousse pénalisée par la baisse des températures », constate Régis. L’éleveur pense néanmoins pouvoir pousser ce second passage jusqu’au 15 octobre. Une exploitation tardive qui ne devrait pas permettre de semer dès l’automne une prairie temporaire sous couvert de méteil, habituellement implantée au mois de septembre. Le semis sera donc reporté au printemps : soit une luzerne sous couvert de méteil, soit un méteil et un sorgho en double culture.

« Le sorgho multicoupe offre un potentiel de rendement intéressant à une période où les prairies sont grillées », explique Jean-Paul Romano, conseiller fourrages Seenorest. Au total, le pâturage des 6,6 ha pendant deux cycles d’une durée de 75 jours a permis d’économiser cette année quelque 22,5 t de fourrages, stockés pour un coût de seulement 20 €/t. C’est-à-dire une production valorisée de 3,5 t MS/ha, où 4,5 à 5 t/ha si l’on tient compte du gaspillage. « Dans ce secteur des Vosges, cependant, les rendements ne sont pas toujours au rendez-vous : en 2021, les températures fraîches ont très fortement pénalisé son développement. »

Jérôme Pezon

© J. Pezon - Pâturage.Le 8 septembre, dernier jour du premier cycle de pâturage : la vitesse de pousse a généré un peu de gaspillage dans un paddock à un stade végétatif avancé. J. Pezon

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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