La téléconsultation vétérinaire, c’est pour quand ?

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Intervention d'un vétérinaire sur une vache holstein suite à un retournement de caillette à l'étable.
Pendant la phase d'expérimentation de 18 mois pendant le covid, les éleveurs ont eu assez peu recours à la télémédecine vétérinaire. (©antoine-photographe | AdobeStock)

Alors que la téléconsultation vétérinaire fait désormais consensus au sein de la profession, le décret l’autorisant n’est toujours pas signé et ne le sera sans doute pas avant 2026. Le cadre général est en tout cas fixé et les outils technologiques pour faciliter la télémédecine sont prêts.

Il ne reste plus beaucoup de freins à la mise en place de la téléconsultation vétérinaire. Juste un décret à signer. Mais il se fait attendre et il se murmure que ce feu vert ne sera pas donné avant 2026, peut-être même fin 2026.

Au sein de la profession, tout le monde y est favorable, « l’ordre est, sur ce sujet, plus progressiste que ne le sont les organisations vétérinaires », glisse Éric Vandaële, conseiller national en charge du réglementaire à l’ordre des vétérinaires. « On me dit qu’il n’y a pas de points de blocage, mais dans les faits, cela n’avance pas », soupire le vétérinaire de Saint-Mars-du-Désert (Loire-Atlantique). Le texte comporte environ 120 pages, et ce sont d’autres aspects que la télémédecine qui poseraient problème. Le ministère semble avoir par ailleurs d’autres urgences. À cela s’ajoute l’instabilité gouvernementale qui ne contribue pas à accélérer les choses.

Un cadre pour éviter les dérives

La téléconsultation ne consistera pas à proposer des consultations bas de gamme, à supprimer les visites des vétos dans les élevages. « Le principe reste que la télémédecine ne devrait pas dégrader la qualité du diagnostic et donc compromettre le pronostic », rassure Éric Vandaële. Pour éviter d’éventuelles dérives, le projet de décret fixe un cadre : la téléconsultation n’est possible que si un diagnostic a été établi à la suite d’une consultation en présentiel (examen clinique) depuis moins de trois mois. Le vétérinaire assis sur son fauteuil dans un centre d’appel et qui ne se déplace jamais, ce n’est donc pas pour demain.

Une téléconsultation serait possible par le vétérinaire ayant établi le diagnostic en présentiel avec un examen clinique sur le ou les mêmes animaux et pour la même affection diagnostiquée. Le praticien pourrait ainsi, à distance, suivre l’évolution de l’affection, constater une éventuelle récidive et mettre en place une thérapeutique adaptée. Pour les élevages qui bénéficient du suivi sanitaire permanent par leur vétérinaire traitant, la télémédecine pourra concerner des animaux qui n’ont pas encore été examinés ou pour traiter ou prévenir d’autres affections que celles déjà soignées.

Une plateforme en ligne pour faciliter la téléconsultation

Pour faire de la télémédecine, il suffit d’avoir un téléphone portable et bien sûr du réseau. L’éleveur transmet ses informations avec son smartphone en décrivant la pathologie. Il peut aussi être en visio, c’est plus pratique quand il s’agit de montrer une pathologie, les éventuelles rougeurs ou gonflement de la mamelle de sa vache par exemple.

On peut utiliser bien d’autres outils et technologies. La Chambre d’agriculture des Pays de la Loire expérimente cela à travers son projet 5G4AGRI (5G for agri), avec l’école vétérinaire de Nantes (Oniris) et l’entreprise Adventiel. Cette dernière a développé un prototype de plateforme de consultation baptisée VetLinkPlatform, et qui vient d’être récompensée d’un Innovspace une étoile. Il s’agit d’un espace de travail qui ambitionne de centraliser toutes les données d’élevage (donc de santé) provenant des logiciels spécialisés. Chaque vache a sa fiche, son historique. La plateforme permet aussi d’organiser des rendez-vous en ligne. Le vétérinaire accède à l’historique de l’animal, il peut constater les éventuelles anomalies grâce par exemple aux données des colliers enregistreurs d’activité.

La télémédecine, c’est aussi de la téléexpertise ou de la téléassistance. Un vétérinaire, présent dans l’élevage, peut se faire assister à distance par un vétérinaire expert, qui a des compétences particulières sur certaines pathologies. Le premier peut envoyer au second un fichier son (enregistrement par le stéthoscope connecté par exemple) ou vidéo (échographe connecté), via cette plateforme. Le vétérinaire peut aussi chausser ses lunettes connectées. « Elles sont connectées au téléphone, cela permet de garder les mains libres, et l’observateur à distance peut voir sur son écran tout ce que filment les lunettes », raconte Juliette Urvoy, responsable commerciale chez AMA, PME rennaise qui développe des solutions logicielles pour ces lunettes.

Certains équipements, comme le stéthoscope électronique (300 €), pourraient aussi être adoptés par des agriculteurs. « On pourrait imaginer que l’éleveur tiendrait le stéthoscope et le véto analyserait les sons à distance », se projette Sébastien Assié, maître de conférence à l’école vétérinaire de Nantes. Mais comment le son sera-t-il transmis, mettra-t-on de l’intelligence artificielle dessus pour analyser le son et établir un prédiagnostic ? C’est sur tous ces aspects que l’on travaille. »

Des économies pour les éleveurs ?

Les promoteurs de la téléconsultation mettent en avant la pénurie de vétérinaires dans certains territoires. La télémédecine permettrait ainsi de « faciliter l’accès aux soins » et « réduire l’empreinte carbone ». Pour les vétérinaires, cela permettra en effet d’optimiser et réduire le temps de travail improductif. Les éleveurs y gagneront-ils réellement ? « Pendant la phase d’expérimentation de 18 mois, au moment du covid, il y a eu finalement assez peu de recours à la téléconsultation, ça n’a pas été la ruée », remarque Éric Vandaële. Mais « il est fréquent que les éleveurs traitent leurs animaux seuls, pour éviter les frais vétérinaires, remarque Sébastien Assié. La téléconsultation sera peut-être une opportunité d’appeler davantage son véto et avoir une meilleure autonomie ainsi qu’une meilleure formation ».

Les consultations à distance ne coûteront sans doute pas moins cher. Ce que l’éleveur ne paiera plus, c’est le déplacement de son véto et tout ce temps supplémentaire improductif.

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