Vers une nouvelle crise laitière ?

Sodiaal annonce une baisse reconductible de 5 €/1.000 l du prix A en septembre ainsi de 15 €/1.000 l du prix B en octobre prochain. (© Terre-net Média)

Dans une lettre datée du 31 août adressée aux coopérateurs, le président de Sodiaal, la plus grande coopérative laitière française, a annoncé une baisse significative des prix du lait à partir du mois de septembre.

Selon cette lettre, Sodiaal appliquera dès le mois de septembre une baisse conjoncturelle « lait de consommation » sur le volume A de 5 €/1.000 l. Cette baisse, qui viendra s’ajouter aux indicateurs interprofessionnels habituellement utilisés pour fixer le prix du lait, sera renouvelable jusqu’à la fin de l’année, en fonction « de l’évolution des valorisations du lait de consommation ». A partir du mois d’octobre, « puisqu’il n’y a pas de volume B au mois de septembre », le prix B sera, quant à lui, dévalorisé de 15 €/1.000 l par rapport à la valorisation beurre-poudre élaborée par le Cniel.

L’offre plus élevée que la demande début 2012

Alors que les éleveurs laitiers sont confrontés à une forte hausse de leurs charges, François Iches, le président de Sodiaal explique sa décision de baisser le prix A par « une forte collecte mondiale » dépassant la demande début 2012. Le déséquilibre entre l’offre et la demande s’est transmis au marché du lait de consommation européen, avec « des appels d’offres allemands du mois de mai (qui) ont eu un effet dévastateur sur les prix en France. » Selon lui, des baisses sans précédent ont dû être consenties par les opérateurs français pour défendre leurs volumes.

Sodiaal n’est pas la seule coopérative à annoncer ou envisager des baisses sensibles des prix payés aux producteurs. Terra Lacta ou Coralis suivent la même voie, selon la Frsea et JA de l’Ouest, mais « ces dernières, contrairement à Sodiaal, doivent faire face à de réelles difficultés économiques », justifie-t-on à la Fnpl. Mais quelle que soit la raison, la situation fait craindre chez les représentants syndicaux un effet domino qui pourrait mettre tous les producteurs de lait dans le même bateau.

L’exemple Sodiaal « à ne pas suivre »

Surtout, la décision de Sodiaal soulève plusieurs interrogations. D’abord, le fait que des coopératives soient les premières à annoncer ou opérer des baisses de prix a le don d’attiser plus encore la colère de la Fnpl, qui aurait préféré qu’un collecteur privé tire le premier sur les producteurs de lait. Et c’est la question de la compétitivité des coopératives sur un marché laitier européen et mondial de plus en plus instable qui peut être légitimement posée.

En outre, les prérogatives de Sodiaal mettent en exergue la question de la place et du pouvoir des producteurs au sein de leurs outils coopératifs. Les turpitudes de la préparation de l’après-quota dans certaines coopératives ont d’ores et déjà fait réfléchir le syndicat JA. Ce dernier vient de formuler une série de propositions pour réformer la gouvernance de ces groupes coopératifs.

L’interprofession, un pilote immobile de la filière laitière ?

Enfin, en baissant le prix B de 15 €/1.000 l dès octobre, Sodiaal s’affranchit par ailleurs d’une valorisation beurre-poudre du Cniel que la coopérative dénonce depuis plusieurs mois. L’interprofession s’était saisie du problème en demandant une étude conduite par un cabinet externe. Cette étude avait conclu qu’il existait un différenciel d’environ 15 €/1.000 l, variable selon les transformateurs, entre la valorisation réelle et celle calculée par le Cniel.

La concertation interprofessionnelle sur le calcul de la valorisation beurre-poudre, elle, n’a toujours pas été menée à son terme. D’où la relance de la Fnpl pour que tous « les acteurs de la filière lait de consommation se réunissent avec la grande distribution pour trouver des solutions. »