
PRIVILÉGIANT LE TRAVAIL EN COMMUN ET LA QUALITÉ DE VIE, LE GAEC LA MADELEINE N'UTILISE QUE DU MATÉRIEL DE CUMA. CETTE EXPLOITATION N'ACHÈTE PLUS DE TRACTEUR NI D'AUTRES OUTILS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES.
C'EST EN 1985 QUE FRANÇOIS BARON S'INSTALLE À NUEIL-LES-AUBIERS DANS LES DEUX-SÈVRES avec ses parents. Quand ces derniers partent à la retraite en 1997, ils sont remplacés par Christophe Courilleau. Puis Stéphane Clisson les rejoint en 2003. Ils sont depuis associés dans le Gaec La Madeleine, du nom du lieu-dit où se trouve l'exploitation. « Les Cuma ont toujours eu une place importante sur notre secteur, souligne François Baron. La première s'est créée en 1976 avec le développement du maïs ensilage : une situation qui reflète bon nombre d'exemples dans le Grand Ouest. De notre côté, nous avons toujours adhéré à ce mode de fonctionnement en privilégiant le travail en commun et l'entraide. C'est pourquoi, au fil du temps, l'exploitation a favorisé l'utilisation du matériel en Cuma plutôt que l'achat individuel. Progressivement, notre parc matériel en propriété s'est réduit, et nous avons basculé vers un système s'appuyant presque intégralement sur la Cuma. Aujourd'hui, il ne nous reste plus qu'un seul tracteur ancien qui sert uniquement pour de la manutention. »
« L'ORGANISATION S'EST MISE EN PLACE EN PLUSIEURS ANNÉES »
Le Gaec La Madeleine adhère à la Cuma L'Argencie installée sur la commune. Elle propose un grand nombre de matériels : cinq tracteurs, deux télescopiques, du matériel de récolte, de travail du sol, de semis... Sur la commune se trouve également le siège de la Cuma du Bocage. Celle-ci a une dimension départementale et possède une déchiqueteuse, un retourneur d'andains, un quad avec épandeur d'engrais, une presse cubique ainsi que d'autres matériels spécifiques, comme une arracheuse de betteraves fourragères. Au final, tous les équipements nécessaires à l'exploitation sont disponibles par le biais de ces deux Cuma.
Un dynamisme auquel les associés du Gaec ne sont pas étrangers puisque Christophe est président de la Cuma du Bocage. François, lui, est trésorier de la Cuma L'Argencie. Les deux Cuma sont étroitement liées. La première, forte de ses quatre salariés, met régulièrement une personne à disposition de la seconde, sans employé, principalement pour l'entretien des machines et pour conduire la moissonneuse-batteuse ou l'ensileuse. La Cuma L'Argencie dispose quant à elle d'un bâtiment de stockage de 1 800 m2, dont la construction a été financée par un investisseur qui a, en échange, installé des panneaux photovoltaïques sur le toit.
L'organisation de travail des associés du Gaec est elle aussi complémentaire... et avant tout établie sur la confiance et la discussion. Elle s'est mise en place en plusieurs années. C'est à la fin des années 1990 que le Gaec amorce un virage important. À cette époque, un groupe tracteur se constitue avec trois fermes voisines. La Cuma L'Argencie investit dans deux tracteurs de 110 ch. Les membres du groupe doivent bien entendu s'engager à utiliser le matériel un certain nombre d'heures afin d'assurer sa rentabilité. Ils choisissent dans le même temps de revendre ou de ne pas réinvestir dans un tracteur de tête. Avec la mutualisation, celui de la Cuma revient de toute façon moins cher. L'entente est bonne et petit à petit, d'autres outils achetés en commun arrivent : charrue, herse, semoir...
« NOUS COMPTONS SOIXANTE ADHÉRENTS DONT QUARANTE ACTIFS »
Les semis de blés étant une période tendue, les agriculteurs prennent rapidement l'habitude de travailler ensemble en se relayant à la conduite pour optimiser le matériel. Grâce à ce bon état d'esprit, le nombre de matériels en Cuma augmente progressivement avec le temps : de deux tracteurs au départ, le groupe est passé à trois en 2003 lors du premier renouvellement. Un quatrième arrivera quelques années plus tard. La Cuma investit aussi dans du matériel de fenaison et des épandeurs. L'année 2007 est marquée par l'arrivée du premier chargeur télescopique en remplacement d'un tracteur avec chargeur frontal. À chaque fois que le parc matériel s'étoffe, le nombre d'utilisateurs s'accroît aussi. La Cuma L'Argencie compte une soixantaine d'adhérents, dont quarante vraiment actifs.
En 2008, le Gaec La Madeleine s'engage dans un groupe désileuse automotrice avec deux exploitations géographiquement proches. Jusqu'à présent, les membres du Gaec utilisaient une distributrice traînée partagée avec un voisin. La Cuma investit donc dans une mélangeuse Siloking de 13 m3 à bol vertical. « Elle est stockée chez nous, explique François. Nous l'utilisons donc en premier chaque matin avant de la conduire sur une autre exploitation à cinq cents mètres d'ici. Celui qui la livre revient généralement avec la voiture du voisin. Ce dernier récupère sa voiture quand il ramène la désileuse. Puis, en fin de matinée, c'est le troisième exploitant qui vient chercher la machine. » Chaque éleveur conduit la désileuse sur son exploitation. En effet, le groupe n'est pas assez conséquent pour justifier l'embauche d'un chauffeur qui assurerait toute la tournée.
« LE PRIX HORAIRE DU TRACTEUR EST DE 15 € SANS LE GNR »
« L'abandon des tracteurs en propriété s'est fait progressivement, explique Christophe Courilleau. Quand je me suis installé, nous faisions déjà beaucoup de travail en commun avec un voisin. Avec le groupe tracteur, le cercle s'est élargi. L'arrivée du télescopique, puis de la désileuse automotrice, nous a permis d'abandonner totalement l'idée d'investir dans notre propre tracteur. Cela nous oblige parfois à patienter le temps que le matériel se libère et quelques périodes peuvent être un peu tendues. Avec un peu de discussion et d'anticipation, tout le monde est servi dans les temps, et jusqu'à présent, tout s'est toujours bien passé. »
« NOUS DISPOSONS D'ENGINS PUISSANTS, RÉCENTS, PERFORMANTS »
En saison, les automoteurs sont souvent stationnés à La Madeleine, car la ferme occupe une position centrale entre les différentes exploitations des adhérents. Christophe, qui est également responsable du planning des automoteurs pour la Cuma, peut ainsi plus facilement gérer leur répartition.
Les membres du groupe ont le choix entre différentes puissances (voir encadré p. 71), ce qui est intéressant en fonction du travail à effectuer. Le prix horaire du tracteur est de 15 € sans le GNR, quel que soit le modèle utilisé. Pour le télescopique, le tarif est de 24 €/h, carburant inclus.
Au Gaec La Madeleine, le coût annuel des automoteurs en 2014 s'est élevé à 18 613 €. Cette facture inclut 500 heures de tracteur et 150 heures de télescopique, et englobe aussi le matériel de transport, d'épandage et de travail du sol. Les postes récolte et semis se sont élevés à 10 352 € pour la même période. La désileuse automotrice est facturée 30 €/h à laquelle s'ajoute un forfait annuel de 7 € pour 1 000 l de lait produit. Cela a coûté 7 564 € au Gaec en 2014, soit un prix de revient de 11,64 €/1 000 l. Un tarif un peu supérieur à la moyenne régionale, puisque le réseau des Cuma estime qu'une automotrice sans chauffeur revient aux environs de 10 €/1 000 l. Mais dans le cas présent, la désileuse ne fonctionne que sur trois exploitations. Il serait possible de réduire ce coût si le groupe s'agrandissait. Au final, les charges de mécanisation restent faibles. Le Gaec n'a pas d'investissement en matériel et les coûts d'entretien sont mutualisés.
« BAISSER LES CHARGES DE MÉCANISATION AVEC PLUS DE PÂTURAGE »
« L'atout financier est incontestable, insiste Stéphane, sans quoi nous ne pourrionspasvivre à trois sur 90 ha. Nous maîtrisons nos charges et réussissons à créer de la valeur ajoutée sur un minimum d'espace. Cela nous permet de travailler efficacement avec des engins puissants, récents et performants que nous n'aurions jamais pu nous offrir individuellement. » Quand Stéphane les a rejoints en 2003, il a fallu construire un nouveau bâtiment (voir ci-contre). À la même époque, ils décident de réduire leur coût d'alimentation en arrêtant de distribuer du concentré au printemps. Ainsi, en avril et mai, les vaches pâturent tout le temps sans apports supplémentaires. Ensuite, durant la période estivale, elles mangent de l'ensilage d'herbe et des céréales immatures. En hiver, la ration est composée pour moitié d'ensilage de maïs mélangé avec de l'ensilage de méteil et des betteraves fourragères. Cette ration hivernale est complétée par du tourteau de colza. Le Gaec commande trois camions chaque année, soit environ 90 t achetées entre 250 et 255 €/t.
Ce choix d'optimiser le pâturage vise aussi à faire baisser les charges de mécanisation.
« NOUS CONTRIBUONS AU DYNAMISME DU TERRITOIRE »
Plus les vaches passent du temps au pré, moins il faut récolter de fourrage et épandre de déjections. L'objectif actuel est de stabiliser la production à environ 8 000 l par vache tout en maîtrisant le coût d'alimentation. « L'important, c'est la marge qui reste en fin d'année, rappelle François. Les systèmes classiques incitent à augmenter le niveau de production par UTH, qui se traduit par aussi par la hausse du coût de production par vache. Nous ne pensons pas que l'accroissement des structures et des troupeaux soit la bonne solution. Au-delà de soixante vaches, l'économie d'échelle sur le bâtiment n'est pas très importante. La mécanisation à outrance a ses limites, car les investissements deviennent colossaux, tout comme les contraintes d'ailleurs. Notre système nous permet aussi de lever le nez du guidon de temps en temps pour avoir des activités extérieures à l'exploitation ainsi qu'une vraie vie de famille. » Car ne pas être esclaves de leur travail est bien la motivation principale qui les a conduits à adopter cette organisation. Aujourd'hui, les trois associés estiment avoir atteint le bon équilibre. « Nous sommes toujours à l'écoute et sommes prêts à évoluer si la situation le justifie. Il n'est pas question pour le moment d'agrandissement. Si une ferme voisine se libérait, je privilégierais une nouvelle installation par un jeune. Nous voulons maintenir du lien social sur le territoire. Dans notre mode de travail, nous sommes en permanence en contact avec nos voisins. C'est très important à mon sens et cela contribue à maintenir l'activité agricole ainsi que du dynamisme sur le territoire », conclut Stéphane.
DENIS LEHÉ
Le bâtiment des vaches laitières a été construit en 2003 pour un effectif de 80 places. © SÉBASTIEN CHAMPION
Le travail en Cuma, source d'échanges, a permis aux associés de développer la culture de la betterave fourragère sur leur exploitation. © SÉBASTIEN CHAMPION
L'astreinte du week-end est assurée à tour de rôle par un seul des trois associés. © SÉBASTIEN CHAMPION
L'hydrocurage est déclenché deux fois par jour pendant la traite. © SÉBASTIEN CHAMPION
La salle de traite 2 x 6 places en épis a été achetée d'occasion. © SÉBASTIEN CHAMPION
Le seul tracteur de l'exploitation sert uniquement à effectuer de petits travaux de manutention. © SÉBASTIEN CHAMPION
Le prêt pour le bâtiment représente l'investissement principal à rembourser jusqu'en 2020. © SÉBASTIEN CHAMPION
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