Quelques mois après l’entrée en vigueur de la contractualisation pour la production de viande bovine, difficile de trouver un éleveur avec un contrat dans la poche ! Cyril Gauvin, à la tête d'un troupeau de 120 mères Aubracs et Charolaises dans le Puy-de-Dôme (63) a tenté d’établir un contrat avec son marchand afin de valoriser la quinzaine de vaches de réforme qu’il écoule chaque année, en vain.
Le contrat proposé par l’éleveur reposait à 80 % sur les indicateurs de coût de production fournis par la filière, et à 20 % sur un tunnel de prix. « J’apprécie l’idée de me sécuriser avec des contrats, alors j’ai essayé de proposer quelque chose qui tenait la route. J’ai peut-être mis la barre un peu haute, mais c’était pour pouvoir négocier ! Au final, cela aurait donné des prix entre les 5 et 6 € le kilo carcasse pour des vaches de réforme, c’est ce qu’on connaît actuellement », se défend l’éleveur, qui aurait pu profiter des contrats pour adapter sa production en fonction des besoins des marchands.
Les prix calculés selon la contractualisation Égalim 2 reposent sur la prise en compte d’un indicateur de coût de production intégrant la rémunération de l’exploitant revue tous les six mois, et le cours de la viande à la date de la transaction. L’enjeu était alors de s’accorder sur le poids à apporter à chaque critère. Pour Cyril Gauvin « on avait tout intérêt à le faire, il n’y avait pas de risque… Cela limite un peu les gains lorsque les cours s’envolent, mais ça permet aussi d’éviter la casse. On se plaint souvent du coût de l’aliment, mais pour une fois, on avait les cartes en main pour maîtriser les prix. C’est dommage. »
Aucune garantie de pouvoir répercuter les contrats pour les marchands
Mais pour Alexandre Carcouet, président national de la section jeune à la FFCB (Fédération française des commerçants en bestiaux), il n’est pas étonnant que la contractualisation ait rencontré si peu d’engouement. « La contractualisation telle qu’elle est pensée n’engage que l’éleveur et le marchand, c’est-à-dire les premiers acteurs de la filière, mais nous marchands, il faut qu’on puisse répercuter les hausses auprès des industriels ! Actuellement ce qui est proposé, ce n’est ni plus ni moins que du transfert de risque. Je veux bien accepter des contrats s’ils sont cohérents, mais le problème, c’est que je n’ai aucune assurance de le répercuter. Aujourd’hui, l’aval de la filière n’est pas prêt pour contractualiser vu les hausses de prix qu'il doit déjà encaisser. »
Le marchand de bestiaux poursuit : « si on avait été intégrés au calcul, on aurait pu faire quelque chose. Nous aussi, nous avons un coût de production avec tout ce qui touche au transport des animaux… Pourquoi ne pas ajouter aux contrats les charges supportées par le marchand et aller négocier ensemble à l’échelon supérieur ? Là on aurait du poids. »
Les obligations de contractualisation se sont également étiolées de semaines en semaines pour ne concerner au final que de moins en moins d’acteurs. Les coopératives peuvent passer à côté de cette obligation si ces dernières modifient leurs statuts pour devenir acheteurs associés à l’éleveur. Les marchés aux bestiaux ne sont pas concernés, de même que les marchés d’exports dont dépendent une bonne partie de la production de broutards.
Des éleveurs hostiles à la contractualisation
Au delà de la question de la répercussion des prix sur les industriels, peu d'éleveurs se mobilisent en faveur de la contractualisation. Cyril Gauvin l’admet « lorsque j’ai appelé mon marchand au mois de mars, j’étais le premier à avoir fait les démarches ! » alors que le contexte de hausse des prix de la viande n’a pas poussé les éleveurs à se couvrir. Alexandre Carcouet le confirme, rares sont les agriculteurs à vouloir contractualiser. « Le monde agricole n’est pas prêt à ça. Un contrat c’est un contrat. Si j’en avais signé il y a quelques mois, aujourd’hui vu les cours, on me dirait que je suis un voleur… »
A défaut de contrat, l’éleveur espère pouvoir compter sur une juste rémunération de la viande. « J'écoule une partie de mes Aubracs en caissette. Quand on fixe les prix soi-même, on se rend compte qu’il ne suffit que d’un ou deux euros sur le produit fini pour bien gagner sa vie, comme quoi il ne faut pas grand chose... »
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