Les anomalies génétiques qui impactent le troupeau allaitant français

Veau Blond
Les principales anomalies génétiques en bovin viande résultent de l'association de deux parents porteurs hétérozygotes d'un même gène modifié. (©Terre-net Média)

Chaque grande race à son lot de tares génétiques, plus ou moins répandues au sein des populations. Les organismes de sélection travaillent à limiter leur propagation. Retrouvez les symptômes, et la prévalence de ces anomalies.

Quand les chromosomes s’emmêlent, le résultat n’est pas toujours beau à voir… Si la sélection génétique permet d’améliorer les performances de son troupeau, elle aide aussi à éviter les principales tares des grandes races bovines.

Les progrès de la génomique ont permis d’effectuer un grand bond en avant pour comprendre les anomalies génétiques. « Avant, un veau mourrait et on ne savait pas pourquoi. Maintenant, les anomalies sont documentées », explique Julien Mante, de la station de sélection Limousine de Lanaud. L’absence d’individus homozygotes sains dans une population est un signal d’alerte, qui a permis d’identifier les principales tares. Et chaque race à son lot d’anomalies à gérer.

L’OS Charolais gère l’ataxie

Récessive, l’ataxie ne se déclare que pour les individus porteurs homozygotes de ce gène. L’anomalie se caractérise par des problèmes de déplacement des animaux, entre les 8 et 24 mois du bovin. « La démarche est hésitante, vacillante au niveau du train arrière, jusqu’à ne plus pouvoir se déplacer », détaille Pauline Michot, ingénieure au Herd-Book Charolais (HBC).

La particularité de l’ataxie est qu’elle intervient tard, et engendre donc un manque à gagner notable. « Il est souvent possible de les réformer rapidement, mais cela reste une perte économique importante ». Le caractère tardif n’a d’ailleurs pas aidé à détecter l’anomalie « on ignorait que l’origine pouvait être génétique, et beaucoup d’éleveurs attribuaient les signes cliniques à une cause accidentelle », poursuit Pauline Michot.

Confirmée en 2016 par l’Onab (observatoire national des anomalies bovines), la race travaille à diminuer le nombre de porteurs homozygotes. « Lorsque l’OS a commencé à travailler sur l’anomalie, la fréquence était très élevée. Près de 30 % des taureaux d’IA de l’époque étaient porteurs hétérozygotes ». Vu la fréquence du gène, Charolais France n’a pas pu miser sur une stratégie d’éradication. Certains hétérozygotes présentent tout de même des avantages sur d’autres caractères importants pour la variabilité générique de la race.

La mise en place de tests a cependant permis d’identifier les animaux porteurs du gène défectueux, et tous les animaux inscrits pour la diffusion en IA aujourd’hui sont homozygotes sains. Le statut des taureaux de monte naturelle mis aux enchères par le HBC et les stations est également testé. Il est recommandé de faire de même pour les ventes entre particuliers afin que chacun gère le gène au sein de son élevage.

Cette stratégie de sélection a permis à l’OS de faire diminuer la présence du gène, avec 16,9 % d’individus porteurs hétérozygotes de l’allèle défectueux en 2022.

Parallèlement, l’OS travaille le gène sans corne, ainsi que les deux mutations associées au gène culard. L’anomalie génétique Blind, qui touche la vision des bovins (également présente en race laitière), ainsi que la DEA (veaux sans poils ni dents) est sous surveillance, mais les cas demeurent marginaux.

La Limousine lutte contre les palais fendus

Principale tare de la race limousine, le palais fendu se caractérise par un trou entre le palais et la cloison nasale du jeune veau, qui laisse pénétrer le lait dans les poumons. Ne sachant boire, le jeune veau meurt rapidement.

Seuls les individus homozygotes pour cet allèle sont touchés par l’anomalie génétique. Cela signifie que l’accouplement de deux parents porteurs hétérozygotes conduit à une probabilité de faire naître un animal porteur de 25 %.

« On estime qu’environ 3 % des animaux de la race sont porteurs hétérozygotes », explique Julien Mante, directeur technique chez France Limousin Sélection. Les tests génomiques proposés par le pôle de Lanaud permettent de détecter les porteurs du gène, ainsi que d’identifier les individus culards ou sans corne.

La race travaille à identifier les porteurs hétérozygotes, pour raisonner les accouplements. « Nous ne cherchons pas à supprimer tous les mâles porteurs, car ils peuvent apporter d’autres gènes intéressants, mais on conseille de les utiliser avec parcimonie ». En bref, l’objectif est d’éviter de faire naître des individus homozygotes sur cet allèle.

La Blonde combat l’axonopathie

L’axonopathie est la principale tare de la Blonde d’Aquitaine, « et il faut en parler, car elle est létale », estime Lionel Giraudeau, directeur de France Blonde d’Aquitaine. Les veaux atteints ne survivent généralement pas au-delà de 48 h, des suites d’un problème du système nerveux. « On s’en aperçoit vite à la naissance. Les veaux ne se lèvent pas, n’ont pas le réflexe de succion… ».

Présente sur les animaux homozygotes pour le gène, l’OS travaille à écarter les hétérozygotes du schéma de sélection. « Sur les 2 500 génotypages réalisés l’année dernière, on observe dans les 3 % de porteurs hétérozygotes », détaille Lionel Giraudeau. Une proportion qui diminue d’année en année : 15 % des animaux testés étaient porteurs du gène défaillant en 2016. « On gère la maladie depuis cette date, et elle a vraiment permis d’introduire la génomique au sein de la race ».

Si les taureaux hétérozygotes pour ce gène peuvent toujours être inscrits au livre généalogique de la race, il est peu probable qu’ils réalisent une grande carrière de reproducteur.

En plus de l’axonopathie, France Blonde d’Aquitaine propose d’identifier d’autres gènes d’intérêt. Parmi eux, la translocation (anomalie génétique marginale), le test de filiation, le gène de coloration de la robe ainsi que le gène de muscularité Blonde. À l’endroit où certaines races portent le gène culard, la Blonde présente un gène spécifique qui assure le développement musculaire qui fait la réputation de la race.

La Rouge des Prés éradique le gène tourneur

Les animaux homozygotes tourneurs ne sont pas symptomatiques à la naissance. C’est vers l’âge de deux ou trois mois que l’animal commence à souffrir de paralysie du train arrière. « Le veau a tendance à se laisser tomber sur l’arrière, et tourne sur lui-même faute de force pour se déplacer », détaille Ophélie Priault, directrice de la Sica Rouge des Près.

Pour lutter contre ce mal, l’OS a pris une décision radicale : supprimer tous les porteurs hétérozygotes de la station afin d’éradiquer à terme le gène défaillant. « Et même sans être à l’OS, les éleveurs ont tendance à faire la recherche pour éviter de faire naître des veaux porteurs de l’anomalie ».

Après une dizaine d’années de sélection, les cas se font très rares. « On génotype environ 150 mâles par an en station, et on écarte un ou deux hétérozygotes chaque année », poursuit Ophélie Priault.

La Sica travaille également sur le gène culard pour bénéficier des mutations intéressantes, ainsi que sur le sans corne.

​​​​​​L’Aubrac prend le gène bull dog par les cornes

Le gène bull dog est la principale anomalie génétique de la race Aubrac. Il engendre la naissance de veaux non-viables. « La vache vêle à terme, mais le veau a de toutes petites pattes, le ventre gonflé et le nez écrasé… un peu comme un bull dog », décrit Marion Le Hung, ingénieur suivi du programme de sélection pour l’OS Aubrac.

Néfaste à l’état homozygote, l’OS travaille à restreindre le nombre de porteurs hétérozygotes au sein de la race pour éviter la transmission de l’anomalie. « Les veaux issus de la station sont systématiquement non porteurs homozygotes ». Si les taureaux de monte naturelle hétérozygotes sont tolérés par le Herd-Book, rares sont les éleveurs à s’y risquer. D’autant que depuis 2022, la race propose un test fiable à 100 % pour détecter les animaux porteurs.

Cette politique semble porter ses fruits. De 7 % de porteurs hétérozygotes lors de la mise en place du test en 2020, la race est passée à 5 %.

Elle travaille également à limiter le gène culard. « Ça n’est pas une tare, mais on cherche à l’éviter pour ne pas altérer la facilité de vêlage ». Si des porteurs du gène peuvent être inscrits au livre généalogique de la race, la station veille à fournir des taureaux homozygotes non porteurs afin d’éviter la propagation du gène.

​​La Salers a presque vaincu la ß-mannosidose

Du côté des Salers, la principale anomalie est la ß-mannosidose. Recherchée par le Herd-Book dans les années 80, elle est désormais marginale au sein de la race. « Pour 400 veaux testés chaque année, on écarte environ 2 ou 3 mâles porteurs hétérozygotes », explique Frédéric Canal, directeur de l’OS Saler.

Cet état de fait est le fruit de plus de 30 années de sélection. Si les mâles porteurs hétérozygotes peuvent être inscrits au Herd-Book, la race ne vend dans ses stations que des homozygotes non porteurs.

Autre cheval de bataille de l’OS : le gène culard. « On tient à préserver la facilité de naissance », insiste Frédéric Canal. « Le gène culard a été introduit dans la race par croisement, et ça n’est pas quelque chose que l’on cherche à garder ». Les homozygotes, bien que bien portant, ne peuvent pas être inscrits. La station fournit exclusivement des taureaux homozygotes non porteurs du gène.

​​La Parthenaise vient à bout de l’épilepsie

L’OS France Parthenaise travaille sur l’éradication de l’épilepsie. L’anomalie génétique se manifeste par des crises sur les jeunes veaux, bien souvent létales.

Symptomatique à l’état hétérozygote, l’organisme de sélection a fait le choix de ne plus inscrire au livre généalogique de la race tous les porteurs hétérozygotes. « Nous sommes dans une stratégie d’éradication du gène problématique », détaille Grégory Penières, directeur de France Parthenaise.

Ainsi, la race comptait moins de 0,2 % de porteurs hétérozygotes en 2021. « Les effets sont rapides lorsqu’on prend des décisions radicales », assume Grégory Penières. Et le directeur espère que d’ici peu, le problème sera sous le tapis.

La race recherche également d’autres gènes d’intérêt. Parmi eux, le Blind. Si l’anomalie a la particularité de rendre les vaches aveugles (notamment en Prim’Holstein), le gène n’entraîne pas de conséquences particulières au sein de la race parthenaise. L’OS préfère toutefois l’écarter doucement de son schéma de sélection pour éviter les anomalies. « Environ 0,4 % du cheptel est porteur homozygote », ajoute le directeur. Si les animaux porteurs ne sont pas sélectionnés en tant que reproducteurs, ils peuvent toutefois être inscrits au Herd-Book.

L’OS recherche aussi la mutation du gène culard (mutation historique de la Parthenaise, et mutation de la Rouge des Prés) et un travail sur le sans corne débute.

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