
Après une année 2022 sans hausse, les prix bio augmentent en moyenne de 25 €/1 000 l. Le déclassement du lait vers le marché conventionnel continue de peser sur l’économie de la filière. Notre observatoire compte 80 % du lait bio français.
La filière laitière bio ne voit pas le bout du tunnel. Selon le Cniel, le déclassement vers le lait conventionnel, les poudres et crèmes bio vracs, etc., concerne 40 % des livraisons. La collecte baisse de 4,4 % sur onze des douze mois de l’année 2023 (source : FranceAgriMer). L’arrêt des conversions depuis trois à quatre ans, les départs à la retraite non remplacés et le retour d’éleveurs vers le lait conventionnel ont un impact sur les livraisons nationales. Cela se traduit de façon disparate chez les principaux collecteurs.
Le leader Biolait enregistre le plus fort recul : - 14 % par rapport. Il perd 40 Ml, à 260 Ml. Il comptait 1 370 adhérents en 2022. Il débute l’année entre 1 250 et 1 300 producteurs (70 déconversions en deux ans). « Notre potentiel de production est également pénalisé par notre politique de gestion des volumes durant trois ans alors que la plupart des opérateurs n’en menaient pas à l’époque », souligne Nathalie Delagne, présidente de Biolait. Sans outil de transformation, la SAS est la première exposée à la crise qui sévit depuis l’automne 2021. Des gros faiseurs, tels que Sodiaal et Eurial, ne lui ont pas renouvelé leur contrat.

Biolait : au niveau du prix conventionnel
Elle finit l’année 2023 avec un taux de déclassement de 28 %. « C’est un tout petit mieux que ce que nous avions prévu début 2023 : 30 %. Nous avons davantage valorisé notre lait sur le marché bio en fin d’année et nos clients nous ont mieux accompagnés sur le prix. » Les contrats tripartites, qui représentent un quart de sa collecte, sont une des solutions (lire page 22).
Il n’en reste pas moins que le prix 2023 de Biolait est au niveau du conventionnel : 466 €/1 000 l, selon notre observatoire. Il n’inclut pas la prime super-qualité sur les spores butyriques (10 €/1 000 l pour moins de 201 spores), qui représente selon Biolait 3,70 €/1 000 l en moyenne versés. Le prix est en hausse de 23,90 €, contre + 0,32 € en 2022. « L’an passé, les adhérents ont confirmé notre projet politique de développement du lait bio sur tout le territoire. L’assemblée générale au printemps prochain sera l’occasion de se réinterroger », dit Nathalie Delagne. En attendant des jours meilleurs, ils adaptent leur conduite technique, par exemple par la monotraite.
Accentuer la différenciation de marché
Une des portes de sortie à la crise, non seulement pour Biolait mais aussi pour Eurial et pour l’OP transversale Seine & Loire (six laiteries dont Lactalis), est de poursuivre la segmentation de marché par un mode de production qui va au-delà du cahier des charges bio. Un de leurs axes est une alimentation des vaches à 100 % d’origine France. Eurial a commencé le 1er octobre avec une prime de 5 €/1 000 l qui sera versée en deux temps : en septembre 2024 sur les livraisons de janvier à juillet 2024 et en septembre 2025 pour les livraisons d’août à décembre 2024. Il faut trouver des arguments commerciaux auprès de la distribution et de la restauration hors foyer pour obtenir des hausses tarifaires et plus largement dynamiser la consommation.
En 2023, selon le Cniel, les hausses tarifaires dans les rayons ont continué à être inférieures à celles appliquées sur les produits conventionnels. Elles produisent malgré tout leur effet puisque les trois grands industriels Sodiaal, Lactalis et Eurial augmentent leur prix 2023 de 19 € (Lactalis) à 36 € (Sodiaal). En 2022, leur prix était stable ou en baisse. Un taux de déclassement de 20 %, relié à une baisse de collecte de 7,8 %, a boosté Sodiaal l’an passé. Le groupe coopératif débute 2024 avec optimisme puisqu’il vient d’obtenir l’agrément chinois pour exporter de la poudre de lait infantile.
Lactalis : 45 % de déclassement
Lactalis, lui, est handicapé par son taux de déclassement de 45 %. Après des négociations avec l’OP Seine & Loire, l’an passé il a activé à la baisse le tunnel de la formule contractuelle (-3 % par rapport au prix de base objectif), le reléguant dans le bas du classement bio français. Pour cette année, le prix de base 2023 est reconduit. L’OP accepte également d’assumer la moitié du déclassement de Lactalis, c’est-à-dire 22,5 %. « Par exemple, si le prix de base conventionnel baisse de 10 €/1 000 l, 2,25 € seront déduits du prix négocié», indique l’OP. Les discussions se poursuivent sur un scénario positif du prix conventionnel. « C’est un prix de crise. L’OP a choisi de préserver la formule contractuelle et de donner une lisibilité aux producteurs. »
Après une année 2022 quasi sans hausse, celle des prix bio 2023 est de 25 €/1 000 l, selon notre observatoire (moyenne arithmétique). Elle ne suffit pas à couvrir l’augmentation du prix de revient que CERFrance Bretagne chiffre à + 36 € pour les clôtures comptables du second semestre 2022 et premier trimestre 2023.
Dans les Hauts-de-France, la Prospérité fermière fait également appel à Biolait. Elle ne subit pas ainsi de déclassement, ses volumes de collecte (7,8 Ml) étant juste en dessous de ses besoins, ce qui lui permet de verser un prix supérieur aux grands opérateurs nationaux.
Le lait équitable consolide Les 2 Vaches
Seuls Les Prés rient bio (Danone Les 2 vaches) et la Laiterie Saint-Denis-de-L’Hôtel sortent du lot avec + 55 €. La filière Lait équitable dans laquelle sont engagées la filiale de Danone et la branche Danone de l’OP Seine & Loire a garanti en 2023 aux producteurs un prix plancher de base de 550 €. Résultat : dans notre observatoire, leur prix moyen flirte avec les 600 €. Il reste numéro 1 des prix bio français mais sur un volume qui recule de 1,5 Ml, à 17Ml (1,4 % de la collecte). Il devrait dépasser les 600 € en 2024 grâce au prix plancher qui monte encore.
De son côté, LSDH poursuit son développement démarré il y a seulement quatre ans et rejoint le niveau de volumes des Prés rient bio. Ils progresseront encore de 3 à 4 Ml cette année. Les prochains 20 Ml représenteront 20 % de la transformation de LSDH en lait UHT dont une partie est en contrats tripartites avec les GMS. Les autres 80 % sont fournis par Biolait.
« Même si nous subissons du déclassement en lait conventionnel, nous respectons nos contrats avec Biolait, indique Philippe Leseure, le directeur des approvisionnements LSDH. De même, nous maintenons un prix compétitif aux producteurs pour qu’ils supportent leurs charges d’exploitation car c’est la laiterie qui les a encouragés à se convertir. »
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