
Mieux valoriser son lait dans des filières courtes et locales, voilà une idée alléchante. De la vente directe de lait cru au distributeur automatique à la transformation fromagère en passant par la fabrication de produits laitiers transformés, les pistes à explorer sont nombreuses. Mais attention à ne pas perdre de vue la rentabilité économique du projet.
![]() Le Gaec Fouque-Lefebvre a developpé un atelier de fabrication de fromages. (© Terre-net Média) |
« Dans les supermarchés, ces produits locaux et équitables ont fait un carton !, raconte Lisa Imbert en charge des produits laitiers chez "Le Petit Producteur". Malheureusement, nous avons dû suspendre la commercialisation après une année de test, les difficultés logistiques et les coûts de transport ayant eu raison de cette aventure. »
Mais, la petite entreprise compte bien renouveler l’expérience courant 2013 et recherche actuellement des producteurs. Les conditions requises : transformer son lait de façon artisanale pour obtenir un produit qui ait du goût et surtout être en mesure de livrer (ou de faire livrer) directement sa production à une plateforme logistique. « Le prix de vente et la marge du producteur sont établis en toute transparence et le débouché commercial est garanti », assure Lisa.
1 € le litre au distributeur
Certains éleveurs en quête de valeur ajoutée court-circuitent la grande distribution et choisissent de vendre eux-mêmes leur lait aux consommateurs via des distributeurs automatiques de lait cru ou "fontaines à lait"… avec plus ou moins de réussite. En effet, « se lancer dans ce genre de démarche ne s’improvise pas, sous peine de déconvenues rapides », avertit Thierry Pons, chargé de mission chez Trame pour le Casdar "Références circuits courts". Il faut approvisionner quotidiennement les fontaines avec du lait frais et le seuil de rentabilité est de l’ordre de 50 litres vendus par jour. En France, la part de marché du lait cru entier n’est que de 2,5 % et régresse de 5 à 6 % par an.
![]() Le distributeur de lait cru de Jean-Michel Anger a une moyenne de 28 litres par jour. Le seuil de rentabilité de cet investissement serait plutôt autour de 40 à 50 litres/jour. (© Saveur-lait/Kilaitcru) |
« Les consommateurs sont sensibles à la vente directe et aux produits locaux, néanmoins c’est à nous de les convaincre et de les fidéliser », explique Jean-Michel Anger, président de l’association Kilaitcru, qui fédère une dizaine de producteurs-vendeurs de lait cru en Loire-Atlantique. En pleine crise du lait, cet éleveur d’Herbignac a installé une fontaine à lait cru à côté d’une boulangerie fréquentée. « Sans communication et animations régulières, l’évolution des ventes ressemble à la courbe de lactation d’une vache : ça commence fort au début, puis cela s’étiole au bout de quelques mois ! », regrette-t-il.
0,75 €/l vendu au vrac
A un euro le litre, le seuil de rentabilité de sa fontaine à lait cru, amortie sur sept ans, est de 40 l par jour, sachant qu’elle tourne plutôt à 28 litres en moyenne. « Cependant, je n’ai pas l’intention de l’arrêter : ce type d’initiative ouvre des portes pour développer la vente directe d’autant que je souhaite vendre davantage de lait cru aux restaurateurs, aux traiteurs, aux hôpitaux et aux cantines scolaires. A 0,75 €/l vendu en vrac, ce débouché s’avère intéressant économiquement et, contrairement à ce que l’on croit, consommer du lait cru ne comporte aucun risque si la date est respectée. De plus, il n’y a pas de pénalités lorsqu’on dépasse le quota alloué à la vente directe. »
Plus d’avenir pour les casiers automatiques ?
Depuis deux ans, Jean-Michel a investi dans deux distributeurs automatiques de desserts lactés (yaourts, crèmes au chocolat, riz au lait, flans…) situés dans des gares Sncf. « L’avantage, c’est qu’ils fonctionnent un peu comme des distributeurs de boissons. Pas besoin de remettre les produits en façade et le remplissage s’effectue une fois par semaine car la date limite de consommation des desserts est de huit jours. » « Le lait cru tout seul a peu d’avenir, si l’offre au distributeur n’est pas un peu plus étoffée », estime Thierry Pons.
![]() Le contenu des casier doit être varié pour répondre à différents besoins (famille, personne seule, différents produits,...) et approvisionné au moins deux fois par jour avec des produits frais. (© Filbing-distribution) |
C’est pourquoi les casiers automatiques réfrigérés se révèlent plus rentables : le panier moyen est plus important et l’éventail de produits disponibles, plus large, incite davantage à acheter. En s’associant avec d’autres agriculteurs, il est en effet possible de proposer du lait thermisé mis en bouteille à la ferme, de la crème, des desserts lactés, des petits fromages apéro, voire de la viande ou des fruits et légumes.
Eprouvés depuis 20 ans en Allemagne et en Suisse, les casiers sont robustes. Le client choisit un numéro de casier, paie et une porte s’ouvre pour qu’il puisse récupérer ses achats. L’investissement est de l’ordre de 10.000 €, soit environ trois fois moins qu’une fontaine à lait. Le coût de revient, lui, représente 4 à 10 % du chiffre d’affaires (80 à 350 €/j) selon le lieu d’implantation des casiers, la distance qui les sépare de la ferme et le nombre de réapprovisionnements par jour. Ensuite, tout est une histoire de communication. « Nous, producteurs de lait, avons encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine », souligne Jean-Michel Anger.
![]() Les casiers automatiques peuvent-être réfrigérés pour accueillir des produits comme des légumes, des œufs, de la viande ou des produits laitiers... sans doute une idée à developper avec plusieurs producteurs. (© Filbing-distribution) |
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