
Alors que la besnoitiose s’étend dans l’Hexagone, les Savoie, berceau des races abondance et tarentaise, explorent une nouvelle voie pour lutter contre l’extension de cette maladie parasitaire grave.
Maladie vectorielle émergente, la besnoitiose remonte chaque année un peu plus vers le nord et l’ouest de la France. Elle apparaît d’abord par foyers disséminés, puis diffuse autour pour devenir endémique. Le changement climatique entraînant un élargissement de la période d’activité des vecteurs, les mouvements d’animaux (transhumance, achat dans des zones où la besnoitiose est très implantée) et le manque de dépistage sont des facteurs d’expansion importants de la maladie. Localement, celle-ci est surtout transmise d’un bovin infecté à un animal sain par les piqûres d’insectes hématophages, comme les taons ou les stomoxes (famille des Muscidae). Contrairement aux culicoïdes (Ceratopogonidae), vecteurs de la fièvre catarrhale ovine, les taons ou les stomoxes voyagent peu et à une distance inférieure à 25 mètres.
« Tous les départements d’élevage sont aujourd’hui touchés, estime Sébastien Simian, éleveur laitier en Isère et responsable de la commission besnoitiose au Groupement de défense sanitaire (GDS) France. Il existe des zones endémiques et des zones émergentes. Alors que la maladie n’est toujours pas réglementée et qu’il n’y a donc aucune obligation de la déclarer, chaque département définit sa politique de gestion. Nous serons de plus en plus confrontés aux maladies vectorielles avec le changement climatique : il faut accélérer le rythme de la lutte avant d’être bloqué par des restrictions commerciales. » Actuellement en l’absence de traitement efficace et de vaccin, les seules solutions pour se prémunir de la besnoitiose sont le dépistage (examens sérologiques systématiques à l’achat de nouveaux animaux, dépistage sur lait de tank) et la réforme volontaire des animaux contaminés, donc séropositifs.
Absence de traitement efficace
Telle est la pratique dans les départements émergents où la maladie n’est pas encore véritablement installée. Directeur du GDS de l’Orne, Arnaud Delafosse témoigne : « Nous recensons quelques cas sporadiques faisant suite à des achats de bovins sans contamination des cheptels. Nous demandons alors aux éleveurs de réformer ces animaux positifs. Trois élevages allaitants où la maladie touche plus de 50 % des bovins sont aussi en cours d’assainissement. Notre objectif est de rester indemne de cette maladie. Outre la prévention avec des contrôles à introduction, nous accompagnons les éleveurs afin qu’ils assainissent au plus vite leur troupeau pour éviter la propagation. En Normandie, les GDS se concertent pour mener une politique commune. Il faut se préoccuper de la besnoitiose. Il est possible de s’en prémunir avec les outils que nous avons et qui sont le contrôle à l’introduction et le plan d’assainissement. »
Dans des départements comme les Savoie, fortement touchés depuis dix ans par la besnoitiose, la tâche est plus difficile. Les pratiques en cours – mélange des troupeaux l’été en alpage, élevage des génisses en dehors de l’exploitation dans des départements extérieurs, réforme tardive, souvent vers 12-13 ans – constituent des difficultés supplémentaires. Dans les races à faible effectif, la disponibilité limitée de génisses et de vaches en lactation freine les éleveurs dans leur démarche d’assainissement des troupeaux. Trouver des animaux pour le renouvellement est difficile.
Un projet de recherche en cours
À la recherche de nouveaux outils de lutte contre la maladie, les organisations d’élevage des Savoie (1) ont choisi d’explorer la voie génétique après avoir observé une grande variabilité des situations au sein des troupeaux infectés. « Certains bovins déclarent la maladie, d’autres pas, pointe ainsi Cyril Aymonier, du GDS des Savoie. Certains diffusent plus fortement la maladie que d’autres ; les mâles sont plus atteints. »
Une étude préliminaire réalisée par Eliance (2) et Auriva-Élevage (3) avec leurs partenaires savoyards, atteste la présence d’une héritabilité du statut séropositif dans les cheptels atteints (entre 15 et 20 %).
Le projet Besn’Alp (voir notre interview de Rémi Salesses), commencé cet été, doit permettre d’approfondir les connaissances sur la besnoitiose à partir des races abondance et tarentaise (majoritaires sur le territoire des Savoie et dans les AOP fromagères de la région). L’objectif est d’identifier des animaux restés séronégatifs après avoir été en contact avec le parasite, de comprendre ce qui fait leur résistance et de confirmer l’existence d’un déterminisme génétique. Le taux de génotypage élevé dans les deux races (25 % des femelles) ainsi que l’existence de 60 000 tests sérologiques effectués par le GDS des Savoie depuis dix ans, constituent un atout pour mener un tel programme.
Cette base de données existante sera enrichie par une batterie de nouveaux tests et par la récolte de phénotypes qui sera effectuée dans les élevages contaminés : sérologies supplémentaires, tests PCR cutanés à la base de la queue pour évaluer la concentration d’ADN de parasite et identifier les supercontaminateurs, taux d’anticorps, signes cliniques, etc. Ces informations, collectées par le GDS des Savoie, seront mises en relation avec le génotypage des animaux. Un réseau de 15 à 20 élevages touchés par la maladie sera constitué pour un suivi plus poussé pendant deux ans.
Les premières observations sont attendues pour l’été 2025. Selon les résultats, un projet de plus grande ampleur s’ouvrant à d’autres races (en particulier celles estivant dans d’autres massifs montagneux) pourrait être conduit. Il pourrait déboucher sur le développement d’un index de sensibilité à la besnoitiose. Comme l’a fait précédemment la race prim’holstein pour la paratuberculose (index résistance à la paratuberculose).
(1) GDS, EDS (Éleveurs des Savoie) et Lidal (laboratoire d’analyse biologique).
(2) Fédération de 126 coopératives et entreprises de conseil et service en élevage.
(3) Union de coopératives d’insémination et reproduction du sud de la France.
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