L’Armoricaine, retour d’une race oubliée

Presque disparue à la fin des années 70, la vache armoricaine a été sauvée de justesse et reprend du poil de la bête depuis une quinzaine d’années. Rencontre avec Erwan Rousseau, président de l’association des éleveurs d'Armoricaines.

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En 1978, il ne restait plus qu’une vingtaine de vaches armoricaines. « Normalement, à ce stade, c’est cuit », commente Erwan Rousseau, président de l’association des éleveurs d’Armoricaines. Un recensement des races en voie d’extinction et des ressources disponibles révèle cependant qu’il reste des doses de 14 taureaux dans les cuves des inséminateurs. Quoique vieilles de 20 ou 30 ans, elles sont toujours utilisables. Certains courageux décident de s’en servir pour relancer la race.

2010, année décisive

« Dans un premier temps, il s’agit seulement d’augmenter les effectifs, raconte Erwan Rousseau. Les animaux ne sont pas sélectionnés par rapport à la production. Les propriétaires sont souvent des particuliers qui ne possèdent que quelques animaux et ils n’ont pas de connaissances particulières en génétique. On fait de la conservation, c’est poussif. » Ce travail assure cependant un maintien de la race au fil du temps.

C’est 2010 qui constitue le moment charnière. L’Armoricaine rencontre enfin son public, bien souvent des éleveurs polyculteurs qui pratiquent la vente directe. Le redressement des effectifs devient alors spectaculaire : + 25 % par an. Si bien qu’en 2022, l’Institut de l’élevage recense la millième vache armoricaine. Aujourd’hui, il y a plus de demande que d’animaux disponibles, si bien que la plupart des éleveurs doivent compléter leur troupeau avec d’autres races ; Erwan Rousseau lui-même a encore quelques Pie noire bretonnes. En tant que président de l’association des éleveurs, il encourage donc tout ce qui va dans le sens d’une hausse continue des effectifs.

Vache armoricaine
Dans les années 30, on comptait 300 000 vaches armoricaines mais seulement une vingtaine en 1978. (© Emmanuelle Bordon)

Jusqu'à 1,3 kg de GMQ

L’Armoricaine ne manque pas d’atout. Race mixte, elle bénéficie d’une précocité sexuelle et d’une facilité d’engraissement favorables à une conduite en allaitante. Et ce d’autant plus que les vaches sont de bonnes laitières, dotées d’excellentes qualités maternelles. On peut s’attendre à 0,9 à 1,2 kg de GMQ pour les femelles et 1 à 1,3 kg de GMQ pour les mâles.

Et quant à ses qualités bouchères, des comparaisons ont été réalisées entre un bœuf armoricain et une génisse limousine. Les résultats ont montré des valeurs nutritionnelles et organoleptiques de la viande d'Armoricaine au moins équivalentes, voire supérieures, à celles de la Limousine. Le taux de persillé, notamment, est très élevé, même sans engraissement.

L’Armoricaine est également connue pour son calme et sa docilité. « C’est une race adorable », résume Erwan Rousseau. Installé à la fin des années 90 à la suite de son père, il a conservé le même système, en agriculture biologique : une production maraîchère en activité principale et de la viande bovine en complément. Aujourd’hui en Gaec avec son épouse, il emploie deux salariés à temps plein. La plus grande partie de la production est vendue en direct.

Un élevage en douceur

Il a d’abord continué avec la même race que son père : la Normande. « Des vaches avec une bonne génétique, très laitières, mais pas adaptées à mes objectifs, qui étaient de faire du veau sous la mère », commente-t-il. Les Pie noire bretonnes sont un peu mieux mais elles ont le défaut d’être très vives, tout comme les races allaitantes habituelles. C’est en 2015 qu’il voit une Armoricaine pour la première fois et la choisit. « Un bon éleveur fait un élevage de cœur, développe-t-il. L’Armoricaine est une vache calme, elle correspond bien à mon caractère, à ma façon de travailler et au temps réduit que j’ai à y passer ». C’est au point que le besoin de contention est presque inexistant ; les échographies sont souvent faites au champ, par exemple. « C’est un élevage qui se fait en douceur », conclut Erwan Rousseau.

Il apprécie enfin la sobriété de la race. « Sur la même surface, je nourris 18 Armoricaines, contre neuf Normandes », détaille-t-il. Pas de céréales dans la ration, le troupeau est au foin et à l’herbe. « C’est la vache idéale pour un système comme le mien, dont la production bovine n’est pas la seule de l’exploitation, précise-t-il. Elle ne me prend pas trop de temps et autorise un système très autonome, puisque le fumier fourni par les vaches est utilisé pour les légumes ».

Conforter les qualités de la race

L’association des éleveurs d’Armoricaines regroupe aujourd’hui une soixantaine d’adhérents, pour 131 détenteurs. En tant que président, Erwan Rousseau veut donner une direction professionnelle à la race. Pour lui, se préoccuper de consanguinité ne suffit pas. « Il faut aussi avoir conscience des enjeux et faire de la sélection pour garder les qualités de la race, expose-t-il. La facilité de vêlage doit être conservée, par exemple ».

Pour sensibiliser et motiver les éleveurs, il a contribué, en 2023, à l’organisation du premier concours depuis 1963. Même si la saillie naturelle est encore très pratiquée, il encourage l’insémination artificielle. Les taureaux utilisés sont encore ceux des années 60, donc les résultats sont hétérogènes mais, pour la première fois, un mâle issu de son exploitation est parti en centre d’insémination. Il incite aussi à réaliser des suivis de croissance et ne craint pas de les comparer à ceux de la Limousine.

Il reste encore beaucoup de travail de développement à réaliser. Mais Erwan Rousseau est optimiste. De nombreux jeunes éleveurs sont intéressés par l’Armoricaine. Et même si elle est principalement utilisée comme vache allaitante, des tests sont en cours pour une production laitière qui servirait à la fabrication du gwell (spécialité bretonne de lait fermenté), dans le cadre d’un projet d’AOP. L’Armoricaine a de beaux jours devant elle.

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Vaches, charolaises, U= France 7,35 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,15 €/kg net +0,04
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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