« Il y a encore du chemin à faire »

Certes, les femmes s'affirment dans le paysage laitier comme vous le décrivez dans votre dernier dossier, mais la reconnaissance professionnelle est loin d'être une chose acquise. C'est un monde macho.

Pour être moi-même agricultrice sur une exploitation laitière en EARL avec mon mari, je peux vous dire à quoi je dois faire face.

Appels téléphoniques, surtout à l'heure du déjeuner, parce que les commerciaux souhaitent parler à un homme. Certains poussent le bouchon en vous demandant le numéro du téléphone portable de votre associé. Il m'est arrivé d'être obligée de dire à mon interlocuteur que je suis au courant des investissements que l'on projette, d'autant plus que je prends toute la partie comptabilité à ma charge.

Autre fait marquant : des factures qui arrivent avec la civilité MM. Nicole et Jean-Guillaume. Je suis d'autant plus réactive aujourd'hui qu'en début d'année, j'ai reçu un courrier au titre de trésorière de la Cuma dont nous sommes adhérents : Cuma de la V., à M. Nicole Gélébart. Et pourtant, comme vous pouvez le constater, j'ai un prénom qui ne porte pas à confusion. Par le biais d'échanges de mails, j'ai reçu des excuses mais pas une nouvelle invitation, ce qui aurait tout de même été très fair-play.

À chaque saison, je participe aux travaux des champs. Et il arrive que l'on me dise : « J'ai croisé Jean-Guillaume qui était avec la charrue, hier dans tel champ. » Pour eux, c'est une évidence, c'est un homme qui est sur le tracteur, alors qu'en réalité, c'est moi.

Il y a aussi le sourire à peine marqué quand on arrive chez le mécanicien et la petite question : « Ça te plaît ? » Il n'y a pas le simple fait que cela puisse plaire, mais en effet, je me trouve très bien dans les champs quand il s'agit de préparer les terres (charrue, roto, combiné, rouleau) ou pour la fenaison. Mais il y a une volonté d'avoir des heures de travail cadrées et d'avancer rapidement dans les différentes tâches.

Alors, c'est vrai, il arrive parfois que j'ai envie de dire que je ne suis pas simplement l'ombre de mon associé, qui est aussi mon mari dans la vie privée.

NICOLE GÉLÉBART (FINISTÈRE)