AFFOURAGER EN VERT DE MARS À DÉCEMBRE, C'EST POSSIBLE

L'AN PASSÉ, DOMINIQUE BELANGER A DÉMARRÉ L'AFFOURAGEMENT EN VERT(1) de ses vaches normandes début mars et grâce à l'hiver doux, l'a prolongé cette année... jusqu'à la mi- janvier (voir pages suivantes). « Il s'appuie sur des graminées à épiaison étalée d'avril à juin, sur des mélanges prairiaux résistants l'été et sur des couverts végétaux pour l'automne et le début d'hiver, décrypte Thierry Jeulin, le Monsieur Fourrages de la chambre d'agriculture de l'Orne. C'est la clé pour un affouragement aussi étalé dans l'année. »

RAY-GRASS D'ITALIE : PRIME À LA PRÉCOCITÉ

Le RGI fait partie des graminées les plus précoces. Connu pour la rapidité de sa croissance, il est parfaitement adapté pour lancer l'affouragement en vert en mars, voire fin février dans l'Ouest si le temps est poussant et les sols portants. Les éleveurs choisissent des variétés de RGI pour une culture intermédiaire avant le semis du maïs. Ils lui reprochent souvent d'assécher le sol au détriment du démarrage du maïs. En contrepartie, il couvre les sols l'hiver et augmente la ressource fourragère.

« L'autre possibilité moins répandue est une exploitation sur dix-huit mois, ce qui amortit davantage le coût de l'implantation. Trois à quatre coupes sont possibles de la mi-juin à l'automne, et une dernière au printemps suivant avant d'être retourné en vue du maïs. » Une autre espèce très productive est envisageable : le festulolium.

RAY-GRASS ANGLAIS : CHOISIR LES DIPLOÏDES

De début mai à la mi-juin, l'affouragement en vert s'appuie principalement sur le ray-grass anglais. Choisir les variétés les plus adaptées est sans doute l'étape la plus compliquée dans l'établissement du calendrier des parcelles à faucher. Il offre une telle gamme de variétés qu'il faut se fixer des critères de sélection. « Plus agressif et tallant davantage, le ray-grass anglais diploïde est un peu plus productif que le RGA tétraploïde, estime Thierry Jeulin. À condition de bien choisir son degré de précocité, il est possible de le marier à d'autres RGA ou d'autres graminées, ou encore de l'associer à du trèfle blanc. »

- Mélange de variétés de RGA diploïdes : étaler les dates d'épiaison en mai. « On peut constituer une association de RGA diploïdes avec des dates d'épiaison de début mai et de fin mai, en choisissant des variétés pas trop remontantes dans le premier cas », recommande Thierry Jeulin. Plus productives, les variétés précoces assureront la première coupe.

Les variétés demi-tardives à tardives prendront le relais pour la deuxième coupe et consolideront sa valeur alimentaire. « Il faut faucher avant l'épiaison, stade où la valeur alimentaire est la plus élevée », rappelle l'ingénieur fourrages.

- Mélange RGA diploïde + fétuque élevée + dactyle : sélectionner des précocités proches. Pour un affouragement dès début mai, au RGA diploïde peu remontant peuvent être associés une fétuque élevée et un dactyle qui, eux, ne le sont pas. « Pour faciliter la conduite de l'ensemble, on sélectionnera des variétés aux dates d'épiaison proches, entre le 5 et le 20 mai. » La fétuque élevée et le dactyle étant plus résistants que le RGA aux températures élevées, selon les conditions climatiques, ils peuvent continuer de s'intégrer au parcours d'affouragement les mois suivants par leurs repousses feuillues.

- Associer le trèfle blanc au RGA diploïde pour un affouragement plus riche en azote. C'est une autre solution à la distribution du printemps. Elle sera opérationnelle plutôt à partir de la mi-mai puisque le trèfle blanc a une pousse tardive. On privilégie donc un RGA diploïde tardif. De plus, à l'agressivité de ce dernier, on répond par un trèfle blanc destiné à la fauche tel que les variétés Tribute, Tivoli, Companion ou Giga.

MÉLANGE SPÉCIAL ÉTÉ : RÉSISTER À LA SÉCHERESSE

Pas de surprise. À partir du 1er juillet, des associations prairiales connues pour leur résistance au temps sec poursuivent la production fourragère jusqu'au début d'octobre. Par exemple, la luzerne sur les terres filtrantes avec le dactyle ou la fétuque élevée, un trèfle violet diploïde (plus agressif et plus riche en matière sèche) avec l'une ou l'autre graminée, ou les trois ou quatre espèces associées comme le pratique Dominique Belanger (voir pages suivantes). « Elles nécessitent au préalable une fauche ou un affouragement en vert début mai pour gérer l'épiaison des deux graminées, indique Thierry Jeulin. Non remontantes, leurs repousses sont ensuite feuillues. »

COLZA FOURRAGER : JUSQU'EN DÉCEMBRE

Le colza fourrager est semé après la récolte de l'orge en juillet et après celle du blé en août. Sa croissance rapide permet une exploitation deux mois après pour les variétés précoces et trois à quatre mois après pour les variétés tardives, ce qui permet d'étaler son entrée en production : à la mi-septembre puis entre la mi-octobre et la mi-novembre. La valeur alimentaire optimale est au stade feuillu. L'an passé, les mesures de la chambre d'agriculture de l'Orne au stade début floraison sur un colza, semé par Dominique Belanger le 20 juillet, montrent un taux de 14,3 % de MS, pour une matière azotée totale de 12,3 % et une teneur en énergie de 1,01 UFL/kg de MS. « Ces résultats sont un cran au dessus du mélange avoine brésilienne + colza fourrager implanté en juillet 2014, pénalisé par l'avoine au stade avancé épiaison. » Riche en azote soluble, il est recommandé de ne pas distribuer plus de 5 kg de MS par vache et par jour, au risque, sinon, d'alcalose.

(1) Sur ce sujet, voir L'Éleveur laitier n° 239, p. 50.