RÉDUCTION DE MÉTHANE : DES PISTES ET DES IMPASSES

L'utilisation de tourteaux de lin et de colza dans la ration est une voie efficace.© SÉBASTIEN CHAMPION
L'utilisation de tourteaux de lin et de colza dans la ration est une voie efficace.© SÉBASTIEN CHAMPION (©)

La première piste pour réduire la production de méthane entérique par les ruminants est de... bien les élever. Il est ensuite possible d'intervenir à travers l'alimentation mais toutes les solutions ne se valent pas.

LA PRODUCTION DE MÉTHANE ENTÉRIQUE résulte du métabolisme naturel des ruminants. Les Archaea méthanogènes, micro-organismes de la flore normale du rumen, éliminent l'hydrogène produit par d'autres micro-organismes, notamment les protozoaires. Limiter la production de méthane grâce à l'alimentation présente plusieurs avantages : réduire les pertes d'énergie de l'animal (de 2 à 12 % de perte d'énergie) et donc améliorer la performance animale tout en contribuant à réduire les gaz à effet de serre. « On peut agir sur deux mécanismes : soit la baisse de la production d'hydrogène (H2) car il entre dans la production de méthane entérique, soit la déviation de l'hydrogène vers d'autres métabolismes que celui du méthane », résumait Cécile Martin (Inra) dès 2006. C'est d'ailleurs cette année-là que la FAO publiait son premier rapport « The long shadow » qui pointait du doigt l'élevage de ruminants comme premier contributeur de méthane. C'est aussi l'année de l'interdiction définitive de tous les antibiotiques facteurs de croissance dans l'Union européenne, après une vingtaine d'années d'interdictions sélectives. Or, ces molécules orientaient la flore ruminale vers une plus grande efficacité de l'utilisation de la ration, donc une moindre production de méthane... Depuis, la recherche privée comme publique a progressé.

Lors du récent Space, un autre chercheur de l'Inra, Michel Doreau a dressé une liste des moyens d'action qu'il a testés. Il y a ceux qui fonctionnent à coup sûr et les autres.

BOOSTER LES PERFORMANCES DE L'ÉLEVAGE

ÇA MARCHE. Améliorer l'efficacité alimentaire, le taux de reproduction et la santé animale réduit la production de méthane par kilo de lait ou par kilo de viande produite. Selon Jean-Luc Pradère, vétérinaire à l'OIE (Office international des épizooties), « l'amélioration de la productivité est reconnue comme étant l'option la plus efficace, car elle permet de cumuler des avantages environnementaux de la réduction des flux de GES par unité de production et les avantages de la réduction du nombre d'animaux et des surfaces réservées à l'élevage (...). » La FAO estime qu'il serait déjà possible de réduire de 10 % la production de méthane par unité de lait ou de viande dans le monde si un tiers des élevages adoptait les bonnes pratiques d'élevage des 10 % des meilleurs éleveurs. La réduction des émissions est obtenue non seulement au niveau de l'alimentation, mais aussi des intrants nécessaires à produire ces aliments. Tout animal improductif est également producteur de méthane, ce qui incite à avancer l'âge au vêlage.

LES BIOTECHNOLOGIES

ÇA NE MARCHE PAS SUR LE TERRAIN. Plusieurs effets d'annonce n'ont pas abouti sur des solutions concrètes, que ce soit la vaccination annoncée dès 2004 contre les micro-organismes méthanogènes du rumen, ou bien encore l'inoculation de la flore digestive du kangourou dans la flore ruminale du bovin. Ces solutions ont fait l'objet de publications, mais uniquement en laboratoires.

DES RATIONS RICHES EN LIPIDES POLYINSATURÉS

ÇA MARCHE. L'une des méthodes les plus efficaces est de remplacer une partie des glucides de la ration (qui produisent de l'hydrogène précurseur de méthane) par des lipides riches en acides gras insaturés, issus notamment des graines de lin ou, dans une moindre mesure, dans les tourteaux de colza. Selon les lipides, la réduction des émissions de méthane emprunte plusieurs voies. Premièrement, le métabolisme des lipides produit peu d'hydrogène, ce qui contribue donc à réduire « naturellement » l'émission de méthane. Deuxièmement, l'acide linolénique contenu dans les graines de lin extrudées réduit la quantité de protozoaires dans le rumen, un effet sensible dès 5 % d'apport de ces acides gras. Selon Michel Doreau, la quantité de lin récoltée et/ou transformée en France ne suffit cependant pas pour tous les ruminants de la Ferme France. Il recommande donc d'avoir recours au tourteau de colza en complément, même s'il est bien moins riche en acides gras polyinsaturés oméga 3.

LE NITRATE DE CALCIUM

ÇA MARCHE DANS LES ESSAIS. L'utilisation de nitrate de calcium a été testée, notamment par l'Inra : quoique souffrant d'une image négative dans l'esprit du grand public, les nitrates peuvent contribuer à réduire les GES car l'animal va produire de l'ammoniac plutôt que du méthane. Une solution que Michel Doreau conseille de réserver aux régimes pauvres en azote fermentescible (à base d'ensilage de maïs).

LES TANINS : EN ADDITIFS OU DANS LE FOURRAGE

ÇA MARCHE À UNE CERTAINE DOSE. Les essais de plus en plus nombreux montrent que les tanins réduisent de façon efficace la production de méthane en réduisant la population des micro-organismes méthanogènes, sans diminuer la production des acides gras volatiles, c'est-à-dire sans dégrader la performance de la ration. Ils sont dans le même temps efficaces contre les parasites, notamment les strongles digestifs, et contribuent ainsi à la productivité de l'animal. Cependant, Michel Doreau invite à la vigilance car un excès peut conduire à réduire la digestibilité de la ration. Sur le marché, il est proposé différentes solutions commerciales dont il faut vérifier l'efficacité. À noter que le sainfoin est riche en tanins et peut être pâturé.

LES SAPONINES DANS LES ALIMENTS CONCENTRÉS

ÇA PEUT MARCHER. Les saponines sont de plus en plus intégrées dans les compléments proposés par les fabricants d'aliments. C'est leur effet sur la réduction des protozoaires qui est recherché, ce que les chercheurs nomment la « défaunation ». Il faut regarder de près les résultats des essais in vivo et non seulement in vitro, mais la chercheuse galoise Sharon Huws estime qu'il est possible de réduire les émissions de méthane de 10 % par cette voie.

LES AUTRES ADDITIFS

ÇA MARCHE PEUT-ÊTRE. La diversité des produits à base d'huiles essentielles et d'autres extraits de plantes rend une généralisation difficile selon le chercheur, qui incite à regarder le surcoût des solutions proposées. Il reconnaît que certains extraits (ail, origan et noix de cajou) peuvent être efficaces, mais que leur effet doit être confirmé. Ce sont surtout les solutions en mélanges qui sont commercialisées et il est difficile de connaître précisément le contenu proposé par les fournisseurs d'aliments. Un nouvel additif a été récemment développé par la firme DSM, le 3-nitrooxypropanol. Efficace dans les essais déjà publiés et relayés par la presse internationale, il ne sera toutefois pas commercialisé avant plusieurs années.

DES COÛTS DE PRODUCTION QUI AUGMENTENT

Pour Michel Doreau, les techniques permettant de réduire les émissions de méthane entraînent en général une augmentation des coûts de production. Leur usage ne se répandra donc que si les éleveurs trouvent des bénéfices collatéraux, qu'il s'agisse d'une amélioration de la production ou de la croissance, ou bien encore d'une valeur ajoutée sur le produit fini.

YANNE BOLOH

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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