«Y a pas mal d'animaux là-bas, mais ce sont des chevreuils... il y a juste une tâche, au fond, il faut se rapprocher pour voir plus distinctement », murmure Christophe Pisi, chef de la brigade loup de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), venu spécialement du sud de la France pour former les gardes locaux au tir de nuit à Breux (Meuse).
Équipés de bottes et de parkas, lui et son collègue progressent en silence sur un chemin boueux en contre-haut du village, éclairé par la seule lueur des étoiles, à la recherche d'éventuels sangliers sortis du bois pour se nourrir. À travers la petite caméra thermique d'une portée maximale d'1,5 km, leurs yeux aguerris distinguent ici un renard, là-bas un lièvre, plus loin des chevreuils... mais point de suidés. « C'est peut-être une bonne nouvelle, ça veut peut-être dire qu'ils ne sont plus là », espère Christophe Pisi au retour d'une heure de marche nocturne par - 2 degrés, bredouille. Mais ces animaux habitués à la pression de chasse sont également connus pour leur capacité à se cacher quand il le faut... 500 à 600 bêtes doivent pourtant être abattues « d'ici deux à trois semaines » dans la zone blanche de 141 km2, selon le ministère de l'agriculture.
À la sortie du village, des ouvriers se sont activés toute la journée pour installer une clôture métallique de 1,50 m de haut, qui s'étendra à terme sur environ 70 km à cheval sur la Meuse et les Ardennes. Une clôture similaire est déjà en place côté belge. Des pièges ont également été posés et une nouvelle battue administrative réunissant 200 personnes, dont l'armée, aura lieu dimanche dans cette zone blanche pensée comme un coupe-feu. « C'est absolument exceptionnel ce qu'on fait (...) c'est une mobilisation sans précédent », assure Olivier Thibault, directeur général de l'ONCFS, à la fin d'une réunion de crise dans une veille grange en pierre du village transformée en quartier général.
« Groin à groin »
Chacun se penche sur les cartes topographiques, observant la bande qui doit être dépeuplée des sangliers, laies et marcassins, au plus vite. « C'est un sujet économique majeur car la maladie est très transmissible (aux porcs), de groin à groin c'est suffisant », explique Olivier Thibault, rappelant en revanche que la peste porcine ne se transmet pas à l'homme. La peste porcine africaine, originaire d'Afrique, est apparue en Europe de l'Est il y a cinq ans et a peu à peu avancé vers l'Ouest. En Belgique, le premier cas de cette maladie hémorragique virale strictement animale a été détecté en septembre et une clôture y a également été mise en place. Pour protéger son industrie porcine, le Danemark a aussi commencé lundi la construction d'une palissade le long de la frontière allemande.
Si la maladie se propageait, la France risquerait de perdre son statut de pays indemne et ainsi de se voir refuser les exportations, notamment sur l'important marché chinois soit, selon Olivier Thibault, « 200 à 300 millions d'euros » de pertes pour la filière porcine française. Dans la nuit de Breux, une autre équipe de gardes a réussi à observer un sanglier, mais sans pouvoir tirer, malgré la carabine suréquipée - caméra thermique, lunette d'affût, silencieux. Ces opérations ont aussi un impact sur les chasseurs du secteur, bientôt entièrement clôturé, et qui ne reverront plus aucun sanglier dans les prochaines années. Sans ce grand gibier, la « zone blanche » perdra inévitablement de sa biodiversité. Mais aux yeux d'Olivier Thibault, il faut en passer par là pour « protéger la biodiversité sur tout le territoire », dont l'équilibre est menacé par ce virus contre lequel il n'existe ni traitement ni vaccin et potentiellement ravageur pour les sangliers, mais aussi pour les élevages porcins.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?