
Secrétaire du syndicat suisse Uniterre, Nicolas Bezençon observe avec pessimisme la préparation de la filière laitière française à la sortie des quotas. Comme leurs homologues suisses, les producteurs de lait français continueront à subir, selon lui, les décisions des industriels, avec la bénédiction des pouvoirs publics.
![]() Nicolas Bezençon, ici lors d’une journée de débats sur la filière laitière organisée par la Confédération paysanne le 29 novembre 2012, est secrétaire syndical d’Uniterre, syndicat de paysans suisses, membre de l’Emb et du réseau Via campesina. (© Terre-net Média) |
Web-agri : En Suisse, les quotas laitiers n’existent plus depuis 2009. Comment la filière s’y est-elle préparée ?
Nicolas Bezençon : La fin des quotas laitiers était effectivement programmée pour 2009. Pour préparer cette sortie, le pouvoir politique a donné la possibilité aux producteurs de se regrouper en OP dès 2006.
Quatre grandes OP transversales se sont développées, représentant 85 % de la production laitière du pays. Une multitude d’Opu, des OP par laiteries, se sont aussi créées. Comme en France, les producteurs des Opu ont un contrat individuel avec leur entreprise.
En parallèle, la Confédération suisse a octroyé des quantités supplémentaires de lait aux producteurs, via les transformateurs, sous conditions de projets d’exportation. Les entreprises ont donc répondu à cette condition en développant des projets à l’export, tirant par la même occasion les prix vers le bas.
Mais la crise du lait est arrivée en 2009 et les exportations de lait n’ont pas été à la hauteur des prévisions. En mai 2009, la Suisse s’est retrouvée en surproduction de 7 % sur le marché national, engendrant une chute des prix, la même subie par les producteurs français.
Web-agri : Quel regard portez-vous sur la préparation de la filière française à la sortie des quotas ?
Notre expérience en matière d’organisations de producteurs montre que les OP qui se mettent en place en France ne permettront pas aux éleveurs français d’avoir un pouvoir plus important face au diktat des industriels.
En Suisse, les Opu ne livrent pas la totalité du lait dont l’entreprise a besoin. Leur pouvoir de négociation est donc limité, elles n’ont pas la possibilité de discuter quoi que ce soit. Les producteurs de ces Opu ont souvent la possibilité de produire plus, mais sans avoir de pouvoir de négociation quant aux prix.
Par ailleurs, une interprofession s’est créée avec tous les acteurs de la filière. Mais il existe des minorités de blocage, ce qui fait que les dossiers n’avancent pas. L’interprofession a, par exemple, proposé de segmenter les marchés pour gérer les volumes. Mais là encore, on se rend compte que c’est l’industrie qui segmente elle-même ces marchés, et non les producteurs. Je constate simplement que la France reproduit à peu près ce qui s’est passé en Suisse.
Web-agri : Que faut-il donc, selon vous, aux producteurs français, pour qu’ils aient un peu plus de pouvoir de décision dans les orientations de la filière ?
Les producteurs suisses sont restés de simples apporteurs de volumes de lait et les OP qui ont été mises en place ne leur ont pas permis de mieux négocier le prix du lait. Avec du recul, les producteurs ont besoin d’un cadre politique très clair qui obligerait la filière, et non les entreprises, à réguler les volumes, avec la fixation d’un couloir de prix minimum en cas de grave crise dans la filière.
Structurer l’amont de la filière par des OP, c’est bien, mais sans levier politique pour imposer une négociation équitable des prix et des volumes, l’impact pour les producteurs restera limité.
Les pouvoirs publics, en Suisse comme en France, doivent rester acteurs de la filière laitière, tant à l’échelle nationale qu’au niveau européen, pour notamment encadrer les volumes et s’assurer du maintien de la production sur tous les territoires.
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