STOPPER L'EXTENSION D'AGROSTIS DANS LES PRAIRIES

La graminée « Agrostis stolonifera » est délicate à maîtriser. Elle est résistante à la sécheresse, aux conditions très pluvieuses et au glyphosate. Elle synthétise des composés chimiques qui inhibent la germination et la croissance des plantes voisines.© Michel harivel
La graminée « Agrostis stolonifera » est délicate à maîtriser. Elle est résistante à la sécheresse, aux conditions très pluvieuses et au glyphosate. Elle synthétise des composés chimiques qui inhibent la germination et la croissance des plantes voisines.© Michel harivel (©)

Dans les prairies de l'Ouest, la graminée « Agrostis stolonifera » est devenue un fléau des prairies permanentes.

EN NORMANDIE ET DANS LE NORD DE LA MAYENNE, une graminée s'implante dans les prairies permanentes : Agrostis stolonifera. Comme son nom l'indique, elle se développe par ses stolons en agrandissant progressivement le rond qu'elle dessine. « Le phénomène a démarré dans le début des années quatre-vingt-dix après trois ans de sécheresse successives », se souvient Michel Harivel, de la chambre d'agriculture de l'Orne.

Résistante à la sécheresse, elle a profité de l'affaiblissement des autres espèces présentes dans les prairies naturelles pour y occuper un peu plus de place. « À l'origine, Agrostis stolonifera n'est pas une plante agressive. Ce sont le mode de conduite de la prairie et les conditions climatiques qui favorisent son extension. » Dans l'Orne, il estime à 70 000 ha la surface en prairies à rénover pour cause d'agrostis mais aussi de flores peu intéressantes.

La graminée a plusieurs cordes à son arc pour s'étendre, qu'elle utilise selon les situations. D'une façon générale, elle s'épanouit dans les sols riches en matière organique et pas trop séchants, tout en résistant – outre la sécheresse – aux conditions très pluvieuses. Espèce tardive, elle épie courant juin, après ses concurrentes prairiales. Elle a alors un avantage compétitif par rapport à ses voisines qui sont, à ce moment- là, moins offensives.

Les prairies surpâturées et piétinées sont les premières exposées. « Leur pâturage très ras, voire les trous dans le couvert végétal, créés par l'arrachement de pieds par les animaux et leur piétinement, laissent la voie libre à l'émission de stolons qui ne rencontrent pas d'obstacles. »

Cette situation concerne souvent les praires permanentes éloignées du siège de l'exploitation. Elles sont généralement exploitées par les élèves du troupeau laitier ou le troupeau allaitant. « Ces animaux restent fréquemment dans la même parcelle plus d'un mois, ce qui crée surpâturage et piétinement. Il faut changer plus souvent les animaux de prairies. » Leur chargement peut être également trop élevé par rapport au potentiel de la prairie, entraînant là encore un surpâturage et le développement de l'agrostis. Faut-il envisager dans ce cas-là l'enrichissement de la prairie par des espèces productives telles que le raygrass anglais par sursemis ? « Malheureusement non, répond Michel Harivel. On considère qu'avec une présence supérieure à 10 %, le sursemis avec un matériel spécialisé est voué à l'échec. Or, beaucoup de prairies sont au-delà. Cette agrostis a un effet allélopathique. Ses racines synthétisent des composés chimiques qui inhibent la germination et la croissance des autres espèces. »

Les prairies temporaires ne sont pas exclues de ce phénomène. Une entrée de parcelle piétinée et une prairie utilisée pour faire prendre l'air aux vaches laitières sont facteurs d'implantation d'agrostis.

QUATRE LEVIERS POUR REDRESSER LA BARRE

- Alterner fauche et pâture. Pour Michel Harivel, il faut en priorité réviser le mode de conduite des prairies permanentes en introduisant une alternance fauche-pâture. « L'objectif est de casser la dynamique de la graminée. L'idéal est de débuter par un déprimage. Selon l'organisation herbagère de l'exploitation, il peut être suivi d'un pâturage ou d'une fauche en premier cycle et l'inverse en deuxième cycle. L'Agrostis stolonifera ayant une épiaison tardive, l'une ou l'autre de ces deux formules sont appropriées. » Il propose d'autres déclinaisons de cette alternance : la pratiquer sur deux années, ou après le déprimage, diviser la parcelle pour le pâturage sur une moitié et la fauche sur l'autre, et inverser l'année suivante.

- La herse étrille en fin d'été. En complément de l'une des mesures précédentes, ne pas hésiter à passer la herse étrille, de préférence en fin d'été, « avant que les points d'ancrage des stolons émettent leurs racines », et par temps sec pour les dessécher. La passer en fin d'hiver est envisageable.

Le système racinaire des stolons étant superficiel, ils sont aisés à décrocher. « Si des essais montrent que l'aération du sol par des outils de type herse ou décompacteur n'améliore pas le rendement des prairies, il ne faut pas pour autant se priver de la herse étrille, intéressante dans la lutte contre cette graminée », insiste Michel Harivel.

- Implanter une culture intermédiaire. Ce levier est plutôt destiné aux prairies temporaires infestées. « À plus de 30 % d'agrostis, il ne faut pas hésiter à la retourner. » Veiller à remettre la surface équivalente en prairie (réglementation Pac). Avant le semis d'une nouvelle prairie, l'implantation d'une culture intermédiaire (maïs, céréale) consomme l'excès de matière organique et, plus globalement, casse le rythme d'envahissement d'Agrostis Stolonifera.

- Rénover la prairie sans glyphosate. Cette technique est destinée aux prairies permanentes ne pouvant pas recevoir une culture intermédiaire. Il faut régénérer la parcelle en resemant avec un semoir à céréales des espèces fourragères, à condition d'utiliser en amont un outil animé à dents (type rototiller) ou un outil à disques (cover crop). Ils affaiblissent l'espèce indésirée et laissent le temps à celles semées de s'installer. « Détruire le couvert végétal par le glyphosate est inefficace puisqu'Agrostis Stolonifera est résistante à l'herbicide », indique Michel Harivel.

Il recommande de semer des espèces à port dressé et vigoureuses à l'implantation via un tallage rapide. Collent à cette description les ray-grass anglais diploïdes demi-tardifs à tardifs (Aberavon, Carvalis, Fellin Eiffel, Mezo peu remontantes à 20 kg/ ha en pur) et les fétuques élevées (Elodie, Hidalgo, Callina, Jugurta, ou encore Philia, nouvelles variétés à feuilles souples). Ils peuvent être resemés en association RGA diploïdes + fétuque + trèfle blanc ou en pur. Sans oublier de tasser après le semis. « Avec une alternance fauche-pâture et une rotation des animaux plus rapide sur les parcelles éloignées, on ne devrait pas en arriver à ce dernier recours », rappelle Michel Harivel.

CLAIRE HUE

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