
Depuis le 1er avril 2015, les quotas laitiers sont définitivement abandonnés. Web-agri.fr poursuit la publication d'une série de tribunes de syndicats et d'experts sur la nouvelle organisation de la production laitière française et européenne et l'avenir de ses éleveurs. Voici la contribution de Marc Tarabella, député européen et membre de la commission Agriculture et Protection du consommateur.
Le risque est réel d’assister à une chute graduelle du prix du lait et de voir les producteurs européens les moins forts noyés au grand dam de l’agriculture européenne, du circuit court, de l’emploi mais aussi du consommateur !
« Beaucoup de gouvernements ont voulu libéraliser le marché mais malgré nos revendications répétées, aucun réel encadrement efficace n’a été mis en place : c’est inadmissible. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Suède sont les premiers artisans de cette dérégulation », tempête encore le chef de délégation PS.
Les raisons
1/ Le lait inonde le marché : déjà en 2014, la production de lait a augmenté de 7,5 millions de tonnes pour atteindre 148 millions. La fin des quotas signifie une production sans limite et une explosion de celle-ci dans les pays où le coût est plus faible ou lorsque les infrastructures sont plus imposantes.
2/ Le prix du lait plonge : pour que le producteur ne perde pas d’argent, le litre de lait devrait coûter 0,37 €. Hors, actuellement, ce prix oscille autour de 0,31 €. En d’autres termes, des citoyens payent pour avoir le droit de travailler, et travaillent, jour après jour, donc à perte !
Une surabondance de lait pourrait faire plonger ce prix jusqu’à 0,25 puis 0,20, soit le prix de 1979… Une situation de faillite garantie pour de nombreux travailleurs du secteur.
De plus, le consommateur ne profite pas non plus de ces baisses.
Exemple : entre 2000 et 2007, les prix aux producteurs ont baissé de 6 % tandis que les prix à la consommation augmentaient de 17 %.
3/ La volatilité des marchés : en Europe, le prix du lait a chuté de 11 % en 2014, de plus de 20 % en Belgique et même de 40 % dans certains pays comme l’Estonie. L’embargo russe a accentué la pression sur les cours du marché mais cette seule raison est loin d’être suffisante. Depuis 2008 et les premières spéculations de masse sur les denrées alimentaires, le marché est devenu toxique pour les producteurs.
Les solutions
Après un tel constat, on ne peut que s’interroger sur les déclarations optimistes de plusieurs gouvernements et du Commissaire européen en charge de l’Agriculture.
1/ Les autorités publiques doivent avoir un rôle de contrôle
Force est de constater que le marché ne se régule pas seul contrairement à ce qu’une partie de l’échiquier politique et les grands groupes industriels tentent de nous faire croire depuis des années ! Un mécanisme de gestion publique, comme nous l’avions déjà proposé en vain en 2012, est indispensable !
2/ Un observatoire du marché amélioré pour anticiper les fluctuations du marché
Il est indispensable de mettre en place des instruments permettant de faire des prévisions sur les fluctuations des prix du marché et de prendre en compte les marges bénéficiaires. Cela permettra aux producteurs d’avoir des contrats qui collent à la réalité. Belgique, Grèce, Allemagne, Irlande, Espagne et d’autres nous rejoignent sur ce point.
3/ La gestion de l’offre fait partie de la solution, pas du problème
À travers le monde, la situation des producteurs laitiers s’est dramatiquement dégradée, sauf au Canada. Non seulement leur système de gestion de l’offre ne coûte rien au contribuable, mais, en plus, il permet d’éviter le déblocage de fonds d’urgence pour venir au secours d’une filière stratégique. Paradoxalement, dans le cadre de l’accord de libre-échange avec le Canada (Ceta), l’Europe, plutôt que de s’inspirer de ce qui marche là-bas, a demandé que le partenaire cesse ce type de gestion pour ne pas provoquer de concurrence déloyale…
4/ Système de cliquets
L’idée est simple : dès que le prix dépasse un certain seuil positif, une partie des bénéfices est placée dans un pot commun et redistribuée quand le prix chute sous un seuil négatif. Il s’agit d’une mesure qui ne peut suffire en soi mais peut être complémentaire.
5/ Étiquetage d’origine du lait
Une immense partie du lait consommé est n’a pas de nationalité, quand il ne s’agit pas d’assemblage, c'est-à-dire de lait assemblé à partir de productions géographiquement (très) éloignées. Et pour cause : il n’existe aucune législation européenne sur la mention de l’origine du lait. J’ai d’ailleurs à ce propos interpellé en janvier dernier le Commissaire afin que le nécessaire soit enfin entrepris dans le but d’aider les productions locales ou régionales et dans un souci de transparence vis-à-vis du consommateur ! L’Italie et le Royaume-Uni sont à présent sur cette même longueur d’ondes.
Même si certains gouvernements ou certains décideurs ont du mal à l’admettre, nous sommes à l’aube d’une crise laitière sans précédent. Arrêter un système sans même avoir mis en place son alternative est une aberration. Des solutions existent, mais certains préfèrent mettre en avant le tout au marché et finalement ne favoriser que l’intérêt de quelques-uns plutôt que l’intérêt général » conclut l’eurodéputé PS Marc Tarabella.
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