Prairies temporaires VS permanentes : miser sur leur complémentarité

Prairies temporaires, prairies permanentes : plutôt que de les opposer, mieux vaut miser sur leur complémentarité géographique et alimentaire. Déjà en terme de valorisation du potentiel de ses parcelles. « Il faut trouver la bonne adéquation entre le potentiel de chaque parcelle, le rendement fourrager qu’on peut en espérer et les besoins de ses différentes catégories d’animaux », conseille Romain Dieulot, coordinateur systèmes pâturants du réseau Civam.

Productivité et résilience

Les prairies temporaires sont plus productives. Sur des parcelles à bon potentiel, elles sauront répondre à des besoins élevés, par exemple de vaches laitières. Les prairies temporaires apportent également des services agronomiques à la culture suivante : apport d’azote, amélioration de la qualité du sol, désherbage facilité…

Les prairies permanentes permettent de valoriser des parcelles à plus faible potentiel. « Elles sont souvent dans des contextes de sols compliqués, coteaux, bords de cours d’eau, des parcelles où on ne pourrait rien faire d’autre, mais les prairies permanentes fournissent un fourrage qui ont une valeur nutritive intéressante quand on les valorise au bon stade », souligne Patrice Pierre, spécialiste des prairies à l'Idele.

La végétation des prairies permanentes s'adapte à son milieu au fil des années ce qui la rend plus robuste aux aléas.

Au fil des années, la végétation des prairies permanentes s’adapte parfaitement aux conditions pédoclimatiques. Cet équilibre floristique leur donne de la robustesse et les aide à mieux encaisser les aléas que les prairies semées. « Dans les milieux avec de fortes contraintes, quand les conditions météorologiques sont compliquées, La végétation native a une meilleure capacité de récupération que les variétés sélectionnées car elle est parfaitement adaptée à son milieu », partage Patrice Pierre.

Cette résilience vient aussi du tissu racinaire, qui se densifie au fil des années. Cela rend aussi ces prairies plus portantes, ce qui permet de démarrer le pâturage plus tôt et de le pousser plus longtemps à l’automne.

Faire vieillir ses prairies, des avantages, des inconvénients

Administrativement, une prairie implantée depuis plus de 5 ans est considérée comme une prairie permanente, ce qui entraine des contraintes sur les possibilités de retournement au regard de la Pac, mais apporte des points pour l’accès au niveau 2 des aides (voir plus bas).

Garder plus de 5 ans ses prairies a des intérêts. Le premier est économique. « Le semis coûte cher. Selon les conditions climatiques, on n’est pas sûr qu’il soit réussi, prévient Romain Dieulot. Sur une prairie plus âgée, il peut y avoir moins de production mais la tonne de matière sèche revient moins chère car le coût du semis est amorti. »

L’inconvénient de faire vieillir ses prairies pourrait être la baisse de productivité. Au bout de quelques années, 3 à 5 ans souvent, les prairies temporaires connaissent un creux de production. « Si on peut se le permettre en terme de surface disponible, il faut leur laisser le temps de trouver un nouvel équilibre de végétation puis ça repart », conseille Romain Dieulot. De bonnes pratiques de pâturage aident à maintenir l’équilibre de la végétation. « Il faut adapter le pâturage, en intensité et en période, aux conditions climatiques, rappelle Patrice Pierre. Les prairies ont du mal à se remettre d’un surpâturage cumulé à une sécheresse estivale. »

En fonction de ses surfaces et de ses besoins fourragers, à chacun de fixer ses critères de retournement de prairie. Mais attention à ne pas prendre de décision hâtive. « Par exemple, après un été comme en 2022, il faut laisser une chance à la prairie de se refaire, conseille Patrice Pierre. On sait ce qu’on casse, on ne sait pas ce qu’on va obtenir ».

La Pac veille au maintien des prairies permanentes

Au regard de la réglementation, une prairie est permanente, quand elle est en place depuis plus de 5 ans. La version 2023-2027 de la Pac maintient la trajectoire des versions antérieures en ce qui concerne les prairies permanentes et la forte incitation à leur maintien.

Les éco-régimes donnent accès à deux niveaux d’aides forfaitaires à la surface. Ils sont accessibles par trois voies : celle de la certification environnementale, celle des éléments favorables et celle des pratiques agricoles. Pour cette dernière, les surfaces en prairies permanentes doivent être maintenues. Pour bénéficier du niveau 1 des aides, il ne faut pas retourner annuellement plus de 20 % de ses prairies permanentes. Pour accéder au niveau 2, qui correspond à des montants d’aides plus élevés, il ne faut pas dépasser les 10 %.

S’ajoute la conditionnalité qui oblige au maintien, au niveau régional, du ratio prairies permanentes/SAU, par rapport à l’année de référence qui est 2018. Si ce ratio se dégrade de plus de 5 %, il est interdit de retourner des prairies permanentes. Si le ratio se dégrade entre 2 et 5 %, le retournement est possible après l’obtention d’une autorisation de l’administration.