« Si je n'ai pas de vétérinaire, je fais comment si j'ai une urgence, une bête blessée, un vêlage difficile ? demande l'éleveuse, dont le troupeau, fort de 21 « mères », de deux génisses et d'un taureau paît avec les veaux dans les estives sur les hauteurs de Fourtou (Aude), au sud de Limoux, à quelque 700 mètres d'altitude.
Françoise Guitard, éleveuse de vaches laitières, ou Vincent Bibbeau, producteur, à Bugarach, de fromages avec le lait que lui donnent ses 55 chèvres, partagent la même anxiété quant au risque de « désertification vétérinaire », qui touche d'autres départements français : « en cas de problème, je n'ai pas l'assurance d'une intervention rapide, ou d'un conseil par téléphone », s'alarme l'éleveur caprin.
Le 26 juillet, la vétérinaire Marie-Christine Weibel, qui réalisait 20 % de son activité en « rurale » et le reste en « canine » (animaux domestiques) a fermé définitivement son cabinet, à Couiza, plus bas dans la vallée. En cause notamment, explique-t-elle à l'AFP : une clientèle d'éleveurs qui a grossi après le décès d'un confrère vétérinaire et, simultanément, un changement de réglementation portant à deux les contrôles de prophylaxie annuels pour les troupeaux de bovins partant en estives.
« Des éleveurs éparpillés »
Cette intervention, à tarifs préalablement fixés, a engendré la multiplication des déplacements, peu indemnisés, dans un secteur de petite montagne, difficile d'accès, où les éleveurs sont éparpillés. Ajouter à cela la multiplication des gardes, non rémunérées pour elle, l'embauche d'un salarié et une trésorerie qui s'effiloche : « J'ai perdu de l'argent, j'ai financé moi-même le surplus d'activité », raconte Marie-Christine Weibel. Laquelle a finalement décidé avec son mari médecin de partir s'installer dans le Gers, au désespoir des 100 à 120 éleveurs de sa patientèle de la haute vallée.
Restent un confrère installé à Belcaire (à 40 km au sud-ouest de Couiza) et un vétérinaire de Carcassonne (40 km au nord de Couiza) qui a laissé entendre qu'il allait prendre le relai, expliquent les éleveurs. « Mais est-ce qu'il va pouvoir en récupérer 120 » ? s'interroge Mélanie Vandecasteele. « Et si jamais il est malade, qu'il ne peut pas se lever, qu'est-ce qu'on va faire ? », renchérit Vincent Bibbeau.
Un groupe d'éleveurs, explique-t-il, « a tenté de mettre la pression sur les pouvoirs publics », notamment lors d'une manifestation début juillet devant la sous-préfecture de Limoux.
« Mort du territoire »
Le tracteur de Mélanie Vandecasteele, membre de la Confédération paysanne, garde encore planté derrière le siège le calicot alertant « Sans véto, sans toubib, mort du territoire ». Mais pour elle, « les pouvoirs publics n'ont pas mesuré l'enjeu ». Or le temps presse : ses bêtes reviendront d'estive à la fin de l'été et les contrôles sanitaires seront indispensables pour vendre des bêtes, notamment à l'export. « Si je n'ai pas de "véto", c'est tout l'équilibre de l'exploitation qui est mis en péril », affirme-t-elle en regrettant le manque de soutien de la Chambre d'agriculture.
Pour l'éleveuse, le problème va empirer et devenir « une question majeure dans le département » de l'Aude. Car la population des « vétérinaires qui font de l'activité en rural ont une moyenne d'âge de plus de 60 ans », avertit-elle. La solution ? « Il faut qu'on réfléchisse collectivement », répond-elle, un peu désarmée. « Qu'on puisse se concerter, qu'il y ait des réunions entre éleveurs et les collectivités, les pouvoirs publics », afin de « réinstaller quelqu'un ».
Dans sa chèvrerie, entouré des 9 chevrettes prêtes à monter pour la première fois dans les prairies, Vincent Bibbeau avance une idée : « La création d'un groupement d'employeurs - des éleveurs - pour employer un vétérinaire et le rémunérer ». Mais « ça veut dire 35 heures, week-ends, congés...», objecte-t-il immédiatement avant de conclure : « Il faut que les politiques nous soutiennent ».
Pour Marie-Christine Weibel, il faudrait peut-être « défiscaliser les revenus issus de la pratique en milieu rural ». « Cela permettrait d'inciter les confrères qui en font peu à continuer à en faire parce que finalement ça leur coûte moins cher ».
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